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10. (1901) Molière moraliste pp. 3-32

Tartuffe est un « faux dévot ». […] Certes, Tartuffe est un faux dévot, il ne parle au nom du ciel que dans son intérêt, mais enfin il parle au nom du ciel, et son langage est celui dont les gens dévots se servent d’ordinaire. […] « S’il suffit de sacrifier les siens pour être éternellement heureux », s’est dit Orgon, « qu’à cela ne tienne. » Et il a négligé sa femme, il a brutalement mis son fils à la porte, il a rudoyé son frère et va sacrifier sa fille… Tels sont les dangers qu’un mauvais directeur fait courir à une famille, et c’est bien le directeur que Molière condamne, celui que le catholicisme prétend substituer au père dans la direction morale de l’épouse et des enfants, et qui, pour être dévot, n’en sera pas moins homme. […] Tout d’abord, Dorine a trouvé cet intrus suspect et ce dévot dangereux. […] Aucune, en tout cas, ne semble aimer davantage la famille dont elle fait partie, et qu’elle tremble de voir dépouillée, désunie par le faux dévot.

11. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVI. » pp. 294-322

Moliere opposa ses protections au crédit des faux dévots, & son chef-d’œuvre reparut enfin sans interruption le 5 Février 166934. […]   Dans le Tartufe, Orgon, parmi les raisons qui l’ont engagé à retirer chez lui son dévot personnage, rapporte celle-ci. […] Helene s’habilla en dévote, & emprisonna ses cheveux dans une coeffure de vieille ; & Mendez, vêtue en béate, fit gloire d’en faire voir de blancs, & de se charger d’un gros chapelet, dont les grains pouvoient, en un besoin, servir à charger des fauconneaux. […] Il crioit, d’une voix à fendre les pierres, Béni soit le Saint Sacrement de l’Autel, & la bienheureuse Conception de la Vierge immaculée, & plusieurs autres dévotes exclamations de la même force. […] Damis a surpris Tartufe faisant sa déclaration amoureuse à Elmire : il entreprend de démasquer le faux dévot aux yeux de son pere, comme le Gentilhomme de Madrid a voulu démasquer son hypocrite devant les habitants de Séville.

12. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE XI. De la Religion. Principe et Sanction de la Morale de Molière. » pp. 217-240

Ces scènes ne sont point d’origine espagnole : elles ont un autre caractère que celles du don Juan original, parce qu’au lieu d’être là par convenance pour satisfaire un public dévot, elles y sont par intention pour émouvoir un public hypocrite ou sceptique. […] Pour trouver des expressions qui en fassent sentir la haute moralité, on ne peut que citer Molière lui-même, quand il fut obligé d’implorer la puissance royale pour obtenir le droit de dire tout haut qu’un hypocrite est un scélérat et qu’un tartuffe est un sacrilège : J’ai mis tout l’art et tous les soins qu’il m’a été possible pour bien distinguer le personnage de l’hypocrite d’avec celui du vrai dévot ; j’ai employé pour cela deux actes entiers à préparer la venue de mon scélérat ; il ne tient pas un seul moment l’auditeur en balance ; on le connaît d’abord aux marques que je lui donne ; et d’un bout à l’autre il ne dit pas un mot, il ne fait pas une action qui ne peigne aux spectateurs le caractère d’un méchant homme, et ne fasse éclater celui du véritable homme de bien que je lui oppose772. […] Qu’on se rappelle son indulgence, son dévouement, sa charité, ses belles paroles sur la vraie piété789 ; et l’on dira que voilà le vrai chrétien, qu’il serait à souhaiter que tout le monde fût chrétien comme lui ; et l’on pensera avec lui Que les dévots de cœur sont aisés à connoître… : Ce ne sont point du tout fanfarons de vertu : On ne voit point en eux ce faste insupportable, Et leur dévotion est humaine, traitable : Ils ne censurent point toutes nos actions ; Ils trouvent trop d’orgueil dans ces corrections ; Et, laissant la fierté des paroles aux autres, C’est par leurs actions qu’ils reprennent les nôtres. […] Et vraiment, on ne voit nul genre de héros Qui soient plus à priser que les parfaits dévots, Aucune chose au monde et plus noble et plus belle Que la sainte ferveur d’un véritable zèle. […] Molière a voulu faire de Cléante le type du vrai chrétien, ayant de la religion et non de la religiosité : il le dit dans sa Préface, où il appelle Cléante « véritable homme de bien » et « vrai dévot ; » il lui donne, non-seulement les paroles d’un vrai chrétien :   N’est-il pas d’un chrétien de pardonner l’offense ?

