Il est bien difficile à une Comédienne belle, et soigneuse de sa personne, d’observer si bien sa conduite, que l’on ne puisse l’attaquer. […] L’esprit de ces deux femmes était tellement opposé à celui de Molière qu’à moins de s’assujettir à leur conduite et à leur humeur, il ne devait pas compter de jouir d’aucuns moments agréables avec elles. […] Je prends cette négligence pour du mépris ; je voudrais des marques d’amitié pour croire que l’on en a pour moi, et que l’on eût plus de justesse dans sa conduite pour que j’eusse l’esprit tranquille. […] Saisissons le moment qui nous fasse le plus d’honneur, et qui réponde à notre conduite. […] Molière n’était pas le seul de ses amis, à qui sa conduite fît de la peine.
On fit appercevoir 10 Moliere, que le grand soin qu’il avoit de plaire au public lui ôtoit celui d’examiner la conduite de sa femme ; & que pendant qu’il travailloit pour divertir tout le monde, tout le monde cherchoit à divertir sa femme. […] « Moliere averti, par des gens mal intentionnez pour son repos, de la conduite de son épouse, renouvella ses plaintes avec plus de violence qu’il n’avoit encore fait ; il la menaça même de la faire enfermer. […] Il s’empressa fort à la faire revenir, en la conjurant de considerer que l’amour seul avoit causé son emportement, & qu’elle pouvoit juger du pouvoir qu’elle avoit sur son esprit, puis que malgré tous les sujets qu’il avoit de se plaindre d’elle, il étoit prêt de lui pardonner, pourvu qu’elle eût une conduite plus reservée. […] Cependant ce ne fut pas sans se faire une fort grande violence, que Moliere resolut de vivre avec elle dans cette indifference ; & si la raison lui faisoit regarder sa femme comme une personne, que sa conduite rendoit indigne des caresses d’un honnête homme, sa tendresse lui faisoit envisager la peine qu’il auroit de la voir sans se servir des privileges que donne le mariage.