Pour subvenir aux frais de ce monument si hautement réclamé par la justice et le bon goût, des souscriptions sous toutes les formes se sont ouvertes à Paris et dans le reste de la France. […] Savez-vous comment ont agi les comédiens ordinaires du roi, dès qu’ils ont eu la généreuse pensée de faire connaître Molière à la France par un monument ? […] C’est que la colonne est romaine; elle appartient aux traditions littéraires dont l’influence a été si longue en France. […] C’est que si nous n’avons pas eu plus de bonnes comédies en France depuis Molière, la faute en est à Molière ou à ses prôneurs exclusifs, à ses admirateurs forcenés, qui, à genoux devant son image, donnent des coups de pied à tous ceux qui veulent prendre une petite place sur le socle, où on l’a scellé pour l’effroi bien plus que pour l’exemple des écrivains. […] Nous fera-t-on croire que la France n’a produit qu’un seul homme capable d’écrire de bonnes comédies?
Louis XIV, roi à l’âge de 5 ans, sous la régence d’Anne d’Autriche sa mère, assistée du cardinal de Mazarin, avait passé l’intervalle de 1643 à 1648, époque de sa minorité, à écouter chaque jour le récit des victoires que le prince de Condé, âgé seulement de 22 ans, remportait sur les ennemis de la France. […] Entre les éléments de cette guerre, ils auraient dû reconnaître l’esprit de galanterie corrompue, c’est-à-dire, d’incontinence, de vanité et d’intrigue, qui régnait en France et avait fait des gens de cour un assemblage d’intrigants et de brouillons ? […] Les bâtards de Henri IV, qui n’ont cessé de troubler la France, tant qu’ils ont vécu, ne faisaient que suivre la vocation naturelle des bâtards avoués qui, ne pouvant marcher les égaux des princes légitimes, ne veulent cependant point se soumettre à la condition de simples sujets. […] Le prince de Condé, qui avait été condamné à mort, se retira à la cour d’Espagne ; le roi avait recommencé la guerre contre la France.