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19. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

Soit inconstance naturelle et besoin de nouveauté, soit réaction du présent, toujours en révolte contre un passé dominateur, les contraires se succèdent sans cesse dans les sentiments et dans les opinions de la partie désœuvrée de la nation française. […] Quand une nation se repose après une révolution ou après de grandes dissensions, le parti victorieux s’applique encore quelque temps après la victoire à exercer une espèce de vengeance morale sur les opinions qui régnaient avant le combat ; il réprouve tout le système des anciennes idées, des anciens principes en morale, en littérature, en philosophie, même dans les arts.

20. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE XII. Réflexions Générales. » pp. 241-265

Voltaire remarque simplement qu’il fut, « si on ose le dire, un législateur des bienséances du monde, » et il ne corrige l’étrange étroitesse de cet éloge que par ces quatre mots : « On sait assez ses autres mérites814. » Il est inutile de citer autrement que pour mémoire, sauf quelques points où elles se trouvent par hasard d’accord avec le bon sens, les opinions sorties du cerveau malade de J. […] Mais leur critique, généralement littéraire, ne donne point en somme ce que l’on cherche ici, une opinion juste et définitive sur la morale de Molière. […] C’est cette morale-là qu’il importe de connaître et de juger, parce qu’elle n’est pas une opinion personnelle, mais une action universelle. […] On ne recherchera ni les origines du théâtre, ni les époques où la comédie s’est particulièrement corrompue, ni les opinions qu’ont eues sur ce grave sujet les philosophes, les moralistes et les Pères.

21. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Lorsque Pascal écrivait aux jésuites : « Vous avez bien mis ceux qui suivent vos opinions probables en assurance du côté des confesseurs, mais vous ne les avez point mis en assurance du côté des juges, de sorte qu’ils se trouvent exposés au fouet et à la potence en suivant vos probabilités » ; lorsqu’il ajoutait : « Obligez les juges d’absoudre les criminels qui ont une opinion probable, à peine d’être exclus des sacrements, afin qu’il n’arrive pas, au grand mépris et scandale de la probabilité, que ceux que vous rendez innocents dans la théorie, soient Fouettés ou pendus dans la pratique9 » ; quand Pascal flagellait ainsi les jésuites, il s’armait d’une sanglante ironie, mais certes il n’y mettait pas de gaieté ; il n’y a donc point là de comique. […] Dans toutes ses pièces à caractères, Molière a cru devoir mettre en regard de chaque ridicule l’opinion raisonnable qui lui est opposée, de peur, sans doute, que le spectateur ne s’amusât sans s’instruire, et qu’il n’eût la fleur sans le fruit93. […] Selon toute apparence, ce sont ses propres opinions que Molière a exprimées dans la doctrine étroite de Chrysale sur la destination des femmes, dans celle de Clitandre sur le peu d’utilité du savoir, et ailleurs encore dans des dissertations sur la mesure de connaissances qui convient à un homme comme il faut. […] Présenter toujours à côté d’un travers de l’esprit l’opinion raisonnable qui lui est opposée, c’est manifester d’une manière trop méthodique l’intention d’instruire le spectateur. […] Le but de l’auteur a été de peindre à fond un caractère ; mais les hommes ne parles guères de leur caractère, et ils ne le font connaître que par les relations qu’ils soutiennent avec leurs semblables, et comment se fait-il qu’Alceste choisisse pour son ami un personnage tel que ce Philinte, dont les opinions sont diamétralement opposées aux siennes ?

22. (1886) Molière et L’École des femmes pp. 1-47

Un homme politique, par exemple, a des principes qu’on lui connaît ; il a des opinions ; il a des idées… quelquefois. […] Si cet auteur n’a pas consigné dans un écrit spécial ses opinions particulières, ses pensées intimes, on en est réduit forcément avec lui à des conjectures. […] On ne peut vraiment lui trouver qu’un seul défaut, et je suis bien obligé de vous dire lequel : il a une fort mauvaise opinion des femmes. Il paraît, lorsqu’on a beaucoup fréquenté et beaucoup observé les femmes, qu’on ne prend pas d’elles une opinion bien avantageuse.

