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133. (1746) Notices des pièces de Molière (1658-1660) [Histoire du théâtre français, tome VIII] pp. -397

      La troupe des comédiens Que Monsieur avoue être siens, Représentant sur leur théâtre, Une passion assez folâtre, Autrement un sujet plaisant, À rire sans cesse induisant, Par des choses facétieuses, Intitulées Les Précieuses, Ont été si fort visités, Par gens de toutes qualités, Qu’on n’en vit jamais tant ensemble, Que ces jours passés, ce me semble, Dans l’Hôtel du Petit-Bourbon, Pour ce sujet mauvais ou bon, Ce n’est qu’un sujet chimérique, Mais si bouffon, et si comique, Que jamais les pièces Du Ryer, Qui fut si digne de laurier, Jamais l’Œdipe de Corneille, Que l’on tient être une merveille, La Cassandre de Boisrobert, Le Néron de Monsieur Gilbert, Alcibiade, Amalasonte *, Dont la Cour a fait tant de compte, Ni le Fédéric de Boyer, Digne d’un immortel loyer, N’eurent une vogue si grande Tant la pièce sembla friande, À plusieurs, tant sages que fous ; Pour moi, j’y portai trente sous Mais oyant leurs fines paroles, J’en ris pour plus de dix pistoles. […] Son Étourdi, son Dépit amoureux, ses Précieuses ridicules, et son Cocu imaginaire, sont plus que suffisants pour prouver cette vérité, puisque la Cour les a non seulement approuvées, mais encore le peuple, qui dans Paris sait parfaitement bien juger de ces sortes d’ouvrages ; quelques applaudissements toutefois que l’on ait donnés aux deux premières de ces pièces, la troisième a beaucoup plus fait d’éclat qu’elles n’ont fait toutes deux ensemble, puisqu’elle a passé pour l’ouvrage le plus charmant et le plus délicat qui ait jamais paru au théâtre ; l’on est venu à Paris de vingt lieues à la ronde, afin d’en avoir le divertissement.

134. (1765) Molière dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (compilation) pp. 2668-16723

Le poëte peut encore joindre ensemble plusieurs caracteres, soit principaux soit accessoires, sans donner à aucun d’eux assez de force pour le faire dominer sur les autres ; tels sont l’Ecole des maris, l’Ecole des femmes, & quelques autres comédies de Moliere. […] Tel est, dans l’Avare de Moliere, la rencontre d’Arpagon avec son fils, lorsque sans se connoître ils viennent traiter ensemble, l’un comme usurier, l’autre comme dissipateur. […] Dès qu’Henri III. fut monté sur le throne, il infecta le royaume de farceurs ; il fit venir de Venise les comédiens Italiens surnommés li Gelosi, lesquels au rapport de M. de l’Etoile (que je vais copier ici), « commencerent le dimanche 29 Mai 1577 leurs comédies en l’hostel de Bourbon à Paris ; ils prenoient quatre souls de salaire par teste de tous les François, & il y avoit tel concours, que les quatre meilleurs prédicateurs de Paris n’en avoient pas tous ensemble autant quand ils preschoient...

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