Mais l’art du poète qui traduit un fourbe sur la scène, consiste à lui tendre des pièges que ne puisse soupçonner toute sa défiance, ou que ne puisse éviter toute son adresse ; surtout à soulever contre lui ceux de ses vices dont il est le moins maître, afin que, dans le combat de ses passions et de son intérêt, son masque tombe ou se dérange. […] Oui, Tartuffe est un homme ; et c’est pour cela qu’il arrive un moment où sa passion s’échappe et le trahit.
Jamais leur passion n’y voit rien de blâmable, Et dans l’objet aimé tout leur devient aimable.
Il est naturel que deux personnes entrant en même temps par les côtés opposés d’un jardin, d’un bois, ou d’un appartement, & ne se voyant pas, chacune d’elles puisse parler de son côté sans être entendue de l’autre : mais il faut, pour donner de la vraisemblance à ce double aparté, que les deux personnages soient affectés d’une passion, d’un desir, ou d’une réflexion qui leur fasse faire de temps en temps des silences ; en sorte qu’ils puissent parler & se taire alternativement, sans que leur contrainte & le dessein de l’Auteur percent.
A la suite d’un de ces repas tumultueux où chaque convive se croit obligé de faire preuve d’esprit, où l’on pense comme Scarron que La digestion est meilleure Lorsqu’on dispute un bon quart-d’heure, j’ai entendu critiquer précisément ce que nous venons d’admirer : « Puisque Moliere, disoit-on, a fait rouler son action, son intrigue, son dénouement sur l’amour, il a tort de n’avoir pas filé dans chaque acte une ou deux scenes qui caractérisassent cette passion ».
Une malheureuse passion vous fait oublier ce que vous devez à Madame de Lon... à moi, à vous-même.
On voit que sur le théâtre des Gelosi et dans les comédies même, l’élément comique ne prévalait pas exclusivement ; le sentiment, la passion et le drame y tenaient une bonne place ; la bouffonnerie n’y était souvent qu’accessoire et épisodique, et ainsi mesurée elle n’en produisait sans doute qu’un plus grand effet.
Un de ces effets admirables est justement l’exposition du Tartuffe, la plus naïve et la plus habilement conçue de mutes tes expositions : la plus naïve, en ce que presque tous les personnages de la pièce y sont rangés de front et que Mme Pernelle les nomme, explique et décrit, l’un après l’antre, comme, en les montrant, les figures d’un tableau ; la plus habilement conçue, en ce que Mme Pernelle la fait, sans le vouloir, avec humeur, avec colère, et que la pièce commence en plein mouvement, en plein comique, en pleine passion, en pleine situation. […] Ce portrait est connu — Le Moliériste le reproduira prochainement ; mais ce que je veux détacher et signaler tout particulièrement, c’est ceci : Parlant de Mégabaste-Montausier, Mlle de Scudéry écrit : « Je suis même persuadé que s’il eût été amoureux de quelque dame qui eût eu quelques légers défauts ou en sa beauté, ou en son esprit ou en son humeur, toute la violence de sa passion n’eût pu l’obliger à trahir ses sentiments. […] Il n’avait qu’à y ajouter sa propre passion… et son génie. […] Corneille l’aîné, et son jeune frère Thomas, qui avait dix-huit ans à peine, avaient l’un et l’autre la passion du théâtre. […] Il faut modérer un peu ses passions ; Et Sénèque… ÉRASTE Sénèque est un sot dans ta bouche, Puisqu’il ne me dit rien de tout ce qui me touche.
Diderot dit, dans ses réflexions sur la Poésie dramatique, page 11 : « Que quelqu’un se propose de mettre sur la scene la condition de Juge ; qu’il intrigue son sujet d’une maniere aussi intéressante qu’il le comporte & que je le conçois ; que l’homme y soit forcé par les fonctions de son état, ou de manquer à la dignité & à la sainteté de son ministere, & de se déshonorer aux yeux des autres & des siens, ou de s’immoler lui-même dans ses passions, ses goûts, sa fortune, sa naissance, sa femme, ses enfants ; & l’on prononcera après, si l’on veut, que le Drame honnête & sérieux est sans chaleur, sans couleur & sans force ».
