De ces deux titres, en effet, l’un indique la fable et l’autre le caractère principal de la pièce française. […] De là cette foule de tragi-comédies qui parurent sur la scène française, avant que le génie de Corneille eût séparé les deux genres qu’elles confondaient, et les eût, pour ainsi dire, consacrés par deux types, par deux modèles distincts, Le Cid et Le Menteur. […] L’auteur français égale presque la pureté de la diction de Térence, et le passe de bien loin dans l’intrigue, dans le caractère, dans le dénouement, dans la plaisanterie.
Quoi qu’il en soit, ouvrez le livre de Voltaire ; vous y trouverez la plus singulière confusion : on y voit mentionnés les plus grands peintres français, Lesueur et Poussin, parmi les artistes célèbres du temps de Louis XIV. […] Si les femmes romaines n’avaient point provoqué par leurs excès la colère de Juvénal, il est à croire que les Françaises du XVIIe siècle auraient trouvé dans Boileau un peintre plus indulgent. […] Nous nous bornerons à rappeler que Chapelain s’y est fait la plus belle part, 3,000 livres, comme au plus grand poète français qui ait jamais été (ainsi s’exprime ce document) ; que Corneille y est porté pour 2,000 livres, Molière pour 1,000 seulement.
Il est vrai que la versification Française l’a gêné.
La Comédie française, qui ne se doutait pas alors de son glorieux avenir, était fondée. […] Jamais pièce française n’a été maniée par un de nos poètes, quelque méchant qu’il fût, qu’elle n’ait été rendue meilleure. Ce n’est ni faute d’invention, ni faute d’esprit que nous empruntons des Français ; c’est par paresse. […] D’abord il est dans, la tradition de la comédie italienne et de la comédie française auxquelles son public est fort habitué. […] C’est proprement le mal français.
Molière avait remarqué que les Français avoient deux défauts bien considérables ; l’un, que presque tous les jeunes Gens avoient du dégoût pour la Profession de leurs Pères, et que ceux qui n’étaient que Bourgeois voulaient vivre en Gentilshommes et ne rien faire ; ce qui ne manque point de les ruiner en peu de temps ; et l’autre, que les femmes avaient une violente inclination à devenir, ou du moins à paraître Savantes, ce qui ne s’accorde point avec l’esprit du ménage, si nécessaire pour conserver le bien dans les familles.
Monsieur Bobinet, le précepteur, n’est pas un de ces pédants outrés, toujours parlant latin, même quand ils parlent français, que nos premiers comiques ont empruntés au vieux théâtre italien, que Molière lui-même a imités dans le Métaphraste du Dépit amoureux, et dont nous avons vu le dernier dans le Mamurra du Grondeur. […] Le public n’apprit qu’il n’existait plus, qu’en apprenant qu’on venait de le remplacer à l’Académie Française. […] Il est raisonnable, lorsqu’il trouve mauvais qu’à l’exemple de sa femme, tous ses valets fassent de l’esprit, au lieu de faire leur service, et qu’il désapprouve qu’on chasse une bonne servante pour une faute de français. […] Ce délai ne faisait pas le compte des libraires étrangers, toujours prêts à multiplier les ouvrages français, à leur profit et au détriment de nos auteurs ou de nos libraires ; mais il fallait avoir la pièce. […] Ce qu’il dit en françois, il le doit au latin, Et ne fait pas un vers qui ne soit un larcin.
Grace donc à cette heureuse pensée, conçue et menée à bonne fin par la Comédie-Française, nous avons pu voir, enfin, représenter avec tout l’éclat, tout le talent, toute la pompe même de décorations et de costumes qu’un spectacle aussi singulier exige, le pur et vrai Don Juan de Molière, ce drame en prose et pourtant si poétique, où la réalité s’unit au merveilleux, la fantaisie à l’observation, l’ironie sceptique à la crédulité légendaire ; drame sans modèle en France et resté sans, postérité comme le Cid, et dont les beautés irrégulières font clairement prévoir ce qu’aurait produit en ce genre la muse française, s’il avait pu lui convenir de puiser plus fréquemment aux sources romantiques. […] Sauf la statue, tout dans le Don Juan français appartient à Molière.
