À des titres si beaux Bacchus seul peut prétendre, Et nous sommes ici pour défendre ses droits. […] Les mêmes excuses ne sont pas acceptables pour Molière : un tel génie n’a pas le droit d’ignorer à ce point son influence, ni de prétendre à l’innocence en alléguant l’entraînement, la mode, l’absence d’intention.
Harpin, brusque, bourru, dur, ainsi qu’il convient à un homme de finance, n’a pas pour la naissance le même respect que son doucereux rival, et, comme s’il était de notre siècle, pense que l’or se met au niveau de tout, si même il ne s’élève au-dessus ; il croit, le grossier personnage, qu’on lui doit de l’amour en échange de son argent, et qu’il a le droit de s’emporter quand il s’aperçoit qu’on le trompe ; enfin, monsieur le receveur ne veut plus être monsieur le donneur , et il sort en outrageant la noble friponne, après avoir ménagé le vicomte, qu’il redoute, et insulté le conseiller, dont il n’a rien à craindre. […] Mais, comme les traits empruntés à la figure de ce savant pouvaient appartenir à celle de beaucoup d’autres, Molière avait le droit de ne pas convenir qu’ils fussent ceux de Ménage lui-même ; et surtout celui-ci avait parfaitement raison de ne pas le croire, on du moins d’en faire le semblant. […] Chrysale, qui aurait droit de donner des ordres à sa femme, n’ose pas même lui adresser des reproches, et il se sert d’un détour pour lui faire entendre quelques vérités qu’il ne peut plus retenir : Clitandre, qui voit le sort de son amour dépendre de cette femme impérieuse, ne saurait se faire violence au point d’admirer ses écrits, et il la blesse sensiblement en perçant devant elle, des traits les plus acérés, l’homme dont elle est enthousiasmée. […] Toinette, servante dévouée, mais franche et familière jusqu’à l’insolence, n’ayant d’autre intérêt que celui de ses maîtres, d’autre passion que le zèle du bon droit et du bon sens, se moquant librement d’Argan, parce qu’il est ridicule et qu’elle lui est nécessaire, opposée par droiture à Béline, malgré tout le mal qu’elle en doit craindre et tout le bien qu’elle en peut espérer, et attachée au parti d’Angélique, parce qu’elle est doublement indignée qu’on veuille l’enlever à un galant homme pour la donner à un sot, et la dépouiller de son bien pour en enrichir une étrangère ; Toinette est, comme on dit en peinture, une répétition de la Dorine du Tartuffe ; elle agit et parle de même dans des circonstances toutes semblables : il n’y a que le nom de changé.