Comme il flagelle tout ce qu’il y a de méprisable, de coupable, dans cette vie creuse, passée en amusements futiles, en conversations malignes, en satisfactions vaniteuses, sans travail ni but160 ! […] Mais ce calme du sage n’est ni l’indifférence211 ni l’orgueil212 : il faut que, toujours maître de soi, l’honnête homme supporte bravement le mal sans jamais se laisser faire le bien213 ; que, malgré tous les défauts des autres, il reste pour eux indulgent, bienveillant, serviable214 ; qu’il ne soit pas simplement un homme honnête et bon, mais un homme instruit, aimable, capable de conversation, spirituel s’il peut215 ; qu’il répande autour de lui non seulement le bien, mais l’agrément, et que toutes ses qualités ne lui donnent jamais un sentiment d’amour propre216 ; qu’il ait, avec la modestie, la dignité et les bonnes manières sans affectation217 ; qu’il songe même à la façon de s’habiller, sans être négligé ni ridicule, mais aussi sans outrer la mode218 ; qu’avec une juste libéralité il évite soigneusement les excès de luxe dans la toilette comme dans la vie, et qu’il ne sacrifie point son bien ni sa famille aux inutiles satisfactions de la vanité, ou aux prétendues exigences du monde219 : ce chapitre est infini, et Molière semble n’avoir pas oublié un seul des éléments, même les plus insignifiants en apparence, dont doit se composer cette perfection de la société polie, l’honnête homme.
Parlant peu, généreux autant qu’on peut l’être, etc. » Une conversation sur les femmes à esprit qu’il lui fait avoir dans une hôtellerie du Bas-Maine, avec un conseiller au parlement de Rennes, semblerait vraiment indiquer une conversation de Molière lui-même, occupé déjà des Précieuses. […] Ici plus d’intrigues, plus de saillies; mais seulement la conversation reproduite des sociétés du temps ; or, la conversation, dans le beau monde où l’on avait pour règle de parler autrement que le peuple, en était arrivée à un degré de puérilité difficile à croire. […] La toilette, le luxe, les conversations futiles, le plaisir de s’ouïr conter des douceurs, tout cela ne fit qu’augmenter. […] En sorte que, bien souvent, ces conversations avec ses amis, lorsqu’il en transportait quelque chose au théâtre, ne se trouvaient guère être au fond que là mise en scène naïve du dialogue intérieur. […] Quoique satirique à l’excès, sa conversation était ravissante, sa voix la plus touchante qu’il y eût.