C’est le sort de toutes les maisons ouvertes par des personnages distingués, de recevoir parmi les gens de mérite, des esprits subalternes, mais obséquieux.
Après la brillante Célimène vient, un peu plus tard, dans Le Tartuffe, le personnage d’Elmire, qui nous montre une fois de plus toute l’adresse de Molière à traiter les situations les plus difficiles. […] On a adressé au personnage de Dorine cette critique que tout en elle, ses manières, son langage, sa parure même, sont beaucoup trop au-dessus de sa position.
Le Religieux comprit d’abord, par le portrait du personnage, que c’étoit son ami dont il s’agissoit. […] Ce que Sganarelle & Ariste répetent presque d’après Déméa & Micio, ne va-t-il pas aussi bien à leur caractere qu’à celui des personnages latins ?
Tel est ce petit drame, un drame tout fait, et d’une simplicité si grande, que Shakespeare ne s’est pas contenté des personnages indiqués par Boccace. […] et comme l’une et l’autre elles se sacrifiaient, sans tant marchander, à l’odieux du personnage qu’elles représentent ! […] Par l’esclavage, ou, ce qui revient au même, par le vice, vous pouvez rattacher les personnages de la comédie grecque ou latine aux personnages de la comédie moderne. […] Derville est un grossier personnage quand il propose à sa femme de la mener à la campagne, et quand il sort tout seul, à cheval, avec son domestique, l’instant d’après. […] D’ailleurs c’est le personnage le plus rempli de lui-même.
Quel brutal, quel grossier personnage que ce Gorgibus, reprochant aux « précieuses ridicules », sa fille et sa nièce, leur parure et leurs caprices ! […] Qu’un père eût résolu de mettre sa fille au couvent ou de la marier à quelque déplaisant personnage, elle devait subir sa volonté sans révolte et plus tard ne demander qu’à la religion l’oubli de ses chagrins. […] Ils entourent le personnage vicieux ou ridicule que Molière les charge de conseiller ou de juger ; ils le connaissent à merveille, depuis longtemps.
Remarquons seulement que si le personnage à caractere doit, dans le courant de l’action, se peindre précisément tel qu’il est annoncé, il ne doit pas se démentir en terminant cette même action.
D’ailleurs notre Poëte faisant jouer le rôle de faux Médecin à un premier personnage, ne pouvoit mettre dans sa bouche un verbiage ridicule qui auroit affadi le plaisant de l’idée. […] Je pense, ma foi, que vous êtes fou de les interrompre : ne voyez-vous pas bien que tout cela est de leur personnage ?
Essayons de démêler son jugement au milieu de toutes les paroles qu’il met dans la bouche de ses personnages, et de découvrir si c’est toujours suivant les règles de la morale qu’il nous touche ou qu’il nous fait rire. […] Donc le don Juan de Molière n’est point le personnage traditionnel et convenu des Espagnols : il est vivant ; et c’est peut-être pour l’être trop qu’il fut si peu représenté du temps de l’auteur, et subit ensuite si rigoureusement les coups de ciseaux de la censure : les grands seigneurs ne voulurent pas plus de don Juan que les faux dévots de Tartuffe 37.
Un jeune Seigneur de Paroisse aime la fille de la Concierge de son château : il craint de ne pas lui plaire ; & pour éprouver son cœur, il feint de vouloir l’unir à un homme fort riche : c’est son valet qu’il charge de ce personnage.
C’est que Molière était tout à la fois auteur et comédien ; c’est qu’il mettait en scène son idée ; c’est qu’il créait deux fois ses personnages, une fois dans son imagination et une fois devant la rampe, devant les immortelles chandelles de cet autre Roi-Soleil, car on finira par dire le Siècle de Molière, comme on dit déjà le Siècle de Voltaire. […] Je ne vis jamais tant de bonté, tant de franchise et tant d’honnêteté que parmi ces gens-là, bien dignes de représenter réellement dans le monde les personnages des princes qu’ils représentent tous les jours sur le théâtre. […] pour moi je m’acquitterai fort mal de mon personnage, et je ne sais pas pourquoi vous m’avez donné ce rôle de façonnière. […] Molière, qui était témoin de sa sœur, ne vit-il pas là dans ces deux personnages, qui n’étaient que de simples bourgeois gentilshommes, un des tableaux de sa fameuse comédie ? […] Il y a aussi Philipotte, qu’on trouve dans le registre de La Thorillière, avec cette mention : « À Philipotte, une livre dix sols » pour avoir figuré le personnage muet d’une servante de Mme Pernelle.
Le public ne s’intéresse à la peine, au plaisir d’un personnage, & à ses diverses situations, qu’autant qu’il se persuade voir le héros véritable d’une action réelle.
Il y a sur l’histoire de Grisélidis un Roman, des Contes, & plusieurs Tragi-comédies, sur-tout un Mystere composé vers la fin du quinzieme siecle ; il est intitulé le Mystere de Grisélidis, Marquise de Saluces, à 35 personnages.
Une des Femmes de la Piece de Terence qui devroit faire le personnage le plus interessant, ne paroît sur le Théatre que pour accoucher.
Ce contre-sens et ce mensonge sont poussés à l’extrême dans les personnages qui sont les seuls vrais représentants de la famille chez Molière : les domestiques704. […] Molière y alla sans marchander ; il mit sur la scène un gueux plus noble de cœur qu’un gentilhomme716 ; il bafoua les bourgeois qui croient que c’est une belle chose de devenir gentilhomme ; les Arnolphe qui se donnent le nom de Monsieur de la Souche ; les Gros-Pierre qui s’appellent pompeusement Monsieur de l’Isle 717 ; les George Dandin qui, par un allongement, reçoivent le titre de Monsieur de la Dandinière 718 ; on n’oubliera jamais l’illustre maison de Sotenville, dans laquelle « Bertrand de Sotenville fut si considéré en son temps que d’avoir permission de vendre tout son bien pour le voyage d’outre-mer719, » ni celle de la Prudoterie « où le ventre anoblit720 ; » on rira éternellement des manies de dignité et de vanité qui constituent toute la noblesse des Pourceaugnac et des Escarbagnas ; enfin le type du marquis, produit par Molière et prodigué dans toutes ses pièces, est resté et restera comme l’un des meilleurs personnages du théâtre comique.
Ceci est une injure contre les précieuses dans l’intention du personnage ; mais elle porte à faux, parce que ce n’est pas le défaut d’une précieuse d’être ingénue.
Si les Auteurs doivent faire parler leurs personnages décemment, il est une décence qu’ils sont obligés d’observer eux-mêmes en critiquant les mœurs, les vices ou les ridicules de quelqu’un qui tient à un Corps respectable. […] Le héros des personnages mistifiés croyoit sans doute que tout le monde devoit regarder les mistifications du même œil.