Sans nier certaines analogies frappantes ou lointaines qui attestent, comme on doit s’y attendre, que Molière aimait à peindre d’après nature, nous estimons cependant qu’il ne convient pas de serrer de trop près ces ressemblances dont la précision ne s’accorderait point avec les procédés d’une conception puissante qui visait à réaliser des types plutôt que des portraits. […] Ce serait plutôt par philanthropie qu’il a fini par devenir, ou se croire l’ennemi du genre humain50 ; et s’il méprise ses semblables, c’est uniquement parce que, les jugeant d’après lui-même, il cherche en eux cette vertu trop haute dont il porte l’idéal en son cœur. […] En un temps où la dispute des Jobistes et des Uranistes fut aussi retentissante que celle du Cid 80 ; lorsque les plus grands seigneurs, se piquant de bel-esprit, croyaient exceller par droit de naissance dans un art où la qualité les dispensait de talent, Oronte est peint d’après nature. […] C’est ce que semble indiquer une note de Brossette disant d’après Boileau : « Quand Molière composait son Tartuffe, il en récita au Roi les trois premiers actes. » Il paraît qu’ils furent agréés ; mais on ne permit pas à l’auteur de s’en prévaloir, comme le prouve le silence de sa préface et de ses placets qui se taisent sur cet auguste suffrage. […] Le poète seul est représenté d’après nature.
Mais, quant à l’ensemble de la pièce, nous croyons que le scénario, tracé par Gueulette d’après les notes de l’Arlequin Dominique, nous a conservé assez exactement la physionomie originale du Convitato di pietra accommodé aux besoins de la commedia dell’arte 35.