Il entreprit ce voyage dans la vue de s’enrichir par le commerce, & il avoit les talents nécessaires pour y réussir ; il étoit sort rompu dans la science des nombres, & il pouvoit calculer d’un coup de plume ce qu’il y avoit de profit ou de perte dans quelque négoce.
Et tout cela, avec quel charme, quelle mesure, quel talent féminin et inimitable pour ménager les gens, quelle constance dans le droit chemin du bon sens et du cœur !
Une femme qui a le dépit de voir manquer les armes qu’elle croit les plus puissantes pour ranger un homme sous ses loix, la contrainte d’un amant qui est forcé de cacher les progrès que l’amour & les talents de sa maîtresse font sur son cœur, tout cela auroit-il paru à Moliere indigne d’attacher le spectateur ?
La Béjart, comédienne de campagne, attendoit ainsi que lui, pour exercer son talent, un tems plus favorable ; il lui rendit des soins, & bientôt, liés par les mêmes sentimens, leurs intérêts furent communs. […] Il n’a pas même crû avilir son talent, en se prêtant au peu de délicatesse de la multitude, dans ces piéces, dont les caractéres chargés plaisent toujours au plus grand nombre, & où les gens de goût, sans en approuver le genre, remarquoient des traits que l’usage a consacrés, & a fait passer en proverbes.
Un jeune avocat de talent, M. […] C’est à bon droit qu’on a pu graver ce distique sous un portrait de Scaramouche : « Il fut le maître de Molière, « Et la nature fut le sien. » C’est à Scaramouche et à ses camarades que Molière, acteur, emprunta ces jeux de scène et ces « postures » que lui reprochaient les contempteurs de son talent. […] Le récit de Dominici, quoiqu’absolument faux, n’en est pas moins fort curieux, et nous le traduisons textuellement : « Antonio Verrio fut curieux de connaître d’autres pays que l’Italie et d’étudier les méthodes de travail d’autres peintres de talent, comme aussi les mœurs des autres nations ; c’est ainsi que, voyageant par divers lieux, il arriva en France, en un lieu nommé le Canal, où il y avait des huguenots, avec lesquels il lia commerce d’amitié ; de sorte qu’en fraternisant avec eux, il vint à prévariquer dans sa foi et à professer leur religion. […] Si on les attribue à Le Boulanger de Chalussay, il faut reconnaître qu’il ne manquait pas de talent poétique.
Et quelle ressemblance découvrir entre Agnès, petite fille innocente, ignorante, sans usage du monde, et la brillante Armande Béjart, ornée de tous les talents, et certainement majeure lorsqu’elle épousa Molière ? […] Bien chanter était, avec l’art des fines simagrées, son principal talent sur le théâtre ; il va donc sans dire que ce devait être aussi, à la ville, son principal manège de coquetterie. […] La troupe alors n’était pas heureuse, et je jurerais que, si le talent de Molière était nécessaire dans les représentations, son petit avoir ne l’était pas moins, pour suppléer, dans les mauvais jours, aux défaillances de la recette. […] Le célèbre Scaramouche, dont on a tant répété qu’il prit des leçons de grimace et de jeu, se montrait, dit-on, merveilleux dans cette farce alerte, où la prestesse du mouvement fait la moitié au moins du talent de l’acteur. […] « Ce sont, écrivait-il à Chauvelin en lui adressant les deux farces, ce sont des canevas, qu’il (Molière) donnait à ses acteurs, qui les remplissaient sur le champ, à la manière des Italiens, chacun suivant son talent.
Tous deux adressèrent un appel aux personnalités de grand renom et de grand talent, et firent de la presse et du public leurs complices. […] Le nom de ces derniers, l’opposition constante qu’ils avaient faite au Gouvernement impérial, leur talent, leur habileté, et l’autorité dont ils jouissaient, avaient excité au dernier point l’inquiétude ombrageuse de Napoléon III. […] Nous n’avons aucune espèce de lettre ou de document qui nous indique d’une manière quelconque que Favart se soit excusé auprès de Marmontel pour lui avoir pris son idée ; mais en revanche, ce que nous avons, c’est une lettre de Marmontel, qui demande pardon à Favart d’oser, lui indigne, traiter pour le théâtre la même idée que Favart n’a pas dédaigné d’embellir de son rare talent pour la scène. […] Supposez que Molière eût été seulement un homme de talent, d’un certain talent : il aurait fait contre les dévots une comédie de la même colère et de la même portée que celle que fit Palissot contre les philosophes ; supposez qu’il eût eu plus que du talent, du génie, mais un génie de portée ordinaire : eh bien, il eût fait en comédie contre les dévots, ce qu’a fait contre eux La Bruyère dans ses Caractères, qui ne vont pas au-delà de ce que La Bruyère pouvait avoir sous les yeux.
