Toutes les surprises sont, à proprement parler, des surprises d’action, puisque, si elles sont bonnes, elles tiennent toujours à l’action, & la mettent en mouvement ; mais nous rangerons seulement dans cette classe celles qui sont occasionnées par l’action imprévue de quelque personnage. […] L’action que vous avez faite n’est pas d’un gentilhomme ; & ce n’est pas en gentilhomme aussi que je veux vous traiter. […] Il est des surprises d’action qui sont préparées ; mais elles le sont avec tant d’art, qu’on ne sauroit les deviner, & qu’elles font alors le même effet. […] Je ne veux point avoir sans cesse devant moi un espion de mes affaires, un traître, dont les yeux maudits assiegent toutes mes actions, dévorent ce que je possede, & furetent de tous côtés pour voir s’il n’y a rien à voler. […] Oui, tout l’art de Moliere paroît dans la scene indiquée par Riccoboni : chacun de ses vers produit une surprise de pensée ou d’action ; mais elle n’est amenée par aucune action surprenante de la part des acteurs.
Puisqu’on ne peut représenter sur le théâtre qu’une seule action sensible, il est raisonnable de ne pas séparer les petites parties qui la composent, de ne point désunir les actions particulieres des personnages qui concourent à l’action principale. […] Je prouverai, quand il en sera temps, que l’action principale marche, ou du moins doit marcher, lorsque le théâtre reste vuide par l’intervalle qu’on met entre les entr’actes. […] Souffrez, Monsieur, que je vous rende graces d’une action si généreuse. […] Moliere a paré le coup, en séparant la sortie du pere & l’arrivée du fourbe, par un monologue qui tient à l’action générale, & à celle des deux scenes qu’il lie. […] Regle générale ; les liaisons de surprise ne peuvent jamais laisser du vuide sur la scene, puisqu’elles tendent toujours à surprendre quelqu’un des personnages qui l’occupent ; & loin d’en laisser dans l’action, elles redoublent sa vivacité.