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118. (1825) Notice sur Molière — Histoire de la troupe de Molière (Œuvres complètes, tome I) pp. 1-

Là fermentaient encore les vieilles passions de la Ligue, mais si usées, qu’elles n’étaient plus que des ridicules ; là près de la gravité plaisante des débris de l’ancien règne, s’agitait étourdiment la frivolité un peu lourde des courtisans ultramontains ; les beaux-arts, presque méconnaissables, se mêlaient à toutes les affaires ; deux partis conspiraient encore au milieu des fêtes, et la France allait voir bientôt des guerriers en habits de bal, des combats livrés en cadence, et des villes prises au son du violon. […] Jamais d’anciens camarades ne le sollicitèrent en vain ; souvent même il s’intéressa vivement à des gens qui lui étaient étrangers, et les aida de sa bourse comme de son crédit. […] « J’ai lu, disait-il, toutes les histoires anciennes et modernes ; la nature, prodigue, a produit dans tous les temps une foule de héros et de grands hommes dans chaque genre ; elle semble n’avoir été avare que de grands comédiens ; je ne trouve que Roscius et moi. »Cette haute opinion que Baron avait de son mérite fut sur le point de lui faire refuser la pension que Louis XIV lui avait donnée, parce que l’ordonnance portait : « Payez au nommé Michel Boiron dit Baron. » Comblé de gloire et des bienfaits de Louis XIV, il joua pour la dernière fois, le 22 octobre 1691, le rôle de Ladislas dans Venceslas. […] À l’exception de La Thorillière, aucun des anciens camarades de Baron ne faisait alors partie de la société dans laquelle il rentrait (Baron avait alors soixante-douze ou soixante-treize ans).

119. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XLIII. Du But Moral. Philosophie de Regnard comparée à celle de Moliere. » pp. 504-548

Rire à la comédie, pleurer à la tragédie ; voilà le premier précepte établi par les anciens, par le goût & la raison, suivi par les bons Auteurs de tous les pays. […] Dans la comédie ancienne & moderne, les valets trompent leurs maîtres ; cela est vrai : mais on a grand soin de leur prouver que quelques années de galere ou de bons coups d’étriviere sont ordinairement le salaire de leurs petites espiégleries. […] Lorsque les Anciens vouloient inspirer à leurs enfants l’horreur que tout honnête homme doit avoir pour l’ivresse, ils ne leur offroient pas pour exemple un buveur d’eau ; ils leur faisoient voir au contraire un esclave ivre ; & l’état affreux de ce misérable produisoit ordinairement l’effet qu’on s’étoit promis : de même, parmi nous, une personne sensée veut-elle exhorter son fils à être ferme sur ses pieds, à prendre une contenance noble & assurée, elle ne lui donnera pas pour modele un chef-d’œuvre de l’art & de Pigale, en lui disant : voilà comme tous les hommes devroient être : elle le menera aux Tuileries, elle lui montrera du doigt quelques-uns de ces faquins qui prennent un air penché, qui affectent l’anéantissement pour faire les hommes à bonnes fortunes, & elle lui fera remarquer l’air de pitié avec lequel tout le monde les regarde.

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