Le famélique Dassoucy conte gaiement dans ses Aventures comment il vécut, bien nourri, gros et gras, avec les Béjart et Molière : Qu’en cette douce compagnie Que je repaissais d’harmonie Au milieu de sept ou huit plats, Exempt de soin et d’embarras, Je passais doucement la vie ! […] À tout cela Pourceaugnac oppose une douce résignation. […] C’est une grâce singulière Qui brille en ce jeu doux et fin, C’est un esprit… c’est vous enfin. […] Bref, pour résumer cette physionomie morale de Molière, je doute qu’on rencontre un être meilleur, plus grave, plus ferme et plus doux à la fois. […] comme il a su quitter lestement son allure rampante et douce !
Où trouver plus de pathétique que dans ces plaintes sur les rigueurs de la mort : Défendez-vous par la grandeur, Alléguez la beauté, la vertu, la jeunesse ; La mort ravit tout sans pudeur : Un jour le monde entier accroîtra sa richesse ; plus de sensibilité et de douce mélancolie que dans ce passage où respire l’âme de Virgile, avec le souvenir de ses vers les plus émus : Solitude où je trouve une douceur secrète, Lieux que j’aimai toujours, ne pourrai-je jamais, Loin du monde et du bruit, goûter l’ombre et le frais ?
Dimanche 768, sait passer tout à coup à l’expression la plus pure de la foi chrétienne et aux élans les plus ardents de l’amour divin, sans que cet incroyable mélange choque le spectateur, qui ne s’aperçoit même pas de ces contrastes audacieux, tant est immense et douce la puissance du génie.
Bien avant, Chappuzeau l’avait montré « d’une conversation si douce et si aisée, que les premiers de la cour et de la ville étaient ravis de l’entendre. » De fait, celui qui, dans le Misanthrope, définit l’amitié avec une conviction si sérieuse et si ferme, eut beaucoup d’amis, et qui comptent parmi les personnes les plus illustres, ou les plus dignes d’estime de son temps. […] Rousseau, il y voit « trop ouvertement le dessein de déshonorer Molière, » et il oppose à Grimarest l’autorité de Mlle Poisson, d’après laquelle Molière était « complaisant et doux. » Grimarest n’avait pas d’aussi noirs desseins ; tout son livre témoigne, au contraire, d’intentions excellentes ; mais sa plume est lourde, l’art des nuances lui manque ; il peut dire vrai pour le fond des choses et ne pas bien choisir ses mots.
Rousseau n’avait pu venger le sauvage Alceste des prétendus outrages que Molière avait faits à la vertu dans sa personne, sans lui immoler l’homme du monde, le sage et doux Philinte : il avait proposé ses idées pour une nouvelle comédie du Misanthrope, mais en avertissant qu’il serait impossible qu’elle réussît.
Mais, Philis, une pensée Vient troubler ce doux transport, Un rival, un rival...
On voit de même un souvenir de la traduction du jeune Poquelin dans le passage du quatrième livre sur l’aveuglement de l’amour, qu’on retrouve sur les lèvres de la douce Éliante, scène cinquième du deuxième acte du Misanthrope. […] On dit que le meilleur frère est las, au bout d’un mois, de donner à manger à son frère ; mais ceux-ci, plus généreux que tous les frères qu’on puisse avoir, ne se lassèrent point de me voir à leur table tout un hiver ; et je peux dire Qu’en cette douce compagnie Que je repaissais d’harmonie, Au milieu de sept ou huit plats, Exempt de soin et d’embarras, Je passais doucement la vie. […] Les doux beautés qui devaient disputer d’éclat avec Mlle Le Baron étaient Mlles Debrie et Duparc, dont on attendait l’arrivée. […] Il cherche, pour les mettre en face l’un de l’autre dans des rôles hostiles, ceux qui précisément ne s’aiment point ; et il tâche d’obtenir une semblable harmonie lorsqu’il s’agit d’exprimer des sentiments plus doux. […] Ce qui fait que je vous souhaite encore davantage ici, c’est que, dans cette douce révolution de l’année, après le plus terrible hiver que la France ait depuis longtemps senti, les beaux jours se goûtent mieux que jamais.
À voir Molière s’attacher obstinément à cette philosophie de la nature, il y a quelque chose d’autant plus surprenant que, comme on le sait assez, la vie n’a pas toujours été douce pour lui, et que, dans ses dernières années, ni les ennuis, ni les humiliations, ni les chagrins aussi de toute sorte ne lui ont manqué. […] Ecoutez l’Angélique de George Dandin : « Je veux jouir, s’il vous plaît, des quelques beaux jours que m’offre la jeunesse, et prendre les douces libertés que l’âge me permet ».
D’autre part, on pourrait lui reprocher d’avoir abaissé « la fille suivante » au rang de simple femme de chambre, et d’avoir rendu par un mot injurieux le doux nom de « ma mie » qu’Orgon lui donne avant de se mettre en colère. […] Dans un papier roulé, Le doux sonnet, bien musqué, bien moulé. […] Aux fêtes de Versailles, parmi tous les bonheurs dont on félicitait la Maison royale, se sous-entendait un bonheur plus doux, plus intime, un espoir à peu près annoncé par le Roi, la naissance prochaine d’un second enfant de France. […] Il suffit de citer la douzième entrée du Ballet des Vrais Moyens de parvenir, dans laquelle sont mis en scène les gens de Cour, pour démontrer aux plus incrédules, que Molière s’est révélé tout entier dans cet excellent morceau de poésie satyrique : Fréquenter un palais, rouler dans une Cour, Repaître son esprit de belles espérances, Rechercher des premiers rapproche des puissances, Bien souvent à midi demander s’il est jour, Du matin jusqu’au soir faire le pied de grue, En tous temps, en tous lieux, avoir la tête nue ; Ce métier est charmant à qui l’a bien goûté, Aux esprits les plus forts il donne de l’envie, Et l’on peut appeler une si douce vie Une éclatante oisiveté.