13. (1900) Molière pp. -283

Puisque j’ai prononcé ce mot de « dévots », je tiens à le définir. […] Pour bien élucider ma pensée, je veux définir ce mot : j’y comprends non seulement les faux dévots et les hypocrites, non seulement les dévots désintéressés, mais peu éclairés, non seulement les dévots éclairés mais peu désintéressés, mais tout ce qui, étant éclairé et désintéressé dans sa dévotion, fait coterie, cabale ou ligue. […] Molière jugea que s’il se moquait de ces dévots outrés, Louis XIV, dans la situation où il était, ne l’empêcherait pas d’agir. […] Personne ne vit au-delà, excepté les dévots, qui le lendemain s’agitèrent. […] Il se vengeait encore une fois de la cabale des dévots ; aussi celle-ci ne tarda-t-elle pas à faire mettre la pièce à l’index.

14. (1885) Études sur la vie et les œuvres de Molière pp. -461

Elle venait des faux dévots, et les bons n’y étaient pour rien. […] Les dévots, en 1663, l’avaient attaqué à propos de L’École des Femmes. […] Qu’ont donc gagné les faux dévots, dans leur croisade impie contre le chef-d’œuvre ? […] Avec le Tartuffe, il avait généralisé l’attaque, et, sans acception de secte, il avait frappé dans la masse des dévots. […] Molière comprit cette seconde exigence, et il fut convenu que le faux dévot s’appellerait Panulfe.

15. (1847) Le Don Juan de Molière au Théâtre-Français (Revue des deux mondes) pp. 557-567

On ne peut se faire une idée de la fureur du parti dévot, quand il vit s’élever contre lui sur la scène un nouvel adversaire, non moins habile et non moins redoutable que n’avait été Pascal. […] Il s’agissait surtout « d’adoucir certains passages qui avoient blessé les scrupuleux. » A vrai dire, en effet, le remaniement qu’il entreprit, et qu’il fit porter autant sur le fond que sur la forme, était une sorte de traité de paix, un compromis, un armistice entre Don Juan et la faction dévote. […] le parti dévot ?

16. (1775) Anecdotes dramatiques [extraits sur Molière]

Les Faux dévots profitèrent de cette défense pour soulever Paris et la Cour contre la Pièce et contre l’Auteur. […] Les vrais dévots étaient même alarmés, quoique l’ouvrage ne fût guère connu ni des uns ni des autres. […] Un de ces Dévots, qui savait un peu l’Italien, à ce mot de Truffes, sembla, pour les considérer, sortir tout-à-coup du dévot silence qu’il gardait ; et choisissant saintement les plus belles, il s’écriait d’un air riant : Tartufoli, Signor runtio, Tartufoli. […] Le Dévot s’y prit d’une autre façon ; il dit qu’il avait employé son dépôt en œuvres pies, et qu’il avait préféré le salut de l’âme de Gourville à un argent qui sûrement l’aurait damné ». […] Onuphre (La Bruyère, 1688, Caractères) : représente le type du faux dévot, « De la mode ».

