C’est moraliser les gens que de les tirer pour quelques heures des préoccupations mesquines de la vie ordinaire, que de les forcer à lever les yeux vers des idées plus hautes, vers des tableaux plus nobles, que de les munir contre les bassesses, les convoitises et les intrigues dont ils seront entourés, d’instructions profitables données sous une forme amusante. […] Ce n’est pas l’irréflexion d’un jeune évaporé que trahit son jeu, c’est la niaiserie d’un sot, d’un malavisé, qui vient à tout coup se jeter bêtement au travers d’une intrigue et qui en rompt innocemment toutes les mailles. […] Le début de la pièce est toujours un peu froid ; la querelle de Gorgibus et de ses filles, les deux longues tirades sur la façon dont doit se mener une intrigue amoureuse et sur la carte du Tendre, font à peine sourire. […] Et ce don Juan lui-même, qu’on nous donne comme un si irrésistible séducteur, toutes ses intrigues se réduisent à faire la cour à deux petites paysannes, et encore ne triomphe-t-il d’elles qu’en leur promettant le mariage ! […] Le goût de l’intrigue a survécu pourtant : on se lève le matin en se demandant qui l’on prendra dans ses filets ; on est bien aise d’avoir pour attentif un grand seigneur taré, et d’être courtisée en même temps par un vieil imbécile qui se ruine.
Les deux bouffons, qui ne tiennent presque point à l’intrigue, ne sont pas bien difficiles à retrancher ».
Le portrait de la Fontaine est un présent plus honnête, c’est dommage qu’il soit inutile à l’intrigue.
Voilà toute l’intrigue de L’École des femmes ; voilà cette confidence perpétuelle en quoi, suivant Molière lui-même, consiste la beauté du sujet de sa comédie 3. […] Imaginerait-on que de tels éléments pussent constituer une comédie d’intrigue et de mœurs, en cinq actes, où l’intérêt allât toujours croissant ; où tout fût animé, sans qu’il y eût, pour ainsi dire, de mouvement ; où, enfin, l’exécution la plus riche et la plus variée sortît du fond le plus stérile et le plus uniforme en apparence ?
J’étais persuadé qu’il y avait fort peu de femmes qui méritassent un attachement sincère ; que l’intérêt, l’ambition, la vanité, font les nœuds de toutes leurs intrigues. […] C’est de Toulouse qu’il venait ; il y était né, en 1626, et n’avait, par conséquent, que trente-huit ans, l’âge de la force, surtout pour les gens d’intrigue, parce qu’ils ont déjà l’expérience et n’ont point perdu l’activité. […] La partie politique, par exemple, échappait à son cadre ; il ne lui fut pas, non plus, possible de maintenir le type dans les régions où s’étaient faufilées et agitées ses intrigues. […] « Tout sucre et tout miel, dit encore Saint-Simon, et entrant dans toutes les intrigues, surtout grand béat. » Pour la sensualité, nul ne lui en eût remontré. […] Le genre même de l’intrigue l’exige.
Il faut dire aussi que l’intrigue amoureuse trouvait son compte à ce déplacement. […] À ce théâtre de la Foire rien ne devait manquer, ni les rendez-vous galants, ni les intrigues cachées, ni les rencontres mystérieuses, ni la chronique scandaleuse, rien, pas même un poète comique, — et le plus grand des poètes comiques après Molière, Lesage en personne. […] Entre autres passions, il a aimé passionnément le théâtre : les débuts, les rentrées, les représentations de retraites, les caprices ; les intrigues, les orages, les succès, les chutes du vieux théâtre, avaient un charme sans égal, pour l’amateur intrépide. […] Regardez-le, ce Gnaton sera la cheville ouvrière de la fable comique : il est chargé de nouer l’intrigue et de la dénouer, il tient le milieu entre l’esclave et le maître ; or, il a cela de commun avec le maître, qu’il est citoyen de Rome, et cela de commun avec l’esclave : il est mêlé à toutes les intrigues : il est exposé à toutes les humiliations et à toutes les injures. […] le luxe exquis et sans frein, les festins sans fin, le jeu, l’amour, l’intrigue, les beaux-arts, les merveilles, les élégances les plus coûteuses du siècle passé.
