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109. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

On ne peut pas dire, pour expliquer cette conformité de sentiments, que madame de Staël fut de deux cents ans en arrière de son siècle, ni madame de Rambouillet de deux cents ans en avant du sien ; elles étaient toutes deux de leur temps, de leur sexe, et toutes deux plus sensibles aux plaisirs de l’âme et de l’esprit qu’à tout autre.

110. (1914) En lisant Molière : l’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Le Misanthrope est une de ces pièces qui doivent être imposées à la foule par l’admiration continue des connaisseurs pendant un siècle. […] La supériorité de Molière en fait d’idées, c’est d’avoir très sûrement démêlé celles de son public qui devaient très probablement être celles du public de tous les temps ou du public, au moins, de quelques siècles après lui. […] Voltaire : « Il a été le législateur des bienséances de son siècle ». […] Je vois bien que vous voulez dire que la Cour ne se connaît pas à ces choses ; et c’est le refuge ordinaire de vous autres, Messieurs les auteurs, dans le mauvais succès de vos ouvrages, que d’accuser l’injustice du siècle et le peu de lumière des courtisans. […] Le Bourgeois gentilhomme est une variété de cette comédie des professions que réclamait Diderot un siècle plus tard.

111. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIII » pp. 109-125

L’entrée à l’hôtel Rambouillet de cette femme charmante, dont l’esprit et la grâce n’ont pas vieilli depuis deux siècles, dont la vertu a été aussi souvent citée que sa grâce et son esprit, n’est pas moins un hommage à la pureté de principes et de goût de la marquise de Rambouillet, que ne l’ont été la noble sagesse et l’austère vérité de Montausier, quand il s’y est établi.

112. (1802) Études sur Molière pp. -355

Relisez la pièce, hommes superficiels, et vous verrez que jamais comédie ne donna plus de leçons utiles ; il y en a pour tous les sexes, pour tous les états : et dans ce siècle même, nous n’avons qu’à mettre les adresses. […] À vous, merveilleux de tous les siècles, qui rendez les conversations si pitoyables en y prodiguant les turlupinades, les mauvaises plaisanteries, les insipides calembours. […] nous aurons à te louer bien davantage, lorsque tu auras réduit au silence le Héros des ruelles, le dispensateur des petites réputations, l’ennemi de tous les écrivains illustres de son siècle, M.  […] Convenez, va-t-on me dire, qu’une pareille moralité est devenue inutile dans un siècle philosophique. […] Pour cette fois, aucun ordre n’avait forcé Molière à gâter son ouvrage ; mais les conquêtes de Louis XIV en Hollande animant tous les poètes, Molière voulut offrir un grain d’encens à son protecteur ; il eût bien mieux contribué à la gloire de son prince et de son siècle, en consacrant à quelques pièces de plus le temps qu’il perdait à faire des madrigaux lyriques et louangeurs.

113. (1821) Sur le mariage de Molière et sur Esprit de Raimond de Mormoiron, comte de Modène pp. 131-151

Les mœurs de ce temps-là n’avaient pas à beaucoup près la décence qu’elles acquirent sous le beau siècle de Louis XIV.

114. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre V. Le théâtre des Gelosi (suite) » pp. 81-102

Son mari, Francesco Andreini, fit graver sur sa tombe une épitaphe qu’on voyait encore à la fin du dernier siècle, et qui se terminait ainsi : « … Religiosa, pia, musis amica, et artis scenicæ caput, hic resurrectionem exspectat.

115. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIII » pp. 378-393

Bossuet lui avait souvent parlé là-dessus avec une liberté digne des premiers siècles et des premiers évêques de l’église ; il avait interrompu le cours de ses liaisons plus d’une fois ; il avait osé poursuivre le roi qui lui avait échappé.

116. (1852) Légendes françaises : Molière pp. 6-180

Mais, depuis trois siècles, la France l’a trop de fois affligé... Le XVIè siècle (Rabelais) le voue au ridicule, le XVIIIe (Voltaire) lui arrache ses dernières victimes... […] J’ai raconté sans observations, sans réflexions, la vie domestique de Molière, ses troubles et ses souffrances ; mais de quelle manière le grand écrivain dramatique fut préparé en lui par les influences lointaines du Théâtre Antique et du Théâtre Espagnol ; comment ce drame national de Tartuffe devait naître au XVIIe siècle dans l’âme de Molière ; comment il mit fin aux ténèbres du moyen-âge ; comment, après Rabelais, il prépara le siècle de Voltaire; comment tous les charlatans s’indignèrent de cette œuvre, voilà ce qu’il eût fallu dire. […] Gassendi semblait, en effet, avoir hérité de l’esprit de libre causerie et de libre recherche qui avait animé les grands esprits du siècle précédent. […] J’aurais pu aussi, comme on l’a déjà fait tant de fois, donner le récit de ses funérailles; mais, après deux siècles de gloire, à quoi bon renouveler cette honte, ô Molière, à ceux qui t’ont refusé la sépulture ?