Les auteurs de l’Histoire du théâtre français, Voltaire, Bret, Cailhava, et tous ceux qui ont écrit depuis sur Molière, ont répété les mêmes faits. […] Quelle que soit cette différence essentielle, fondamentale, quelque avantage qu’elle donne à l’ouvrage moderne sur l’ouvrage ancien, le comique français n’en a pas moins de grandes obligations au comique latin. […] Les modernes l’ont aperçu, pour la première fois, dans Le Dolopathos, ou Roman du Roi et des Sept Sages, ouvrage bizarre, originairement composé en indien, cent ans avant Jésus-Christ, et successivement traduit en arabe, en hébreu, en syriaque, en grec, en latin, en roman, en français, en allemand et en italien. […] Molière, qui avait déjà employé la même idée dans sa farce de La Jalousie du Barbouillé, l’avait prise sans doute dans le conteur italien ; mais il aurait pu la prendre également dans un de nos vieux rimeurs français, Pierre d’Ansol, qui, avant Boccace même, en composa un fabliau ayant pour titre, La Femme qui, ayant tort, parut avoir raison.
Un combat singulier ayant eu lieu, vers ce temps-là précisément, entre les comtes d’Aubijoux et de Brissac, les chefs notoires de la sainte ligue contre le duel allèrent « solliciter les juges de faire un exemple pour la gloire de Dieu. »Il y avait là une de ces outrances dans le bien, — selon le mot dont bientôt après devait se servir Molière, — que, par un illogisme heureux, le bon sens français réprouve. « On s’étonna, » observe non sans quelque dédain Mlle de Montpensier, qui raconte le fait, « que des gens de qualité insultassent ainsi à des malheureux » même coupables7. […] Alors se produisait, dans la société française cultivée, un de ces mouvemens d’« anticléricalisme, » ou même d’anti-religion, dont M.Faguet a bien vu les très anciennes manifestations et le retour fréquent dans notre histoire9. […] D’autant plus « frondeuse » en paroles qu’elle était guérie de la Fronde en action, de tradition toujours un peu sceptique et déplus en plus gallicane, sévère pourtant au fond, et touchée de jansénisme, elle s’effrayait des complaisances que Mazarin, son vainqueur, paraissait avoir pour les Jésuites; elle se scandalisait de voir (octobre 1660), brûlées par la main du bourreau, ces Provinciales qui respiraient la bonne odeur française de la Satire Ménippée. […] Brunetière, Manuel de l’histoire de la Littérature française, 2* edit., p. 113, 174, 175, etc.; Allier, Cabale des Dévots, p. 385, 392 et suiv. ; A.
Histoire de la littérature française, t. […] Histoire de la littérature française, p. 106, t. […] Histoire de la littérature française, p. 106, t. […] Voir nos Extraits des classiques français ; cours supérieurs, prose, p. 127. […] Histoire de la littérature française, t.
Monsieur… n’est-il pas ici, le Théâtre français ?
La langue Française est aujourd’hui de tous les Pays, de toutes les Cours étrangères ; et l’on ne saurait se donner trop de soins pour la perfectionner ; de manière qu’elle soit toujours préférée, comme la plus propre pour s’exprimer naturellement. […] Les Princes se font un plaisir de parler français ; leurs Ministres, Envoyés dans de différentes Cours ont leur correspondance en français ; c’est une langue universelle.
Il n’avait cessé, jusqu’à l’École des Maris, d’étudier assidûment les anciens ; mais tout annonce qu’après cette pièce, il passa à nos vieux français (voyez le long sermon d’Arnolphe, le portrait de la vieille, etc. Tout empreints de Rabelais, de Régnier, de Brantôme), c’était alors la forme qu’il cherchait, la vraie forme française. […] Latins, vieux Français, Italiens, Espagnols, point de bouquin, dit un contemporain, qui se pût sauver de ses mains. […] Le public fit à Sancho, à Laforêt et à l’âne un accueil tout français. […] À cette gaîté si franche et si française, qui, chaque soir, venait égayer les esprits rendus sérieux par le Misanthrope, les applaudissements éclatèrent, et l’on ne pouvait point se lasser de deux chefs-d’œuvre si différents.
