Ce fut alors que Pocquelin, sentant son genre, résolut de s’y livrer tout entier, d’être à-la-fois comédien et auteur. […] Il eut des ennemis cruels, surtout les mauvais auteurs du temps, leurs protecteurs et leurs cabales, ils suscitèrent contre lui les dévots119, on lui imputa des livres scandaleux ; on l’accusa d’avoir joué des hommes puissants, tandis qu’il n’avait joué que les vices en général, et il eut succombé sous ces accusations, si ce même roi, qui encouragea et soutint Racine et Despréaux, n’eut pas aussi protégé Molière. […] Dans le sac ridicule où Scapin s’enveloppe, je ne reconnais plus l’auteur du Misanthrope.
Mais Rousseau élève la voix ; il accuse l’auteur d’avoir fait de Philinte son héros, tandis qu’il ridiculise Alceste : combattre ainsi Molière, c’était presque le comprendre. […] On peut résumer ainsi les accusations de l’auteur d’Emile : 1° Le caractère du misantrope n’est pas assez soutenu ; 2° Molière a rendu la vertu ridicule dans la personne d’Alceste. […] Il l’est, en effet, à certains égards, et ce qui démontre que l’intention du poète est bien de le rendre tel, c’est celui de l’ami Philinte qu’il met en opposition avec le sien : ce Philinte est le sage de la pièce…»Sans doute l’auteur a rendu Alceste ridicule, et il le devait sous peine de n’en faire qu’une doublure de Philinte.