Il est néanmoins certain, et il sera prouvé que la guerre de Molière et de ses amis contre ce qu’ils appelaient les précieuses, a été fort malentendue dans le siècle dernier, qu’elle l’est toujours plus mal, à mesure que nous avançons ; il est de fait que l’unique intention de Molière a été d’attaquer les affectations et l’hypocrisie des Peckes (ou Pécores) provinciales et bourgeoises ; qu’il respectait, non pas l’hôtel de Rambouillet qui ne subsistait plus de son temps, mais les personnages qui en restaient, notamment le gendre de la marquise, ce duc de Montausier, dont il emprunta plusieurs traits pour peindre l’austérité de principes et de goût, et pour en orner le liant caractère de son Misanthrope.
Que fait-il dans Les Précieuses ridicules, sinon porter un premier coup à cette risible et malheureuse affectation de manière et de langage qui, de l’hôtel Rambouillet, s’étendait déjà aux riches familles bourgeoises, et, à l’exemple des Arthénice et des Thélamire, transformait en Polixène et en Aminthe Mlles Cathos et Madelon ; cette fille et cette nièce prétentieuses du tout rond Gorgibus ? […] Mariane dans Le Tartuffe, Lucile dans Le Bourgeois gentilhomme, Angélique dans Le Malade imaginaire sont autant de caractères charmants de jeunes filles, au milieu desquels il semble que notre grand poète se soit plu à vivre en esprit, comme s’il s’en fut fait une sorte de famille.