Son idée morale de l’homme est complète : rien n’y manque, depuis la juste proportion des soins dus au corps jusqu’aux intimes et hautes obligations de l’âme intelligente envers Dieu. […] La morale d’un homme comme lui n’est pas seulement celle qu’il conçoit ni même celle qu’il a la prétention d’exprimer : c’est surtout celle qu’il introduit dans le monde par ses œuvres, et qu’il établit irrésistiblement dans l’âme de ses spectateurs sans qu’ils s’en doutent, et souvent sans s’en douter lui-même831. […] Molière règne en France depuis deux siècles, et ce n’est pas de ses intentions, mais de son gouvernement des âmes, qu’on lui demande compte ici. […] La part de l’honnête est certainement la plus grande : il est incontestable que Molière fortifie le bon sens et qu’il élève les âmes, qu’il les habitue, tout en riant, à se tenir dans une région de saine raison ; la morale de Molière est bonne et belle. […] En sorte qu’aucun moraliste ne peut sérieusement blâmer l’Église à cet égard : au contraire, on doit la louer de son extrême et maternelle précaution pour les âmes.
Peu importe le sujet de l’entretien : il n’est pas de sujets indifférents; les plus petites choses trahissent souvent le fond d’une âme. […] Que ne trouve-t-il une âme qui réponde à la sienne ? […] Aristophane, dont l’âme, au dire de Platon, était le sanctuaire des grâces, nous le prouve à chaque page. […] Mais on aurait tort de penser que l’on ne puisse sentir nulle part dans ses œuvres le souffle de son âme. […] c’est une chose indigne, lâche, infâme, De s’abaisser ainsi jusqu’à trahir son âme.