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87. (1840) Le foyer du Théâtre-Français : Molière, Dancourt, I pp. 3-112

Si l’on veut se faire une idée de la grossièreté du Médecin volant, de Boursault, nous rappellerons la scène des Plaideurs, dans laquelle le juge Dandin, peu satisfait de l’incivilité des petits chiens qu’il a laissé mettre dans son bonnet carré, les repousse loin de lui avec une énergique expression : Tirez, tirez, ils ont… etc… Eh bien, le langage dont Racine use à l’égard de ces innocents animaux, Boursault s’en sert vis à vis de la belle Lucrèce ; il pousse même la complaisance de son médecin jusqu’à mettre dans sa bouche les vers suivants : Bois-Robert nous enseigne en sa belle plaideuse, Que le goût est solide et la vue est trompeuse, Et qu’un grand médecin, quand il fait ce qu’il doit, Sent bien mieux une chose à la langue qu’au doigt. […] Oui, monsieur, c’est la bouche. […] Il voulut puiser encore à la source de Cyrus et de l’Astrée, et s’aventurer sur les traces de d’Urfé, mais le peintre fidèle des mœurs n’était pas à son aise dans ce monde romanesque; il trouva pourtant des vers charmants qu’il mit dans la bouche de Myrtil. […] M. de la Protase J’ai ce malheur-là : je fais les meilleures pièces du monde, elles charment tous ceux à qui je les lis; mais à peine ont-elles passé dans la bouche des comédiens, qu’on les siffle à faux bourdon. […] Il n’en continua pas moins à animer la scène de ces heureuses et comiques créations de paysans madrés ; enfin il dut fermer la bouche à ses détracteurs par la composition du Galant Jardinier, Tune des plus charmantes pièces, petit chef-d’œuvre de grâce et de fraîcheur, qui ressemble presque aux jolis proverbes de M.

88. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE PREMIER. Du Choix d’un Sujet. » pp. 25-38

Celle, par exemple, où Marinette & Gros René parodient le dépit & le raccommodement de leurs maîtres ; celle où le pédant, entraîné par la fureur de babiller, parle un quart d’heure tout seul pour déclamer contre le sort qui ne lui permet pas d’ouvrir la bouche, de desserrer les dents ; celle où Valere, cherchant à découvrir si Mascarille a révélé ses secrets à son pere, lui dit qu’il voudroit connoître l’honnête homme qui lui a rendu ce service, pour l’en récompenser ; celle encore où les vieillards, instruits du véritable sexe d’Ascagne, disent à Valere qu’il ne connoît pas la valeur d’un pareil adversaire, & feignent de trembler pour lui dans le combat singulier qu’ils doivent faire ensemble pour vuider leurs différends ; plusieurs autres enfin qu’il seroit trop long de rapporter.

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