L’Étourdi est suivi du Dépit amoureux, des Précieuses ridicules, autre ébauche admirable, d’où sortiront les Femmes savantes ; de Sganarelle : quatre comédies d’intrigue, même les Précieuses ridicules, quoique le fond en soit un portrait des mœurs du temps. […] Molière ne nous donne pas seulement le fond de son cœur ; il y fait un choix dans ses illusions et dans ses souffrances ; et il n’en laisse voir que ce qui importe à la vérité, et ce qui est compatible avec la dignité de l’art.
La vérité, c’est qu’au fond Molière s’accommodait malaisément aux théories du romantisme ; celui-ci, on s’en souvient, ne voulait plus ni tragédie ni comédie ; le drame devait remplacer l’une et l’autre. […] Je suivis le barreau pendant cinq ou six mois, Où j’appris à plein fond l’ordonnance et les lois. […] Ces enjolivements sont suspects sans doute ; mais le fond, selon toute apparence, est véritable. […] Ce ne sera pas néanmoins encore si tôt ; et, pour ce voyage, il faudra se contenter de celui qui tapisse la terre et qui, pour vous le dire un peu plus noblement, Jeune et faible, rampe par bas Dans le fond des prés et n’a pas Encor la vigueur et la force De pénétrer la tendre écorce Du saule qui lui tend les bras. […] Oui, dis si tu le veux, Je suis tout prêt, cruelle, à te prouver ma flamme… C’est le fond d’une âme misérable mis à nu.
Au fond de cette cour paroît cette maison Qu’Armide eût pu choisir pour l’heureuse prison Où fussent en repos son Renaud & ses armes, Sans qu’elle eût eu besoin du pouvoir de ses charmes.
Harpagon, dans le fond du théâtre.
Cette dernière destination est bien connue des collectionneurs : il existait à la fin du xviie siècle un fabricant qui se servait spécialement d’affiches de théâtre, les retournant et peignant à la gouache, sur un fond blanc, des feuillages et des fleurs : presque toutes les affiches de 1775 à 1785 qui ont été retrouvées, trahissent la même origine : texte imprimé d’un côté, papier peint de l’autre. […] Une salle, sans sièges ni autres meubles qu’une table recouverte d’un tapis ; à gauche, deux fenêtres ; au fond, un tableau, une porte dont la corniche supporte cinq vases, et surmontée d’un tableau rond. […] Despois fait observer avec raison « que cette petite différence est assez notable, et que tout l’intérêt de la légère intrigue qui fait le fond des Précieuses ridicules, est précisément dans la vengeance que les maîtres rebutés tirent des précieuses31 ». […] Et Clitandre reprendra, avec Trissotin, cet autre et plus complet Lysidas, la défense de cette même Cour, à qui Molière devait tant : « Remarquez bien, lui dira-t-il, Qu’à le bien prendre au fond, elle n’est pas si bête Que, vous autres messieurs, vous vous mettez en tête ; Qu’elle a du sens commun pour se connaître à tout ; Que chez elle on se peut former quelque bon goût ; Et que l’esprit du monde y vaut, sans flatterie, Tout le savoir obscur de la pédanterie. » « Elle a du sens commun ! […] Despois et Mesnard, dans leur excellente édition des Œuvres de notre poète : « Votre sonnet est bon à serrer au fond d’un tiroir, à garder pour vous seul. » Permettez-moi de mettre sous les yeux de vos lecteurs un passage d’un auteur contemporain, qui confirme pleinement cette interprétation.
On ne peut disconvenir que ces deux scenes ne soient tout-à-fait semblables par le fond.
Il y avait presque autant de mérite à réformer l’amour dans l’expression que dans le fond, à l’époque où les madrigaux triomphaient si victorieusement, que Racine faisait dire au fils d’Achille aux pieds de la veuve d’Hector : Brûlé de plus de feux que je n’en allumai483 ; à l’époque où Boileau lui-même, fléchissant sous la poussée du siècle, mettait, dans la glorieuse péroraison de son Art poétique, le Benserade des ruelles à côté du Corneille du Cid et d’Horace 484.