23. (1909) Deux ennemis de la Compagnie du Saint-Sacrement : Molière et Port-Royal (Revue des deux mondes) pp. 892-923

En 1657, lorsque Du Plessis-Montbard conseille de recruter d’abord dans les congrégations de la Société de Jésus les membres de la succursale romaine, il recommande pourtant que ce soit « sans faire connaître le dessein. »Dans le groupe parisien du Saint-Sacrement, parmi les ouvriers de la première heure, il y en avait eu de fort opposés aux Jésuites, de fort attachés aux opinions jansénistes : tels, Hubert Charpentier, mort en 1650, fondateur de la maison des Prêtres du Mont-Valérien, ou le Père Eustache Gault. […] Dès 1619, rapporte d’Argenson, un des membres de la Compagnie qui étaient le plus pénétrés de son esprit, M. de Renty, donnait sur son lit de mort à ses intimes amis le conseil de se détacher des opinions du Jansénisme, bien qu’elles ne fussent pas encore condamnées. […] Sur un programme commun, il y eut entre les Jansénistes et la Compagnie « diversité d’opinions ; »il y eut, sur l’exécution de ce programme, « mauvaise émulation. » De l’association du Saint-Sacrement et de la famille des « disciples de saint Augustin » le point de départ est le même : une vue nette, une douleur vive de l’état où est l’Eglise de France au commencement du XVIIe siècle. […] Faguet, — je suis heureux d’abriter des hypothèses affirmatives derrière son opinion prudente et ferme, — « sinon, d’une part, que la méchanceté, le libertinage, la débauche mènent premièrement à l’athéisme, secondement à l’hypocrisie religieuse; sinon, d’autre part, que le parti religieux se recrute parmi les Tartufe, parmi les imbéciles comme Sganarelle, et aussi parmi les débauchés, corrupteurs et scélérats quand ils sont devenus prudens ? […] Sur cette question, Brunetière, que la psychologie de Molière et la nature de ses opinions religieuses passionnait (cf. l’article de la Revue du 1er août 1890) se proposait de revenir (cf. la Revue du 1" juillet 1903, p. 70).

24. (1769) Idées sur Molière pp. 57-67

Ce n’est pas ici le lieu de discuter l’opinion qui flétrit la profession de Molière, parce qu’il n’y a point de profession que son génie ne puisse ennoblir, que cette opinion tient à des questions délicates, que les grands talents et les bonnes mœurs seront toujours au-dessus de toute condition, et que ce n’est pas trop la peine de parler du reste.

25. (1824) Notices des œuvres de Molière (VIII) : Le Bourgeois gentilhomme ; Psyché ; Les Fourberies de Scapin pp. 186-466

Louis XIV, justement nommé le plus honnête homme de son royaume, était particulièrement ennemi du vice et du désordre ; mais les mœurs générales dominent l’opinion même de ceux qui n’y participent pas : or, celles de la cour se ressentirent, durant tout son règne, de cette licence, de cette dépravation qu’avaient engendrées les troubles de sa minorité, et qui devaient, après sa mort, reprendre de nouvelles forces sous une minorité nouvelle. […] Cette espèce de ridicule ne se trouve point dans les princes ou dans les hommes élevés à la cour, qui couvrent toutes leurs sottises du même air et du même langage ; mais ce ridicule se montre tout entier dans un bourgeois élevé grossièrement, et dont le naturel fait à tout moment un contraste avec l’art dont il veut se parer. » Pour sentir quels durent être à la fois l’effet comique et l’effet moral de la pièce, il faut se reporter au règne de Louis XIV, et considérer quel était, à cette époque, l’état de l’opinion, relativement à la noblesse. […] Une chose presque toute d’opinion, une chose qui avait communément sa source dans de grands services rendus à l’état par des ancêtres, et qui était l’ouvrage du temps seul, des hommes, enrichis dans un obscur négoce, furent assez insensés pour croire qu’ils pouvaient se la procurer à prix d’argent, en aussi peu d’instants qu’il en fallait pour compter la somme. […] Leur noblesse, enregistrée au sceau, mais non ratifiée par l’opinion, autorité souveraine en pareille matière, se résolvait en une constitution de rente perpétuelle, dont l’intérêt se payait en exemption de certaines charges publiques.

26. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE V.*. Destouches imitateur, comparé à Moliere, Plaute, Regnard, Shakespeare, &c. » pp. 185-218

L’opinion commune est que Destouches inventa les rôles de Financier : il faut connoître bien peu le théâtre pour avoir une pareille idée. […] Si Camille résiste, je suis le plus heureux de tous les hommes ; & si elle succombe, j’aurai du moins l’avantage de ne m’être point trompé dans l’opinion que j’ai des femmes, & de n’avoir pas été la dupe d’une sotte confiance qui en abuse tant d’autres. […] Si tu doutes que Camille soit plus sage que les autres, prends ton parti sans vouloir éprouver ce qui en est ; & dans la mauvaise opinion que tu as des femmes en général, jouis paisiblement d’une incertitude qui ne t’est point désavantageuse. Souviens-toi, mon cher Anselme, que l’honneur d’une femme ne consiste presque qu’en la bonne opinion qu’on a d’elle : contente-toi là-dessus des sentiments de tout le monde & des tiens propres ; & puisque tu connois pour le moins autant qu’un autre la foiblesse des femmes, ne va pas tendre des pieges à la tienne par la simple curiosité d’éprouver si elle pourroit les éviter ; car enfin une belle femme est une glace polie que la moindre vapeur ternit, & une fleur délicate qui se flétrit pour peu qu’on la touche.

27. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Non, Messieurs, je n’attristerai point vos souvenirs, en leur offrant de pareils tableaux, et je me bornerai à énoncer cette opinion, que personne ne contestera sans doute : c’est que le théâtre de ces temps malheureux pourrait aussi en être l’histoire. […] » La France entière le répéterait avec toi ; tu serais l’interprète de tes contemporains, et tu devancerais l’opinion des siècles à venir.

28. (1819) Deux pièces inédites de J.-B. P. Molière [La Jalousie du Barbouillé, Le Médecin volant] pp. 1-4

Cette opinion nous paraît manquer tout-à-fait de probabilité.

29. (1818) Épître à Molière pp. 6-18

Le temps n’a pas vieilli les Français, et Paris Est encore aujourd’hui ce qu’il était jadis : Chez ce peuple léger, d’une humeur si commode, L’inconstance toujours est le vice à la mode ; Au moindre vent qui souffle aussitôt nous tournons ; Nous savons à propos, adroits caméléons, Prendre forme nouvelle, et changer de visage, De goûts, d’opinion, d’esprit et de langage ; Libres ou dans les fers, sans nous plaindre de rien, Optimistes prudents nous disons : tout est bien. […] Ne doit-on pas s’étonner que de ces tribunes tutélaires il ne se soit pas élevé une seule voix en faveur de l’indépendance légale de l’art dramatique ; de cet art vraiment national, qui a tant d’influence sur l’opinion et sur les mœurs ; qui plus que tout autre a besoin de liberté, etauquel on n’a pas même daigné accorder le bienfait d’une loi d’exception, qui pût au moins lui laisser entrevoir dans l’avenir un temps plus heureux.

30. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

Il avait pu se persuader que les mœurs de la cour, les mœurs générales, ne pouvaient pas avoir tort, et que la dissolution, grand péché contre la religion, n’était qu’un tort d’opinion à l’égard de la société : cette opinion irréfléchie était pardonnable à un jeune homme qui n’était pas et ne pouvait encore être un grand moraliste. […] Il faut se persuader que la satire du poète répondait au goût et aux opinions de madame de Rambouillet, loin d’effleurer sa personne ; à moins qu’on n’aime mieux croire nos biographes doués de plus de discernement et de tact qu’elle n’en avait sur ce qui la concernait elle-même. […] Quoique le secret d’ennuyer soit celui de tout dire , et que j’aie déjà dit beaucoup plus qu’il n’était nécessaire pour détourner de l’hôtel Rambouillet l’application des Précieuses ridicules, je ne puis m’empêcher de revenir sur l’opinion des écrivains qui donnent pour une adroite précaution contre les plaintes des personnes de cette société la préface où Molière déclare que sa pièce regarde uniquement les mauvais singes , les ridicules copies des illustres précieuses.