Quant à l’action elle-même, elle n’est formée que d’une succession d’incidents qui n’ont aucune liaison entre eux, et n’aboutissent pas même à un terme commun : on dirait que l’auteur, en outrant sur ce point la licence du théâtre espagnol, a voulu peindre en partie, par le mouvement capricieux de l’intrigue, l’humeur changeante et vagabonde de son héros, qui se pique d’aller de belle en belle, et de les abandonner l’une après l’autre pour toujours.
Que Molière ait su allier à ce caractère odieux une élégance chevaleresque, une audace juvénile42 qui empêchent que l’horreur ne nous prenne trop vile, et qui intéressent encore au héros, si méprisable qu’il soit ; qu’il ait agréablement mêlé à l’intrigue les traits et les situations les plus comiques, pour rester dans le domaine de la comédie, et ramener le rire chez le spectateur prêt à subir des émotions moins gaies, c’est une habileté d’auteur qu’on doit admirer, et qui ajoute grandement au mérite d’une pièce si difficile à rendre attrayante sans rendre le vice lui-même attrayant.
Racine ne peut donc avoir eu à se plaindre des intrigues de cette maison, Boileau son ami à l’en venger.
Pourtant, en dépit de tous ces obstacles aux fureurs de Don Juan, le véritable avertissement lui vient du fantôme ; une fois que le fantôme pénètre dans le drame, aussitôt le drame change de face ; la passion grandit avec la terreur ; l’impiété remplace la luxure ; le blasphème anéantit les tendres paroles ; les chansons, les intrigues, les fillettes sont supprimées, on comprend que le dénouement approche, un dénouement terrible et solennel ! […] La préface nº 3 nous prévient que l’auteur a fait à son œuvre des changements et des suppressions qui « tout en retirant de l’effet général la finesse et la subtilité de l’intrigue de cour, ont été très favorablement reçus ». […] Nos pères, comme de vrais bouchers, assouvissaient leur ambition à coups d’épée, à coups de lance ; pour nous, l’esprit est notre lance, l’intrigue notre armure, l’antichambre notre champ de bataille, et le plus grand héros est le plus grand coquin ! […] Au quatrième acte (notez bien que voici tantôt sept ans que dure cette pénible intrigue), nous nous trouvons encore une fois dans les jardins de Versailles.
Dufresny, dans le prologue de son Négligent, introduit un poëte qui, moyennant trente pistoles, conduit une intrigue amoureuse.
XXVI : « Tandis que Mme de la Vallière et Mme de Montespan se disputaient encore la première place dans le cœur du roi, toute la cour était occupée d’intrigues d’amour : Louvois même était sensible, etc. » 646.
Un des grands secrets de l’art, qu’il a emporté presque tout entier avec lui, c’est d’intéresser le spectateur aux jeunes filles sur le mariage desquelles l’intrigue de sa comédie est fondée ; c’est ce que Regnard, Dancourt et beaucoup d’autres n’ont jamais fait ; leurs amoureuses sont des coquettes commencées ou achevées ; Quoi de plus aimable et de plus vertueux que les amoureuses de Molière ? […] Cette comédie était composée depuis longtemps : deux fois l’auteur avait voulu la produire devant le parterre ; deux fois les bigots s’étaient ameutés en fureur, et, par leurs cris, leurs menaces et leurs intrigues, avaient forcé les comédiens à la retirer ; le président Lamoignon lui-même, trompé sur les intentions de l’auteur, prêta l’appui de son autorité à ces cabales remuantes.
D’ailleurs, les intrigues de la Cour ne sont plus du ressort de la comédie, pour peu qu’elles deviennent graves & mystérieuses.
Vous allez entendre ce singulier chef-d’œuvre marqué au coin d’une simplicité si excessive vous allez entrer, dans cette intrigue qui vit toute seule, dans cette action où certes l’intérêt ne languit jamais, mais où vous chercheriez en vain l’ombre de ce qu’on appelle une péripétie.
Point de cabale en eux, point d’intrigues à suivre : On les voit, pour tous soins, se mêler de bien vivre.
Voir la Fameuse comédienne ou Intrigues de Molière et de sa femme, p. 39 ; Mémoires de Grimarest, 31 F.