/ 84
37. (1885) Études sur la vie et les œuvres de Molière pp. -461

Pour mieux s’établir dans l’esprit d’Orgon, et pour arriver plus vite à paraître digne d’être son gendre, il fait, comme a fait l’abbé Roquette, cherchant à se recommander auprès du prince ; il se dit bon gentilhomme, et Orgon le croit aussitôt, Orgon le répète, ce qui nous vaut cette réplique de Dorine, qui va si directement à l’original, tout en paraissant ne s’adresser qu’à la copie :                                          Cette vanité, Monsieur, ne sied pas bien avec la piété. […] Comme Orgon, il se fait dévot sérieusement et de bonne foi, tandis que Tartuffe triomphe en se moquant de lui, et l’appelle tout bas un homme à mener par le nez. […] A peine à l’évêché d’Autun, où il parvint en 1666, il fit, comme ostentation et dépense, ce qu’aurait dû sans doute faire Tartuffe, une fois qu’il eût été maître de la fortune d’Orgon. […] Puisque le frère, M. de Conti, avait été l’Orgon de ce Tartuffe, pourquoi la sœur n’en aurait-elle pas été l’Elmire ? […] Le 20 du même mois, il alla jouer chez Mademoiselle, au palais du Luxembourg, et ce fut avec un grand deuil au cœur : son père était mort, ce jour-là ; mais l’engagement était pris, on l’attendait, et il lui fallut, comme à l’ordinaire, jouer le rôle d’Orgon.

38. (1884) La Science du cœur humain, ou la Psychologie des sentiments et des passions, d’après les oeuvres de Molière pp. 5-136

La manière dont Molière expose l’envahissement de Orgon par la passion ridicule que celui-ci éprouve pour Tartuffe, passion qui a tous les caractères du fanatisme, démontre que cet envahissement peut être complet au point d’empêcher le passionné d’entendre ce que dit son interlocuteur ; ou encore, de n’entendre des paroles de celui-ci que celles qui peuvent avoir du rapport avec l’objet qui le préoccupe si vivement. Dorine a beau entretenir Orgon sur la maladie d’Elmire, son épouse, Orgon n’entend que ce qui peut intéresser Tartuffe ; aussi, à chaque phrase de Dorine, revient-il à son idole, d’où résulte cette répétition si bien trouvée et si comique : « Et Tartuffe ? […] C’est en vain que Cléante conseille à Orgon de se méfier de son fatal entraînement : ce passionné reste réfractaire aux considérations les plus sensées de son frère. […] L’homme même qui possède les sentiments moraux, éléments constitutifs de la raison, ne sait pas toujours se tenir dans les limites du vrai, du juste, du bien, ce qui est le cas d’Alceste et d’Orgon. […] Orgon.

/ 84