Ses talents naturels l’appelloient sur le Parnasse.
Boileau n’a fait qu’exprimer le jugement de Molière sur le métier d’écrivain : Soyez plutôt maçon, si c’est votre talent, Ouvrier estimé dans un art nécessaire, Qu’écrivain du commun et poète vulgaire184.
Nous voyons dans ces deux couplets les mêmes mots, les mêmes idées ; les deux personnages y ont les mêmes prétentions, les mêmes fatuités ; tous les deux vantent la beauté de leurs dents, de leur jambe, la finesse de leur taille, la délicatesse de leur goût & de leur esprit, leur talent singulier pour séduire les femmes ; tous les deux concluent qu’avec leur mérite on peut être content de soi dans tous les pays.
Avant d’arriver à cette puissance souveraine du talent, Molière avait passé par un long noviciat d’épreuves morales et d’observations.
La triste erreur des littérateurs bohèmes, et quelques-uns ont eu assez de talent et de douleurs pour mériter cette mention, consiste à s’imaginer qu’ils deviendront de grands hommes parce qu’ils imitent les écarts de mœurs de quelques grands hommes.
Mais Moliere aimoit l’indépendance, & il étoit si rempli du desir de faire valoir le talent qu’il se connoissoit, qu’il pria Monsieur le Prince de Conti de le laisser continuer la Comedie ; & la place qu’il auroit remplie fut donnée à Monsieur de Simoni. […] Ces parens saisirent ce conseil plus par envie de se défaire de l’enfant, pour dissiper plus aisément le reste de son bien ; que dans la vûë de faire valoir le talent qu’il avoit apporté en naissant. […] *Monsieur Huet Sous-precepteur de Monseigneur le Dauphin, & ensuite Evêque d’Avranches, ne crut pas qu’il fût indigne de lui d’exercer sur ce sujet son talent pour la Poësie Latine. […] Il n’y eut pas jusqu’au Pere Bouhours Jesuite, qui sans autre talent pour la Poësie, que l’envie de faire des vers, s’avantura d’en faire à la loüange de Moliere.
Bailletg ce qu’il faut juger de son talent.
Mais nous sommes devenus meilleurs, Dieu merci, Villiers écrivit la Vengeance des Marquis, encore un méchant petit acte insupportable ; et Montfleury le fils, à l’instar de Rodrigue, épousant la querelle de son père, un peu écorné par Molière, lança l’Impromptu de l’Hôtel de Condé, où il y a quelque talent : c’est de là qu’on tire le portrait, si souvent cité, de Molière dans les rôles tragiques, le nez au vent, la tête sur le dos, la perruque pleine de lauriers comme un jambon de Mayence. […] Delaunay. a la correction infinie, des délicatesses de diction inimaginables, le soin du détail, longtemps cherché ; il a la désinvolture et la grâce ; il saute par la fenêtre avec des jambes de quinze ans ; il est souriant, il est attendri ; il a dans la gorge un tourtereau, et dans l’âme un poète ; il a tout ce que le talent peut donner de perfection ; bref, dans les Delaunay : Delaunay est incomparable.
L’auteur des Observations sur le Festin de Pierre 7 commence en jouant la légèreté et la malice ; il feint de rendre justice à Molière et croit lui décocher les traits les plus sanglants sans se douter combien il accuse lui-même par là la pauvreté et la platitude de son esprit : « Il est vrai, dit-il, qu’il y a quelque chose de galant dans les ouvrages de Molière, et que, s’il réussit mal à la comédie, il a quelque talent pour la farce. »Ce n’est même là qu’une feinte concession, car il ajoute : « Quoi qu’il n’ait ni les rencontres de Gautier-Garguille, ni les impromptus de Turlupin, ni la bravoure du capitan, ni la naïveté de Jodelet, ni la panse de Gros-Guillaume, ni la science du docteur, il ne laisse pas de divertir quelquefois et de plaire en son genre. »Il lui reproche de n’avoir pas le talent de l’invention ; mais il reconnaît qu’il traduit assez bien l’italien et parle passablement français.
Que si enfin, animé par une veine heureuse de folie, le poète comique se joue de ses propres inventions, les exagérant à dessein et transformant ses portraits en caricatures, alors il s’élève jusqu’à la farce, et les critiques en chœur s’écrient qu’il dégrade et avilit son talent, qu’il écrit pour la foule, et que Dans ce sac ridicule où Scapin s’enveloppe On ne reconnaît plus fauteur du Misanthrope. […] C’est dans le comique burlesque que Molière a le mieux réussi ; son talent, de même que son inclination, était pour la farce.