Les plus grands orateurs de la chaire sacrée, Fléchier et Bossuet, en ont fait le sujet de leurs plus éloquentes oraisons funèbres ; un siècle après sa mort, l’Académie française aussi appelé sur ses hautes vertus l’éloquence philosophique ; le prix qu’elle offrit au meilleur éloge, fut partagé entre MM.
Perrin, on pourrait joindre à ces deux toiles, qui sont des œuvres d’art de premier ordre, une estampe grossière, signée Simonin, dont la Bibliothèque nationale possède le seul exemplaire connu ; le Molière compris dans un tableau anonyme, assez ordinaire, peint en 1670 et représentant les Farceurs français et italiens depuis soixante ans, qui appartient aussi à la Comédie-Française ; et les figures très médiocres dessinées par Brissart et Sauvé pour l’édition de Molière publiée en 1682. […] Dans une catégorie sociale moins élevée, bien moins haute encore, si l’on tient compte du préjugé, Molière avait reçu le plus cordial accueil de Pierre de Boissat, vice-bailli de Vienne en Dauphiné, et membre de l’Académie française depuis la création. […] Il avait recueilli, en effet, tout ce que la tradition comique devait aux Français et aux Italiens et il la joignait aux créations personnelles de son génie. […] et aussitôt, à cause qu’il parle un peu françois, on a crié : Ah ! […] Louis Racine prétend que les amis du poète lui conseillaient avec instances de prendre ce parti, que même l’Académie française lui faisait offrir une place, à la condition de renoncer au théâtre.
Remarquons, à cette occasion, qu’avant le milieu du xviie siècle, le mot obscénité n’était pas français.
Ils étaient de la vieille race française, celle qui raille. […] Sa grande affaire, il nous le disait tout à l’heure, c’était de peindre les défauts des hommes ; et il les prenait où il les trouvait, chez les marquis ou chez les bourgeois, dans le salon de Célimène, ou sous la hutte du fagotier, ne se doutant pas le moins du ; monde qu’il remplit une mission sociale et qu’il écrivit une préface pour le Philinte de Fabre d’Eglantine et pour la Révolution française. […] Je ne veux point lutter d’érudition avec M. de La Pommeraye : je crois cependant qu’en 1666, dix ans après les Provinciales, sept ans après les Précieuses ridicules, un an après la mort de Mme de Rambouillet, lorsque florissaient Molière, Corneille, Pascal, Despréaux, et tant d’autres, la veille d’Andromaque et de Racine, je crois, dis-je, que la langue française pouvait être considérée comme assez eh sûreté pour n’avoir pas besoin de défenseurs aussi intempérants qu’Alceste, et je demande si oui ou non, la chanson de ma mie, o gué est écrite dans le style de Port-Royal et si M. de La Pommeraye la revendique comme un chef-d’œuvre de saine littérature et de goût délicat. […] C’est vous qui bouleversez l’art en prêtant au grand comique du XVIIe siècle des procédés littéraires et des visées humanitaires qui ne devaient éclore que deux siècles après lui ; et c’est vous enfin qui diminuez la patrie en prêtant à son plus grand écrivain, à celui qui la représente le mieux, des pensées si contraires à son génie, puisque vous voulez faire un misanthrope, un haïsseur d’hommes, un ami du désert, de ce sociable et bon Molière qui fut le plus Français des hommes, c’est-à-dire le plus humain !
Soit inconstance naturelle et besoin de nouveauté, soit réaction du présent, toujours en révolte contre un passé dominateur, les contraires se succèdent sans cesse dans les sentiments et dans les opinions de la partie désœuvrée de la nation française.
Godeau, de l’Académie française, évêque de Vence, ayant adressé à Voiture un défi de vers galants en honneur de cette belle personne, Voiture lui adressa ce rondeau fanfaron : Comme un galant et brave chevalier, Vous m’appelez en combat singulier D’amour, de vers et de prose polie ; Mais à si peu mon cœur ne s’humilie, Je ne vous tiens que pour un écolier ; Et fussiez-vous brave et docte guerrier, En cas d’amour, n’aspirez au laurier.