/ 194
105. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE VII. De l’Amour. » pp. 121-144

On est saisi d’étonnement en face du génie de Molière, quand on voit que cet acteur de farces a su représenter l’amour aussi bien que les plus grands tragiques, avec une élévation et une vérité émouvante, sans le chercher pourtant dans ses excès presque surhumains, plus propres à inspirer les artistes. […] Ce qui le lui fit connaître et peindre ainsi, c’est son universel génie, à qui rien d’humain n’était étranger ; et ce qui donne à ses peintures d’amour un caractère moral. c’est son bon sens, qui resta toujours debout malgré les assauts de la passion. […] Mais il est peut-être plus beau, meilleur, plus glorieux encore d’avoir su, en s’élevant dans ces régions supérieures et presque divines, rester sur la terre, et ne s’égarer jamais hors de la vie pratique et de la vérité humaine, là où Platon lui-même, emporté par son génie, s’envola hors de l’humanité447.

106. (1821) Notices des œuvres de Molière (VI) : Le Tartuffe ; Amphitryon pp. 191-366

» Quoique, d’après ces détails, on puisse présumer qu’en effet Molière a tiré parti, de quelque anecdote, de quelque trait venu à sa connaissance, tout doit se réduire à ceci : il a trouvé son sujet où il l’avait dû chercher, dans l’étude de l’homme et dans l’observation de la société ; mais dans ce sujet il a trouvé un chef-d’œuvre, et c’est là ce qui, dans les arts, constitue le génie créateur. […] Ces moyens faciles et vulgaires, dont ici la difficulté dramatique semblait invoquer particulièrement le secours, étaient repoussés par la vraisemblance morale’, et le génie du poète a su s’en passer. […] Il fallait qu’il l’emportât sur Plaute, leur modèle commun ; il fallait qu’à force de génie dans l’imitation, il parvînt à lui enlever ou du moins à partager avec lui la gloire de l’originalité. […] Molière plaît assez, son génie est folâtre, Il a quelque talent pour le jeu du théâtre, Et, pour en bien parler, c’est un bouffon plaisant, Qui divertît le monde, en le contrefaisant ; Ses grimaces souvent causent quelques surprises ; Toutes ses pièces sont d’agréables sottises ; Il est mauvais poète, et bon comédien ; Il fait rire, et, de vrai, c’est tout ce qu’il fait bien.

/ 194