Vous goûtez, vous admirez, vous aimez Molière, et vous avez bien raison. […] Si vous dites, pour citer une théorie qui jouit aujourd’hui d’une faveur incroyable, non seulement parmi les pauvres sols tout éplorés qu’Alfred de Musset traîne à ses talons, mais auprès des esprits les plus graves de notre époque, si vous dites que le vrai poète doit être une espèce de don Juan fatal, victime prédestinée de cet insatiable besoin d’aimer qu’on appelle le génie, et semblable au pélican qui donne à ses petits son propre cœur en pâture, s’il vous plaît de répéter cette déclamation, nous vous laisserons faire, et, quand vous aurez fini, nous vous rappellerons simplement l’admirable possession de soi d’un Cervantes et surtout d’un Shakespeare, qui dans la force de l’âge et du talent, cesse tout à coup d’écrire et se met à cultiver son jardin, comme Candide, après avoir eu la tête traversée par un effroyable torrent d’idées et d’images, dont quelques flots auraient suffi pour faire perdre l’équilibre à la plus ferme de nos cervelles.
L’admiration des belles actions de Carlos les avoit portées toutes deux jusqu’à l’aimer, mais d’un amour étouffé par le souvenir de ce qu’elles devoient à la dignité de leur naissance. […] Elle s’en excuse comme ne connoissant pas assez particuliérement le mérite de ses prétendants, & leur commande de choisir eux-mêmes les trois qu’ils en jugent les plus dignes, les assurant que s’il se rencontre quelqu’un entre ces trois qu’elle puisse aimer, elle l’épousera. […] Soit que j’aime Carlos, soit que par simple estime Je rende à ses vertus un honneur légitime, Vous devez respecter, quels que soient mes desseins, Ou le choix de mon cœur, ou l’œuvre de mes mains.