Mais il faut savoir que tout cet artifice Ne va directement qu’à vous rendre service ; Que ce conseil adroit, qui semble être sans fard, Jette dans le panneau l’un & l’autre vieillard ; Que mon soin par leurs mains ne veut avoir Célie Qu’à dessein de la mettre au pouvoir de Lélie, Et faire que l’effet de cette invention, Dans le dernier excès portant sa passion, Anselme, rebuté de son prétendu gendre, Puisse tourner son choix du côté de Léandre.
Tofan fut quelques jours au lit, soit de chagrin ou des coups qu’il avoit reçus : & sentant, mais un peu tard, que son esprit jaloux lui avoit fait faire une sottise ; aimant d’ailleurs sa femme avec passion, trouvant, moyen en employant quelques amis, de la ravoir, il promit de n’être plus jaloux, & lui permit de faire tout ce qu’elle voudroit, à condition que ce seroit si secrètement & avec tant de précaution, qu’il n’en auroit aucune connoissance.
Il les disposoit & les colloit les unes auprès des autres, selon que le sujet le demandoit ; il lui arrivoit même de changer l’expression des têtes qui ne convenoient pas à son idée, en supprimant les yeux, la bouche, le nez & les autres parties du visage, & y en substituant d’autres qui étoient propres à exprimer la passion qu’il vouloit peindre : tant il étoit sûr du jeu de ces parties pour l’effet qu’il en attendoit.
Arlequin arrive la tête pleine d’un conte qu’un barbier lui a fait ; &, tandis que son maître lui parle de sa passion, il ne rêve qu’aux particularités du conte.
Sans être belle, elle étoit piquantes & capable d’inspirer une grande passion.
Au premier acte, la scène sixième entre Damis et son valet, dans laquelle ils partagent les prix ; au deuxième acte, la scène huitième entre Damis et son valet, quand il lui confie sa passion pour l’inconnue du Mercure ; au troisième acte, la scène sixième, où Baliveau et Damis se rencontrent en répétant leurs rôles, et se reconnaissent, tandis que Francaleu crie bravo ; la scène suivante est superbe ; enfin le monologue qui commence le cinquième acte : tout doit être étudié dans cet ouvrage.
Quelques-uns prétendent qu’il se fit recevoir Avocat au retour de ce voyage : cependant le goût qu’il avoit pour la Comédie ne faisoit qu’augmenter, & il ne tarda gueres à témoigner la passion qu’il avoit pour cet Art & pour la déclamation.
On cite souvent telle scène du Misanthrope, entre Alceste et Célimène ; mais on semble trop oublier que ces mêmes vers et ces mêmes couplets où la passion parle toute pure, Molière les a sauvés, totideni verbis, du naufrage de Don Garcie de Navarre qui fut représenté pour la première fois le 4 février 1661, c’est-à-dire un an avant le mariage de Molière. […] Ainsi c’est un caractère que d’être avare ou hypocrite, parce que ces passions marquent d’une façon, originale l’homme qui en est atteint : un avare ne mange pas, n’aime pas, n’agit pas comme un prodigue. […] Mais avec Molière, nous rions du ridicule inhérent au vice ou à la passion ; —à l’amour d’Arnolphe pour Agnès, car si Arnolphe aimait une femme d’âge mûr, tout le comique disparaîtrait-, — à la colère d’Alceste s’exerçant contre des choses insignifiantes : à ces choses insignifiantes substituons des objets qui en vaillent la peine, Alceste cesse à tel point d’être ridicule que l’on a pu demander si, dans certaines scènes, il ne relevait pas du drame plutôt que de la comédie ; — à l’aveuglement pour Trissotin, de Philaminte, Armande et Bélise, — etc.
Roselis, très honnête homme, lui conseilla, sans balancer, de se faire Jésuite, Mais le jeune homme, qui croyait que ses talents pour la Comédie détermineraient son conseil de ce côté-là, fut fort étonné de le trouver opposé à sa passion.
« La Métromanie, me dira-t-on, fait naître les scenes amoureuses entre Dorante & Lucile, puisque cette derniere a un tic de famille, qu’elle aime les vers avec passion, & que si Dorante lui plaît, c’est par le secours des vers qu’il emprunte de M.
Henriette déteste la malheureuse passion de son frere qui ruine sa femme & son fils.