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53. (1886) Molière, l’homme et le comédien (Revue des deux mondes) pp. 796-834

Je n’essaierai point de refaire l’admirable page de Port-Royal, où Sainte-Beuve a défini la tristesse de Molière ; il me suffira de dire qu’ayant commencé par la gaîté exubérante et sans arrière-pensée dans l’Étourdi et le Dépit amoureux, le poète s’achemine peu à peu vers la gaîté réfléchie et raisonneuse. […] Ce serait seulement après tous ces échecs qu’il se serait résigné à revenir au comique, et les deux pièces qu’il rapportait de province, l’Étourdi et le Dépit amoureux, lui auraient enfin valu le succès. […] Somaize l’accuse d’avoir « tiré des limbes son Dépit amoureux à force de coups de chapeau et amené la coutume de faire courre le billet ; » Montfleury le montre reçu chez les grands « au bout des tables » et payant son écot par ses imitations de comédiens ; de Visé raconte qu’il n’ouvrit son théâtre « qu’après avoir brigué quantité d’approbateurs. » Ce dernier accorde du moins que, ce faisant, « il avoit de l’esprit et savoit ce qu’il falloit faire pour réussir. » En effet, il atteignit de la sorte le but auquel doit viser tout directeur : faire de son théâtre un endroit à la mode, où il est nécessaire d’aller si l’on est du bel air. C’est encore de Visé qui nous renseigne sur ce point, et de façon très complète : « Après le succès de l’Étourdi et du Dépit amoureux, son théâtre commença à se trouver continuellement rempli de gens de qualité ; non pas tant pour le divertissement qu’ils y prenoient (car l’on n’y jouoit que de vieilles pièces) que parce que, le monde ayant pris l’habitude d’y aller, ceux qui aimoient à se faire voir y trouvoient amplement de quoi se contenter ; ainsi l’on y venoit par coutume, sans dessein d’écouter la comédie et sans savoir ce que l’on y jouoit. » Il n’y a rien de tout à fait nouveau en matière de théâtre ; l’un des plus habiles directeurs qu’ait eus la Comédie-Française ne s’y prit pas autrement pour raffermir la fortune chancelante de la maison ; doucement attirée, la société élégante y vint par mode, et le grand public, suivant l’exemple, y vint par imitation et y resta par goût.

54. (1686) MDXX. M. de Molière (Jugements des savants) « M. DXX. M. DE MOLIÈRE » pp. 110-125

M. de Molière a donc fait un grand nombre de comédies, tant en vers qu’en prose que l’on a partagées en sept volumes, dont le premier en comprend 4. savoir, Les Précieuses ridicules, Le C[ocu] imaginaire, ou Sganarelle, L’Étourdi ou Les Contretemps, et Le Dépit amoureux.

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