31. (1824) Notice sur le Tartuffe pp. 91-146

Toute la puissance d’un grand roi est à peine assez grande contre la colère des dévots ; et Louis, qui avait une volonté ferme et prompte, sentit que, pour protéger le Tartuffe, il fallait des précautions et du temps ; « il défendit dès lors cette comédie pour le public, jusqu’à ce qu’elle fût achevée et examinée par des gens capables d’en faire un juste discernement, et ajouta que personnellement il n’y trouvait rien à dire1. » Ainsi le roi faisait d’abord pencher la balance par le poids de sa propre opinion, tout en ménageant la susceptibilité des gens d’église et des vrais dévots. […] Mais ce n’était pas seulement dans la protection du roi que le poète comique avait cherché des garanties ; il avait dans le public un autre maître qu’il fallait se rendre favorable ; avec ce coup d’œil sur qui embrassait tout, il s’était convaincu que l’appui du prince ne suffisait pas au succès d’une entreprise si hardie ; il avait fait de son temps une étude assez profonde pour juger qu’il est des obstacles dont ne peut triompher le pouvoir le plus absolu, et que dans de graves circonstances les affections ou les goûts du monarque doivent céder à sa politique, parce que le seul moyen de dominer l’opinion, c’est presque toujours d’en respecter les scrupules. […] Je m’érigerai en censeur des actions d’autrui, jugerai mal de tout le monde, et n’aurai bonne opinion que de moi. […] Lamoignon était d’ailleurs le modèle des magistrats, le protecteur des lettres ; ami de Boileau, il avait droit aux respects de Molière, et si le premier président défendit le Tartuffe, il céda moins sans doute à sa conviction personnelle qu’à ces cris impérieux d’une cabale que les hommes publics sont trop souvent exposés à prendre pour l’expression de l’opinion générale. […] La Bruyère est le seul philosophe du siècle de Louis XIV qui n’ait point su apprécier le Tartuffe ; quant aux auteurs sacrés, tous ne furent pas aussi tolérants que l’envoyé du Saint-Siège et les prélats auxquels le monarque déféra l’examen de ce chef-d’œuvre : plusieurs ont pu être de bonne foi dans leurs attaques, mais l’esprit de corps rend les hommes d’église injustes et passionnés comme tous les autres ; et peut-être l’opinion généralement accréditée que l’évêque d’Autun, Roquette, avait été le modèle de l’hypocrite de Molière, n’a pas peu contribué à les irriter contre son chef d’œuvre.

32. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXV. Des Caracteres généraux. » pp. 263-267

Est-ce par complaisance qu’on leur permet d’avoir cette haute opinion d’elles-mêmes, ou ceux qui contribuent à la leur faire prendre seroient-ils assez ignorants pour leur donner ce titre de bonne foi ?

33. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre X » pp. 83-88

. — Opinion de l’hôtel de Rambouillet sur Le Cid.

34. (1765) Molière dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (compilation) pp. 2668-16723

Il n’en est pas ainsi du comique attendrissant ; peut-être même est-il plus utile aux mœurs que la tragédie, vû qu’il nous intéresse de plus près, & qu’ainsi les exemples qu’il nous propose nous touchent plus sensiblement : c’est du moins l’opinion de Corneille. […] Quelque critique pour condamner ce genre, a osé dire qu’il étoit nouveau ; on l’en a cru sur sa parole, tant la legéreté & l’indifférence d’un certain public, sur les opinions littéraires, donne beau jeu à l’effronterie & à l’ignorance. […] Ils ne peuvent distraire leur vue de l’image de vérité que portent leurs opinions vraissemblables, pour la porter sur d’autres faces de leurs sentimens, lesquelles leur en découvriroient la fausseté. La préoccupation se décele d’une maniere bien sensible dans les personnes, à qui il suffit qu’une opinion soit populaire pour qu’ils la rejettent. Les opinions singulieres ont seules le privilege de captiver leurs esprits, soit que l’amour de la nouveauté ait pour eux des appas invincibles, soit que leur esprit, d’ailleurs éclairé, ait été la dupe de leur cœur corrompu, soit que l’irréligion soit l’unique moyen qu’ils aient de percer la soule, de se distinguer, & de sortir de l’obscurité, à laquelle le sort jaloux semble les avoir condamnés.

35. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVII » pp. 193-197

Poètes satiriques l’un et l’autre, il leur importait d’être défendus contre les ennemis qu’ils se faisaient, et protégés, non par le pouvoir royal, mais par l’approbation d’un prince dont le règne brillant dominait l’opinion générale, et faisait une mode de tout ce qui était de son goût.

36. (1910) Rousseau contre Molière

On regrettera toujours que Rousseau n’ait pas laissé son opinion, s’il en avait une, sur le Convive de pierre. […] L’auteur est-il responsable des opinions de son public et de l’interprétation que, conformément à ces opinions, le public fait de son œuvre ? […] Il y a aussi une certaine originalité et excentricité d’opinions — très relatives — qui ne se retrouvent plus dans les dernières. […] C’est une opinion ; c’est la même que celle de Martine ; mais cela ne va pas très loin. […] Le bon sens est le respect des opinions générales des hommes que l’on fréquente.

37. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXII. Des Pieces à caractere. » pp. 253-258

Je suis trop honnête & trop rempli d’égards pour mes Lecteurs, pour leur répondre sur ce ton ; mais ils me permettront de leur dire que je suis fondé dans mon opinion par les titres qui nous restent de quelques pieces de Ménandre.

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