Cette bonne foi, ce désintéressement qui nous dérobent l’auteur sous la vérité des caractères, voilà le principal secret de sa poétique, comme il le déclare par la bouche de Dorante23 : « Vous êtes de plaisantes gens avec vos règles dont vous embarrassez les ignorants, et nous étourdissez tous les jours ! […] Tous les autres vices des hommes sont exposés à la censure…, mais l’hypocrisie est un vice privilégié qui, de sa main, ferme la bouche à tout le monde et jouit en repos d’une impunité souveraine. […] Aussi, le 5 février 1669, Le Tartuffe put-il être mis en pleine liberté, sans être cette fois obligé de dissimuler un nom qui, depuis cinq ans, volait de bouche en bouche. […] Pour ce qui est du premier grief, Molière s’était justifié d’avance, en disant par la bouche de Cléante : Mais les dévots de cœur sont aisés à connaître. […] Lui qui dut jadis faire un mariage d’argent, et ne vit dans la perte de sa femme qu’une bouche de moins à nourrir, voici que, sur le tard, il se laisse prendre par un caprice auquel il s’obstine avec l’entêtement d’un vieillard égoïste.
Un beau vers, une sentence dans la bouche d’un Roi, un spectacle pompeux, ou une apostrophe à la Religion, peuvent ranimer le spectateur ; mais si vous le laissez une fois se refroidir dans la comédie, vous êtes perdu sans ressource.