117. (1845) Œuvres de Molière, avec les notes de tous les commentateurs pp. -129

Ses comédies renferment donc la véritable poétique du genre; c’est là seulement qu’on peut espérer de découvrir quelques-uns des secrets de ce génie qui se fait également sentir dans les jeux de Sganarelle et dans les inspirations du Misanthrope ; c’est là qu’on retrouve le siècle tout entier, la cour et la ville, les vices et les ridicules, les choses et les hommes. […] De l’Espy, qui ne promettait rien que de très médiocre, parut inimitable dans l’Ecole des Maris ; et Béjart le boiteux nous a donné Desfougerais au naturel dans les médecins… Enfin c’est un homme qui a eu le bonheur de connaître son siècle aussi parfaitement que sa troupe. […] C’est ce que j’ai fait dans près de cent notes tirées de sources quelquefois peu connues, et qui offrent un recueil précieux de tout ce qui a été écrit d’intéressant sur la vie et les ouvrages de Molière dans le siècle où il a vécu‌ 22. […] Ses pièces, représentées sur tant de théâtres, traduites en tant de langues, le feront admirer autant de siècles que la scène durera. […] Louis XIV, voulant faire cesser des outrages qui ne devaient pas s’adresser à l’un des plus grands génies de son siècle, dit un matin à Molière, à l’heure de son petit lever : On dit que vous faites maigre chère ici, Molière, et que les officiers de ma chambre ne vous trouvent pas fait pour manger avec eux.

118. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

C’est une nymphe du siècle , dit Somaise, qui a inventé cet usage. […] Dans un siècle frivole, de bel esprit, de mauvaises mœurs, sous un gouvernement absolu, la satire, la comédie satirique, devaient être en grand honneur ; les bonnes qualités ne rachetaient pas le ridicule ; après le besoin de parler était venu le besoin de rire.

119. (1881) La philosophie de Molière (Revue des deux mondes) pp. 323-362

Ici, Bourdaloue ne s’aperçoit pas qu’il parle exactement comme Molière : celui-ci, en effet, n’avait-il pas dit : Mais les dévots de cœur sont aisés à connaître ; Notre siècle, mon frère, en expose à nos yeux Qui peuvent nous servir d’exemples glorieux. […] Quand nous nous représentons la société de ce siècle, telle que l’a faite l’autorité de Louis XIV, il semble que ce fût une société dominée par la foi et par une seule foi. […] La libre pensée se glisse à peine et se laisse seulement deviner dans toute la littérature du siècle.

120. (1747) Notices des pièces de Molière (1666-1669) [Histoire du théâtre français, tome X] pp. -419

Molière, en exposant l’humeur bizarre d’Alceste, n’a point eu dessein de discréditer ce qui en était la source et le principe ; c’est sur la rudesse de la vertu peu sociable, et peu compatissante aux faiblesses humaines, qu’il fait tomber le ridicule du défaut dont il a voulu corriger son siècle. […] Le poète français a non seulement exposé sur la scène les vices et les ridicules communs à tous les âges et à tous les pays, il les a peints encore avec des traits tellement propres à sa nation que ses comédies peuvent être regardées comme l’histoire des mœurs, des modes et du goût de son siècle ; avantage qui distinguera toujours Molière de tous les auteurs comiques. […] Estimé des hommes les plus illustres de son siècle, il n’était pas moins chéri et caressé des grands ; le maréchal duc de Vivonne vivait avec lui dans cette familiarité qui égale le mérite à la naissance ; le Grand Condé exigeait de Molière de fréquentes visites, et avouait que sa conversation lui apprenait toujours quelque chose de nouveau. […] « L’examen sérieux que je fis de L’Avare, joint à quelques connaissances des règles du théâtre, m’inspira le dessein d’étudier Molière, persuadé que qui avait fait L’Avare devait être le plus grand génie de son siècle ; par cette étude, je fus bientôt confirmé dans la haute idée que j’avais conçue ; et je ne prétends rien diminuer de son mérite, ni de sa gloire, en disant que le fond de la fable est pris en partie de l’Aulularia de Plaute, et en partie de La sporta del Gelli, qui a suivi le poète latin ; que le premier acte est imité d’une comédie italienne à l’impromptu, intitulée L’Amante tradito, et jouée à Paris sous le nom de Lélio et Arlequin, valets dans la même maison. […] Je suivis le barreau pendant cinq ou six mois, Où j’appris à plein fond, l’ordonnance et les lois, Mais quelque temps après me voyant sans pratique, Je quittai là Cujas, et je lui fis la nique : Me voyant sans emploi, je songe où je pouvais Bien servir mon pays, des talents que j’avais ; Mais ne voyant point où, que dans la comédie, Pour qui je me sentais un merveilleux génie, Je formai le dessein de faire en ce métier, Ce qu’on n’avait pas vu, depuis un siècle entier.

121. (1858) Molière et l’idéal moderne (Revue française) pp. 230-

Notre siècle a de l’idéal, il a deviné que l’homme a quelque chose en lui de plus profond que les passions : c’est la passion.

122. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE IV. Jugement sur les Hommes de Molière. » pp. 65-82

C’est le héros de notre siècle pour les exploits dont il s’agit : un homme qui, vingt fois en sa vie, pour sauver ses amis, a généreusement affronté les galères ; qui, au péril de ses bras et de ses épaules, sait mettre noblement à fin les entreprises les plus difficiles ; et qui, tel que vous le voyez, est exilé de son pays pour je ne sais combien d’actions honorables qu’il a généreusement entreprises.

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