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75. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Les Fâcheux, joués chez le surintendant Fouquet. […] Les Fâcheux furent représentés le 17 août chez ce favori et cette victime de l’inconstante fortune, dans une fête à jamais mémorable. […] Après un pas de ballet la comédie commença, et La Grange, qui faisait Éraste, se trouva aux prises avec les Fâcheux. […] On voit par ce passage que Molière est l’inventeur de la comédie-ballet, et que Les Fâcheux en sont le premier exemple. […] Tels étaient les desseins, les tourments qui agitaient quelques spectateurs des Fâcheux.

76. (1884) La Science du cœur humain, ou la Psychologie des sentiments et des passions, d’après les oeuvres de Molière pp. 5-136

LES FACHEUX Être moralement aveuglé par des passions à l’égard de leurs inspirations extravagantes ou chimériques ; prendre ces inspirations pour sages et raisonnables : tel est le phénomène psychique que présentent Les Fâcheux de Molière. […] Dans les Fâcheux se rencontre la seule saillie, je crois, qui soit sortie de sa plume. […] je n’ai point changé (dit-il), mes sentiments sont toujours les mêmes Si j’ai dit que je voulais corriger ma conduite et me jeter dans un train de vie exemplaire, c’est un dessein que j’ai formé par pure politique, un stratagème utile, une grimace nécessaire où je veux me contraindre pour ménager un père dont j’ai besoin, et me mettre à couvert, du côté des hommes, de cent fâcheuses aventures qui pourraient m’arriver. » La nature instinctive des hommes ne change pas plus que la nature instinctive des animaux, et lorsque les instincts des premiers sont bizarres ou pervers, toutes les ressources de leur intelligence ne leur donnent point la raison, le bon sens ; loin de là, l’intelligence ne fonctionne alors qu’au profit de la bizarrerie ou de la perversité, ne fait que rendre celles-ci intelligentes et fécondes par conséquent en projets insensés et dangereux. […] Plutôt que de savoir sa femme victime d’une erreur qui le blesserait dans son amour, Amphitryon préfère qu’elle ait subi le pire de tous les malheurs, celui d’être atteinte de folie : « Je veux la retâter sur ce fâcheux mystère (dit-il), et voir si ce n’est point une vaine chimère qui sur ses sens troublés ait pu prendre crédit. […] « Oui, j’aime ; mais avant d’aller plus loin, je sais que je dépends d’un père et que le nom de fils me soumet à ses volontés ; que nous ne devons point engager notre foi sans le consentement de ceux dont nous tenons le jour ; que le ciel les a faits les maîtres de nos vœux et qu’il nous est enjoint de n’en disposer que par leur conduite ; que, n’étant prévenus d’aucune folle ardeur, ils sont en état de se tromper bien moins que nous, et de voir beaucoup mieux ce qui nous est propre ; qu’il faut plutôt croire les lumières de leur prudence que l’aveuglement de notre passion, et que l’emportement de la jeunesse nous entraîne le plus souvent dans des précipices fâcheux.

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