Dans notre désir de rendre hommage à cette noble entreprise littéraire sans trop sortir du cadre de nos études habituelles, nous avons essayé de rechercher dans ces trois chefs-d’œuvre la pensée philosophique et morale qui les anime ; et, de même que nous nous étions occupé naguère de la psychologie de Racine1, nous tenterons d’exposer dans les pages qui suivent ce que l’on peut appeler la philosophie de Molière. Avant de nous circonscrire dans l’étude philosophique que nous entreprenons, disons cependant quelques mots de l’édition elle-même et des nouveautés qu’elle contient. […] La notice sur Don Juan est l’étude approfondie et complète des diverses éditions de cette pièce célèbre et des variantes de Molière, qui ont tant d’importance au point de vue philosophique, ainsi que des diverses pièces qui ont pu servir de modèle. Enfin, dans la notice du Misanthrope on trouvera non seulement une étude historique, mais un modèle excellent de critique littéraire, dont nous profiterons largement dans notre propre étude. […] Il introduit discrètement et finement la question d’art dans l’étude des faits, et sans manquer jamais aux devoirs stricts du bibliographe, il ne laisse pas prescrire les droits de la littérature et du goût.
Je voudrais donc tenter ce contrôle et ce rapprochement comme conclusion des études biographiques sur Molière que l’on a pu lire ici2. […] Henri Lavoix et Emile Perrin, réduisent notablement ce chiffre : le premier conclut qu’une dizaine de ces portraits peuvent être considérés comme documens ; deux seulement ont paru au second dignes d’une étude détaillée. […] Je me suis constamment applique, au cours de ces études, à tenir compte d’un élément d’appréciation trop négligé d’ordinaire dans les études sur Molière, la chronologie. […] Molière donna la fille de Mignard pour marraine à l’un de ses enfans ; Mignard peignit plusieurs fois le portrait de Molière, et, lorsqu’il eut terminé la fresque du Val-de-Grâce, Molière, non content de célébrer ce grand travail avec l’enthousiasme que l’on sait, plaida courageusement auprès de Colbert la cause de son ami, « mauvais courtisan, » qui donnait plus à l’étude qu’à a la visite, » et n’aimait pas à « fatiguer les portiers » des grands. […] J’ai déjà montré, dans une précédente étude, avec quelle générosité il secourut son père besogneux, de quel désintéressement il fit preuve à son égard.