/ 192
11. (1812) Essai sur la comédie, suivi d’analyses du Misanthrope et du Tartuffe pp. 4-32

D’un côté, il attaqua les vices des grands, toujours exposés aux regards de la multitude, et que remarquent avidement ceux nés dans la classe ordinaire ; de l’autre, par la représentation des grandes infortunes et des excès affreux auxquels conduisent ordinairement les passions, il sut émouvoir. […] Dans une seule comédie (le Tartuffe), Molière a porté l’intérêt jusqu’au dernier degré de pathétique ; mais aussi quelle force comique, quelle gaieté brillent à côté ! […] Concevant avec cette profondeur que lui seul a connue, d’un côté il lui a découvert tout le cœur humain, lui a montré la société entière, tous les vices attachés à son essence même, les inutiles efforts qu’elle ferait pour les corriger, les maux inévitables qu’elle s’attirerait ; de l’autre, il lui a imposé l’obligation de compatir aux faiblesses de ses semblables, en lui prouvant que son inflexibilité ne ferait qu’irriter les hommes et troubler la société. […] Mais comment démêler en même temps le côté comique qu’elle peut offrir ? […] Molière représenta d’abord les signes caractéristiques de l’imposture, son affectation, son faux rigorisme, avec l’habileté la plus rare, il en saisit tout le côté comique, et, par ce moyen, cacha tout l’odieux de son principal caractère.

12. (1882) M. Eugène Sauzay et Molière (Revue des deux mondes) pp. 207-209

« Notre côté à nous n’est pas celui de tout le monde, c’est simplement le Molière des divertissements et des intermèdes, le Molière librettiste, collaborateur de Lulli, écrivant pour Le Sicilien, ce qu’il nomme “un fragment de comédie”. Comédie à trois voix, suivie de deux divertissements chantés et dansés ; côté modeste et toutefois charmant, devant lequel le lecteur passe trop souvent sans le voir, mais sur lequel s’arrête volontiers le musicien », surtout, ajouterons-nous à notre tour, quand le musicien est un de ces fins lettrés que la fréquentation des bons auteurs et la pratique du meilleur monde ont formés de longue main aux travaux de ce genre.

/ 192