Son père se remaria ; mais rien ne nous autorise à croire que sous la férule d’une belle-mère, l’enfance de Molière ait été si malheureuse et si durement traitée qu’il en ait gardé dans le cœur une impérissable rancune, et que, quarante ans plus tard, ce soit la seconde femme du maître tapissier, Catherine Fleurette, qu’il ait représentée sous les traits odieux de la Béline du Malade imaginaire. […] Une « âme un peu bien située » n’a jamais été synonyme d’un « cœur bien placé ». […] Mon cœur pour sa défense a tout votre mérite, appuyé du secours d’une reconnaissance où le Ciel m’engage envers vous. « Avoir raison aux choses que l’on fait » est une locution barbare ; « mon cœur pour sa défense », est amphibologique, si ce n’est nullement du « mérite » de Valère ou de son propre penchant, à elle, qu’Elise ici songe à « se défendre », mais du jugement que le monde fera du choix de son « cœur ». Le « secours d’une reconnaissance où le ciel engage Elise envers Valère », ce « secours » appuyant ce « mérite », et ce « mérite » suffisant à « la défense de ce cœur », sont de pur galimatias.
C’est ici où l’esprit de Molière se fait remarquer, puisqu’en deux vers joints à quelque action qui marque du dépit, il fait voir ce que peut l’amour sur le cœur de tous les hommes, et sur celui du Misanthrope même, sans le faire sortir de son caractère. […] « Ces deux femmes, après s’être parlé à cœur ouvert touchant leurs vies, se séparent, et la coquette laisse la prude avec le Misanthrope, qu’elle voit entrer chez elle. […] Ces deux personnes parlent quelque temps des sentiments de leurs cœurs, et sont interrompues par le Misanthrope même, qui paraît furieux et jaloux : et l’auditeur se persuade aisément, par ce qu’il a vu dans l’autre acte, que la prude avec qui l’on l’a vu sortir lui a inspiré ces sentiments ; le dépit lui fait faire ce que tous les hommes feraient en sa place de quelque humeur qu’ils fussent ; il offre son cœur à la belle parente de sa maîtresse ; mais elle lui fait voir que ce n’est que le dépit qui le fait parler, et qu’une coupable aimée est bientôt innocente. […] C’est faire voir ce que peut l’amour sur le cœur de tous les hommes, et faire connaître en même temps, par une adresse que l’on ne peut assez admirer, ce que peuvent les femmes sur les amants, en changeant seulement le ton de leur voix, et prenant un air qui paraît ensemble et fier et attirant. […] « Des distinctions si flatteuses n’avaient gâté ni son esprit, ni son cœur.