17. (1686) MDXX. M. de Molière (Jugements des savants) « M. DXX. M. DE MOLIÈRE » pp. 110-125

Ta Muse en jouant l’Hypocrite A redressé les faux Dévots. […] La galanterie n’est pas la seule science qu’on apprend à l’école de Molière, on apprend aussi les maximes les plus ordinaires du libertinage, contre les veritables sentiments de la religion, quoi qu’en veuillent dire les ennemis de la bigoterie, et nous pouvons assurer que son Tartuffe est une des moins dangereuses pour nous mener à l’irréligion, dont les semences sont répandues d’une manière si fine et si cachée dans la plupart de ses autres pièces, qu’on peut assurer qu’il est infiniment plus difficile de s’en défendre que de celle où il joue pêle et mêle bigots et dévots le masque levé.

18. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [18, p. 48] »

Les dévotes jetèrent les hauts cris, et le parlement défendit de jouer cette comédie.

19. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [49, p. 81-82] »

« Tant de fiel entre-t-il dans l’âme des dévots ? 

20. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE II. La Débauche, l’Avarice et l’Imposture ; le Suicide et le Duel. » pp. 21-41

En effet, nous n’y voyons pas seulement le type traditionnel du débauché impie, qui eut une si heureuse fortune parmi les dévots spectateurs de l’autre côté des Pyrénées. […] Donc le don Juan de Molière n’est point le personnage traditionnel et convenu des Espagnols : il est vivant ; et c’est peut-être pour l’être trop qu’il fut si peu représenté du temps de l’auteur, et subit ensuite si rigoureusement les coups de ciseaux de la censure : les grands seigneurs ne voulurent pas plus de don Juan que les faux dévots de Tartuffe 37. […] « Pour le faux dévot, Molière en a peur, il en a horreur du moins. » D.

21. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [78, p. 118-119] »

1775, Anecdotes dramatiques, tome II, p. 203 On a longtemps ignoré où Molière avait puisé le nom de Tartuffe, qui a fait un synonyme de plus dans notre langue, aux mots hypocrite, faux dévot, etc.

22. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XLIII. Du But Moral. Philosophie de Regnard comparée à celle de Moliere. » pp. 504-548

Le Clerc du Rapporteur soustraira des pieces, ou le Rapporteur même ne dira pas ce qu’il a vu ; & quand, par les plus grandes précautions du monde, vous aurez paré tout cela, vous serez ébahi que vos Juges auront été sollicités contre vous, ou par des gens dévots, ou par des femmes qu’ils aimeront. […] De tous vos façonniers on n’est point les esclaves : Il est de faux dévots, ainsi que de faux braves ; Et comme on ne voit point qu’ou l’honneur les conduit, Les vrais braves soient ceux qui font beaucoup de bruit ; Les bons & vrais dévots qu’on doit suivre à la trace, Ne sont pas ceux aussi qui font tant de grimace. […] Je sais, pour toute ma science, Du faux avec le vrai faire la différence ; Et, comme je ne vois nul genre de héros Qui soit plus à priser que les parfaits dévots, Aucune chose au monde & plus noble & plus belle Que la sainte ferveur d’un véritable zele ; Aussi ne vois-je rien qui soit plus odieux Que le dehors plâtré d’un zele spécieux, Que ces francs charlatans, que ces dévots de place, De qui la sacrilege & trompeuse grimace Abuse impunément & se joue à son gré De ce qu’ont les mortels de plus saint & sacré.

23. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [93, p. 136-138] »

Juan, dans laquelle Molière avait peint, avec trop d’énergie peut-être, la scélératesse raisonnée de son héros, éleva les clameurs des hypocrites et des faux dévots.

24. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIII » pp. 109-125

« Madame d’Albret, dit-elle, eut le secret de s’attacher madame Scarron, que le maréchal avait connue chez son mari. » La maréchale d’Albret était une excellente personne de peu d’esprit, très dévote ; mais sa bonté jointe aux dignités du maréchal, à sa passion pour le bel esprit, au grand état de sa maison, y attirait la meilleure compagnie. […] Elle devint dévote.

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