La Comédie est une représentation naïve et enjouée d’une aventure agréable entre des personnes communes ; à quoi tout auteur honnête homme doit ajouter la douce satire pour la correction des mœurs.
Elle est surtout dans les joies, dans les soucis, et jusque dans les tristesses du foyer domestique ; dans ce drame long, monotone et doux de la vie de famille ; dans le retour régulier de ce qu’attend une espérance modeste; dans les épisodes gracieux, sombres eu touchants que la Providence entremêle à l’épopée de chacune de nos vies ; dans le souvenir respectueux des vertus réelles et pratiques des ancêtres; dans l’estime plus que dans la gloire ; dans un amour intime de la terre natale, de tous ses enfants, de tous ses intérêts; dans la vie intérieure du cœur, vaste et profond théâtre où, dans un demi-jour solennel, se meuvent tant d’idées et de sentiments, d’images et de réalités, de souvenirs et d’espérances ; dans la religion enfin, sans laquelle toute poésie est menteuse ou mutilée, et qui, seule, donnant une valeur impérissable à ce qui ne parait pas, en enlève d’autant à tout ce qui parait et qui éclate.
Le Times, c’est la montagne en travail ; elle mugit, elle rugit, elle se démène, elle n’accouche guère, pendant que le journal français va droit son chemin et tient le monde attentif, grâce à l’art d’écrire, qui est aussi répandu à Paris que la musique à Milan, la statuaire à Carrare, les eaux des fontaines à Rome, la neige à Moscou, la fumée à Manchester, le fracas des marteaux à Saint-Étienne, la peinture au Louvre, le bruit aux écoles, la gaieté chez les jeunes, l’avarice au vieillard, la douce odeur des roses naissantes dans les jardins fleuris de l’Été ! […] C’est que, pour suivre jusqu’à la fin ce héros vagabond, Molière a pris tout simplement la plus douce, la plus allante et la plus capricieuse des montures. […] Dona Elvire, en habit de campagne, lui a fait de sombres menaces, la mer a voulu l’engloutir, deux jolies filles de la campagne, deux alouettes au doux plumage qu’il avait prises à la glue, Charlotte et Mathurine, ont échappé à l’ardent amoureux ; il s’en va dans la campagne cherchant l’odeur de la chair fraîche, lorsqu’il fait la rencontre de ce vieillard.
« La femmea d’un des meilleurs comiques que nous ayons eu nous a donné ce portrait de Molière : Il n’était ni trop gras, ni trop maigre, il avait la taille plus grande que petite, le port noble, la jambe belle, il marchait gravement ; avait l’air très sérieux, le nez gros, la bouche grande, les lèvres épaisses, le teint brun, les sourcils noirs, et forts, et les divers mouvements qu’il leur donnait lui rendaient la physionomie extrêmement comique ; à l’égard de son caractère, il était doux, complaisant et généreux ; il aimait fort à haranguer ; et quand il lisait ses pièces aux comédiens, il voulait qu’ils y amenassent leurs enfants, pour tirer des conjectures de leurs mouvements naturels b. […] Mêlons donc leurs douceurs aimables, Mêlons nos voix dans ces lieux agréables, Et faisons répéter aux échos d’alentour, Qu’il n’est rien de plus doux que Bacchus et l’Amour. […] Mais ce qui n’a jamais été vu, est cette harmonie de voix si agréable, cette symphonie d’instruments, cette belle union de différents chœurs, ces douces chansonnettes, ces dialogues si tendres et si amoureux, ces échos, et enfin cette conduite admirable dans toutes les parties, où depuis les premiers récits l’on a vu toujours que la musique s’est augmentée ; et qu’enfin, après avoir commencé par une seule voix, elle a fini par un concert de plus de cent personnes, que l’on a vues toutes à la fois sur un même théâtre joindre ensemble leurs instruments, leurs voix et leurs pas, dans un accord et une cadence qui finit la pièce, en laissant tout le monde dans une admiration qu’on ne peut assez exprimer. » La suite de cette fête de Versailles ne regardant plus le genre du théâtre, nous croyons pouvoir nous dispenser d’en parler.
Le destin, malgré votre courroux, Vous force à consentir à des liens si doux ; Et l’intérêt d’un fils, son honneur & sa flamme, Vous doit, sans balancer, déterminer, Madame.
Dans un amour profond il avait cru trouver Ce pur délassement que l’on aime à rêver Après les grands travaux ; Oasis bien-aimée Où l’âme se retire et repose calmée, Où l’orgueil, que le monde irritait de ses coups, Cède au baume enivrant d’un sentiment plus doux.
Douce et sereine figure, que la mort même ne put troubler : sentant s’affaiblir les battements de son cœur, il posa dessus la main de son ami, et ferma les yeux en lui disant : « Vous voyez ce qu’est la vie de l’homme. » Or, il faut l’avouer, le nouveau disciple, que le père de Chapelle amenait à l’illustre philosophe, se fût difficilement soustrait à son influence.