« À ces mots, dit Félibien 633 , l’on vit s’approcher du fond du théâtre un grand rocher couvert d’arbres, sur lequel étoit assise toute la troupe de Bacchus, composée de quarante satyres.
Sur le titre seul, on avait jugé que le fond était trop stérile pour qu’il pût en sortir autre chose qu’un ouvrage languissant et froid, où le défaut d’action entraînerait l’abus du dialogue, et où quelques portraits satiriques tiendraient lieu de caractères. […] Quelquefois, emporté des vapeurs de sa bile, Sans respecter les cieux, sans croire à l’Évangile, Afin de débiter des blasphèmes nouveaux, Du fond de son sommeil il tire Desbarreaux.
] Prenez bien garde qu’on ne blâme ici que l’excès de sa liberté ; car au fond, l’on ne nie pas qu’il ne s’en servit bien souvent d’une maniere très-heureuse, & qui a été utile à notre Langue.
Molière à son exemple renversa l’ancien système, et tirant le Comique du fond des caractères, il mit sur la Scène la morale en action, et devint le plus aimable Précepteur de l’humanité qu’on eût vu depuis Socrate.
Et les amis de la routine ajoutent sur le ton de la plus fine raillerie : Il est vrai qu’avant vous personne n’avait assez de pénétration pour aller jusqu’au fond des choses !
La débauche de ses filles, la persécution de ses gendres, ne le touchent plus ; toutes les intrigues se débrouillent, les ennemis se réconcilient, les deux jumeaux se reconnaissent, la paix et la joie rentrent dans le sein de la famille, le tout par les soins de l’hypocrite, qui emploie toujours un langage mystique, et quelquefois des moyens peu délicats, mais qui au fond rend service à tout le monde, et ne travaille que secondairement pour lui-même. […] Dans la huitième nouvelle de la troisième journée du Décaméron, le premier introduit un abbé qui passe pour un saint dans toute la Toscane, et qui au fond n’est qu’un fieffé libertin.
On a cru que, dans ces sortes de Pièces, chaque Acteur de la Troupe de Molière, en suivant un plan général, tirait le Dialogue de son propre fond, à la manière des Comédiens Italiens ; mais si l’on en juge par deux Pièces du même genre qui sont parvenues jusqu’à nous, elles étaient écrites et dialoguées en entier. […] Le fond du sujet en est tiré d’un ancien Conte ou Fabliau, intitulé : Le Vilain Mire 84, qui était manuscrit à la Bibliothèque du Roi, et qui a été imprimé en 1756. […] Voilà ce qu’ils ont prétendu, en exposant sur le Théâtre et à la risée publique un hypocrite imaginaire, et tournant dans sa personne les choses les plus saintes en ridicule ; en lui faisant blâmer les scandales du siècle d’un manière extravagante ; le représentant consciencieux jusqu’à la délicatesse et au scrupule sur des points moins importants, pendant qu’il se portait d’ailleurs aux crimes les plus énormes ; le montrant sous un visage de Pénitent, qui ne servait qu’à couvrir ses infamies ; et lui donnant selon leurs caprices, un caractère de piété le plus austère ; mais, dans le fond, le plus mercenaire et le plus lâche » Tome II, p. 207-208 La Bruyère, en traçant le caractère du Faux Dévot dans son Chapitre De la Mode, a eu le dessein de critiquer le Tartuffe : nous ne mettrons sous les yeux du Lecteur, que les traits qui frappent ouvertement sur cet ouvrage : « Onuphre119 ne dit point ma haine et ma discipline : au contraire ; il passerait pour ce qu’il est, pour un hypocrite ; et il veut passer pour ce qu’il n’est pas, un homme dévot.
A-t-on plus ou moins de mérite à le traiter, à le mettre en action sur notre scene, à l’assujettir aux regles, aux bienséances du théâtre, à l’accommoder aux usages, aux mœurs de son pays, à faire ressortir du fond même une morale qui soit propre aux hommes de sa nation ?