Dalila profite du sommeil de son amant pour faire l’épreuve de sa sincérité, & lui coupe les cheveux.
— Mais, en partant de ce principe, Melpomene pourra nous représenter ses héros dans l’alcove de leur maîtresse une minute avant de livrer bataille, & Thalie nous conduisant jusques dans le boudoir de Laïs, nous la fera voir entre son amant & son canapé.
Mais, en soi, la pièce est très immorale ; car c’est une pièce où l’amant ne trompe pas seulement le mari, mais trompe aussi la femme et exploite, pour tromper la femme, l’amour même de la femme pour son mari. […] Elle veut tout au moins qu’on soit sexagénaire ; et il n’y a pas quatre mois encore, qu’étant prête d’être mariée, elle rompit tout net le mariage sur ce que son amant fit voir qu’il n’avait que cinquante-six ans, et qu’il ne prit point de lunettes pour signer le contrat. […] Le manège de la coquetterie exige un discernement encore plus fin que celui de la politesse ; car pourvu qu’une femme polie le soit envers tout le monde, elle a toujours assez bien fait ; mais la coquette perdrait bientôt son empire par cette uniformité maladroite ; à force de vouloir obliger tous ses amants, elle les rebuterait tous. […] Il faut donc qu’une femme qui veut conserver plusieurs amants persuade à chacun d’eux qu’elle le préfère et qu’elle le lui persuade sous les yeux de tous les autres, à qui elle en persuade autant sous les siens. […] Non ; par une farce jouée aux précieuses par leurs amants dédaignés.
Dans presque toutes ses meilleures comédies, on voit de jeunes amants sacrifiés par leurs parents, et sur le point d’être arrachés pour toujours à ce qu’ils aiment ; par la peinture de leur amour, des maux, des tourments qu’ils éprouvent, de ceux qu’ils se causent d’eux-mêmes, de leurs légères brouilleries et de leurs raccommodements, le cœur du spectateur est satisfait, en même temps que son esprit s’instruit et se forme.
Mithridate présenta aussi le spectacle d’un amant suranné qui a recours à des ruses avilissantes et inutiles, pour connaître le fond du cœur de la femme qu’il aime.
Nous l’entendrons blâmer, mais blâmer en homme qui les comprend, les inévitables excès de la réaction romantique, les diables, les sorciers, les vampires, et surtout ces pauvres petits poètes souffrants et pâles, cette poésie de lazaret, sans cœur, sans forte nourriture intellectuelle, Ces amants de la nuit, des lacs, des cascatelles, Cette engeance sans nom qui ne peut faire un pas, Sans s’inonder de vers, de pleurs et d’agendas397. […] C’est un tableau froidement ironique, où Jupiter n’est pas plus ménagé qu’Amphitryon, et qui même nous intéresse à l’amant un peu moins encore qu’au mari. […] Sévère à ses amants, comme on disait à l’hôtel de Rambouillet, l’inflexible Julie avait contraint Montausier à soupirer pour elle durant treize ans entiers ; elle sentait pour le mariage une insurmontable répugnance, et quand elle céda, ce fut de guerre lasse, comme Armande444, « pour ne point fâcher sa mère445 ».
Cet effet naturel des passions est signalé en ces termes dans cette comédie, alors que Done Elvire se plaint de la jalousie de Don Garcie : « Voir un prince emporté qui perd à tous moments le respect que l’amour inspire aux vrais amants ; qui, dans les soins jaloux où son âme se noie, querelle également mon chagrin et ma joie, et dans tous mes regards ne peut rien remarquer qu’en faveur d’un rival il ne veuille expliquer. » Mais les facultés intellectuelles ne se bornent pas alors à interpréter faussement les faits, à créer ainsi des idées chimériques, délirantes ; elles prêtent également tout leur concours à la satisfaction de la passion. […] Sans retenue et sans honte, elle dévoile à son amant la conduite odieuse qu’elle se propose de tenir à l’égard de Sganarelle après qu’elle l’aura épousé, considérant cette conduite comme tout à fait naturelle, parla raison qu’elle n’en sent pas l’immoralité. « Ce mariage (dit-elle à Lycaste son amant) ne doit point vous inquiéter ; c’est un homme que je n’épouse point par amour, et sa seule richesse me fait résoudre à l’accepter. […] Mais il n’en est pas moins vrai que les maris qui croient laver leur honneur dans le sang de leur femme et de son amant ne les sacrifient que pour satisfaire l’égoïsme qui les domine et qui les aveugle en ce moment.
