/ 173
82. (1819) Notices des œuvres de Molière (III) : L’École des femmes ; La Critique de l’École des femmes ; L’Impromptu de Versailles ; Le Mariage forcé pp. 164-421

Tandis qu’une foule d’envieux essayaient de troubler, par le concert de leurs censures ineptes, un succès dont l’éclat les désespérait, Boileau, non moins ardent à venger le génie des outrages de la médiocrité, qu’à punir la médiocrité elle-même de ses insolentes prétentions et de ses honneurs usurpés, Boileau adressait des vers consolants à Molière importuné par les détracteurs de son École des femmes, comme il en adressa dans la suite à Racine trop affligé des critiques qu’essuyait sa Phèdre. […] Il avait fait Le Portrait du peintre contre Molière ; il fit contre Boileau La Satire des Satires ; mais du moins cette fois il se défendait au lieu d’attaquer ; et Boileau aima mieux employer son crédit pour empêcher la représentation de la pièce, que son talent pour en châtier l’auteur. […] Ce n’est pas non plus de la bouffonnerie sans agrément, ni même sans utilité, que cette autre scène où Pancrace, furieux qu’on ait osé, à propos de chapeau, prendre la forme pour la figure, expose naïvement à la risée publique les inintelligibles absurdités du moderne péripatétisme, dont beaucoup d’esprits étaient encore infatués au point que l’Université songeait à solliciter un arrêt contre ceux qui enseigneraient une doctrine contraire à celle d’Aristote, et que, plusieurs années après Le Mariage forcé, le pédantisme aurait remporté cette victoire sur la raison, sans l’Arrêt burlesque, de Boileau, à qui il fut donné d’achever l’ouvrage commencé par Molière. […] C’est à cette aventure que Boileau fait allusion dans ces vers de son Épître à Racine : Le commandeur voulait la scène plus exacte ; Le vicomte indigné sortait au second acte.

83. (1809) Cours de littérature dramatique, douzième leçon pp. 75-126

La farce du sac dans lequel Scapin fait entrer ce vieillard pour l’emporter et le battre sous prétexte de le défendre, n’est qu’un hors-d’œuvre à tous égards déplacé ; aussi Boileau a-t-il justement reproché à Molière d’avoir, dans cette occasion, allié Térence à Tabarin. […] Son ami Boileau lui communiquait probablement ses idées sur le rire grave et sur la plaisanterie froide, et alors Molière se décidait, après avoir abusé de la bouffonnerie, à se soumettre au régime du bon goût et de la régularité. […] Il fut de bonne heure découragé par Boileau dans ses essais de tragédies ; mais plus tard il changea de carrière et le drame musical lui valut de grands succès. […] Tout ce que je viens de dire semble indiquer que le public français,* lorsque par hasard il oublie les règles de goût que L’Art poétique de Boileau lui a inculquées comme des devoirs, n’est pas dans le fait aussi opposé qu’on le croit aux libertés dramatiques des autres nations, et que ce qui soutient en France un vieux système, étroit et borné dans ses conséquences, c’est plutôt un respect superstitieux qu’une véritable vénération. […] Depuis l’époque où j’ai donné ce cours, la représentation de son Christophe Colomb a excité à Paris un tel tumulte, que plusieurs champions du système de Boileau ont eu les membres meurtris en remplissant les devoirs de leur vocation.

/ 173