A peu près, oui, tout juste ; et qu’on n’exige pas de nous un témoignage plus favorable, sinon nous demanderons comment L’Avare, en dix-sept mois, a mérité seize représentations et le Misanthrope seulement neuf, Les Femmes savantes six, Tartufe et Amphitryon cinq ; pourquoi L’École des femmes, produite sept fois l’année dernière, et les Précieuses, deux fois seulement, n’ont pas encore paru cette année.
Les Auteurs qui sont venus après le pere de la vraie comédie, ont, je n’en doute point, tenté de marcher sur les traces de ce grand homme, & de présenter leurs idées avec des expressions naturelles, comiques, intelligibles aux spectateurs les moins éclairés : mais la nature a épuisé ses dons en faveur de Moliere, & s’est montrée avare pour ses successeurs, qui n’ayant pas un génie capable d’imaginer des fables nouvelles, d’imiter heureusement celles des Anciens, ou de profiter des idées des nations voisines ; ne pouvant enfanter que des pieces dont l’action & le mouvement suffisent à peine pour soutenir un seul acte, & ne voulant pas ressembler à Poisson, qui se nommoit plaisamment un cinquieme d’Auteur, parcequ’il n’avoit fait que de petites pieces, imaginerent d’amuser le spectateur & de l’éblouir par des pensées brillantes.