La jalousie reveilla dans son ame la tendresse que l’étude avoit assoupie ; il courut aussi tôt faire de grandes plaintes à sa femme, en lui reprochant les grands soins avec lesquels il l’avoit élevée ; la passion qu’il avoit étouffée ; ses manieres d’agir, qui avoient été plûtot d’un amant que d’un mary ; & que pour recompense de tant de bontez, elle le rendoit la risée de toute la Cour.
Il lui rappelle encore une fois les obligations qu’elle lui a : c’est assez la coutume des amants malheureux.
On voit que le comique de la piece est plus amené par l’adresse de l’amant, que par son caractere magnifique.
Si Armande prenait garde à la voix, à la pantomime de l’amant qui se dit affranchi de sa première affection, elle ne s’emporterait pas contre sa sœur.
Et ce que j’ai dit bien des fois, elle lui fait connaître un pays tout nouveau, je veux dire le commerce de l’amitié et de la conversation sans chicane et sans contrainte ; il en paraît charmé. » Certes, elle devait être d’un grand charme cette amitié qui, dans madame de Maintenon, était de l’amour retenu par la raison, la justice, l’honneur, la bienséance ; cette amitié, où les sens entraient pour quelque chose, mais soumis à de plus hautes et plus puissantes sympathies, celles de l’âme et de l’intelligence, à de plus nobles besoins, ceux de la considération et du respect de soi-même ; cette amitié passionnée que l’honneur forçait à résister au plus doux penchant, qui ne souffrait pas moins de sa résistance que l’ami à qui elle était opposée ; cette tendresse qui avait autant besoin d’être consolée de ses refus que celui qui les essuyait et dont la souffrance parvenait à obtenir des encouragements de l’amant voluptueux et contrarié.
Molière a fait un autre changement à la fin du second acte ; il en a supprimé la dernière scène ; Dorine, restée seule après la réconciliation des jeunes amants, était abordée par Elmire, Cléante et Damis ; ils concertaient les moyens de rompre le mariage entre Panulphe et Marianne, et décidaient que le seul moyen de l’empêcher était d’en faire parler à l’hypocrite par Elmire, parce qu’ils commençaient à soupçonner qu’il ne la haïssait pas. […] Ces trois personnages affectent la piété la plus fervente ; ils assistent régulièrement à tous les offices, vont visiter les prisons, les hôpitaux ; enfin, à force de grimaces, ils sont bientôt dans une véritable odeur de sainteté ; les plus grandes familles s’estiment heureuses de les posséder un moment, et le peuple se précipite partout sur leurs pas : mais un gentilhomme, qui a été jadis l’amant d’une des deux pèlerines, et qui connaît Montufar pour un vrai chevalier d’industrie, arrive un beau jour à Séville, et il reconnaît à la porte d’une église ce misérable dont une multitude imbécile et fanatique baisait dévotement les habits.
En outre, lorsqu’Elvire paraît dans la pièce, le mal a été fait ; la faute est passée, et elle ne demande qu’à la réparer ; enfin, désabusée sur son amant, elle s’est jetée de nouveau entre les bras de Dieu pour expier son péché ; et elle ne reparaît devant don Juan que pour essayer de le ramener au bien et à la vertu : elle ne pense plus qu’au salut pour elle-même et pour lui. […] On retrouve encore dans Le Demi-Monde la scène de la jalousie ; de part et d’autre, c’est une lettre compromettante qui met aux prises les deux amants ; de part et d’autre, l’héroïne se joue du héros : d’un côté, en n’avouant rien ; de l’autre, en avouant tout.
On y voit un amant déguisé en valet, un fils prodigue épris de la prétendue de son père, un cocher qui est aussi cuisinier, une femme d’intrigues, un homme qui prête sur gages, un homme qui a de l’argent caché, un vieil avare amoureux et, pour couronner tout, une reconnaissance. […] Les personnages sensés de la pièce, le maître de la maison et son frère, la fille et son amant, et jusqu’à une servante qui ne sait pas le français, tous cherchent à se faire honneur de ce qu’ils ne sont pas, de ce qu’ils n’ont pas et de ce qu’ils ne savent pas, comme de tout ce qu’ils cherchent à ne pas être, à ne pas avoir et à ne pas savoir.