Pour expliquer des rencontres multipliées dans le même lieu, nous entendrons Horace, de l’Ecole des Femmes, dire à Arnolphe : La place n’est heureuse à vous y rencontrer. […] Nous avons entre les mains cette prétendue pièce, dont la scène se passe au Palais, lieu où se vendaient les comédies et les livres, comme une satire de Boileau nous l’apprend. […] Julie dit en parlant des spectacles : Ces lieux ont été de tout temps Le centre du beau monde et des honnêtes gens ; La scène a des appas que tout le monde approuve, Et c’est un rendez-vous où la vertu se trouve ; On y traite l’amour, mais c’est d’une façon Moins propre à divertir qu’à servir de leçon, Et ce dieu, qui n’y plait que par son innocence, N’y règle ses transports que sur la bienséance. […] « Sire, " Les auteurs modernes et dramatiques, tant en vers qu’en prose, de votre bonne ville et faubourgs de Paris, remontrent très humblement à Votre Majesté qu’après avoir sacrifié leurs soins et leurs veilles aux plaisirs du public, leur zèle est tous les jours mal reconnu par certains quidams indiscrets, qui, de dessein prémédité, se transportent journellement aux lieux où les dits auteurs font représenter leurs ouvrages avec des apeaux à perdrix, des sifflets de chaudronniers et autres armes offensives, desquelles ils chargent sans miséricorde tout ce qui ose paraître d’acteurs sur le théâtre, avec tant de fureur, que le comédien le plus intrépide est souvent contraint de lâcher pied et de se retirer le cœur meurtri et tout percé de coups de sifflets. » Gabrillon Malpeste !
Mais sur elle je puis porter un jugement et un jugement sévère s’il y a lieu, absolument comme sur une autre. […] — Sans doute, je vous reproche de la défendre en un lieu que l’on peut tenir pour mal propre à cet office et où s’occuper d’elle, soit en bien, soit en mal, est lui manquer de respect. » Molière, dit-on, fut interdit. […] Et ces sentiments sont-ils plus faibles dans les lieux où il n’y a point de spectacles ? […] C’est une chose incroyable qu’avec l’agrément de la police on joue publiquement, au milieu de Paris, une comédie où, dans l’appartement d’un oncle qu’on vient de voir expirer, son neveu, l’honnête homme de la pièce, s’occupe, avec son digne cortège, de soins que les lois payent de la corde et qu’au lieu des larmes que la seule humanité fait verser en pareil cas aux indifférents mêmes, on égaye à l’envi de plaisanteries barbares le triste appareil de la mort. […] On voit par ses lettres qu’elle a l’art ou le don de la conversation ; elle a d’instinct la connaissance des hommes et une grande pénétration à démêler leurs sentiments secrets ; et, sans avoir de coquetterie à proprement parler, elle a un don de séduction naturelle qui s’exerce sur tous les hommes, qui, s’il n’est pas coquetterie, en tient lieu suffisamment pour en remplir tout l’office.
Aussi n’y a-t-il pas lieu de discuter celles que la Fameuse Comédienne lui prête encore à la même époque. […] Ce qui prouve bien que, dans le premier, tous les torts n’étaient pas de son côté, c’est que, devenue la femme de Guérin, elle vécut parfaitement heureuse et que sa conduite ne donna plus lieu à aucun bruit fâcheux.
Il s’est particulièrement appliqué à connoître le génie des grands, et de ce qu’on appelle le beau monde, au lieu que les autres se sont souvent bornés à la connoissance du peuple. […] Il ne la fit pas même imprimer137, quoi qu’elle ne soit pas sans beautés pour ceux qui sçavent se transporter aux lieux, aux temps et aux circonstances dont ces sortes de divertissemens tirent leur plus grand prix » Dans l’Etourdi, qui est la premiere comedie de Moliere, on doit observer que le valet fourbe ne fait pas l’intrigue de la fable, comme il le paroît d’abord ; car il imagine toutes ses fourberies avec tant de jugement qu’il n’auroit besoin que de la premiere pour arriver à ses fins ; mais, l’étourdi détruisant par son caractère tout ce que fait le valet, et ce valet se piquant de réussir, ils composent tous deux une intrigue, dont on peut dire que le caractère de l’Etourdi est le premier mobile.
Il faut des contrastes à la comédie, et où donc y en a-t-il plus que dans ces villes populeuses dont on peut dire en général ce que Corneille disait de Paris : L’effet n’y répond pas toujours à l’apparence ; On s’y laisse duper autant qu’en lieu de France, Et, parmi tant d’esprits plus poli et meilleurs, Il y croît des badauds autant et plus qu’ailleurs. Dans la confusion que ce grand monde apporte, 11 y vient de tous lieux des gens de toute sorte, Et dans toute la France il est fort peu d’endroits Dont il n’ait le rebut aussi bien que le choix. […] Grave question, que nous aborderons en son lieu, lorsque nous étudierons la portée morale du théâtre de Molière, pris dans son ensemble. […] Nous sommes dans le salon de Célimène, et il n’y a qu’à en regarder l’arrangement plein de grâce et de coquetterie pour deviner le caractère et tirer l’horoscope de la reine de ces lieux. […] Si Alceste a voulu être conséquent avec lui-même, il a dû, pour trouver un lieu où il eût pleinement la liberté d’être homme d’honneur, sortir nnon seulement de la société, mais de l’église du XVIIe siècle.
Ce n’est pas le lieu d’aborder incidemment l’histoire rebattue de ses prétendues infortunes conjugales, par laquelle des pamphlétaires, parfois éloquents, travestissant d’une manière odieuse les souffrances physiques et morales d’un homme de génie, essayèrent de le déshonorer après sa mort. […] Ce qu’étale en tous lieux sa pédante personne… Jusques à sa figura encor la chose alla. […] Il est hors de doute, toutefois, que l’aventure dut se passer en haut lieu. […] Serait-ce la dame même du lieu, toute princesse qu’elle fût ? […] Pendant que tous ses pareils, sauf Turlupin toutefois, vivaient à la diable, « épars çà et là, n’ayant, ni feu ni lieu », il se mit, lui, à se conduire règlement, comme dit Tallemant.
Pour l’amour de vous-même revenez ici, je vous en conjure ; j’ai tout lieu d’espérer qu’il ne me sera pas impossible de vous faire quelque sorte de réparation.
En épousant Armande, dont il nous fait un portrait si gracieux et si piquant dans Lucile du Bourgeois gentilhomme, Armande élevée sous ses yeux et par ses soins, il croyait assurer le bonheur de sa vie, oubliant, lui le profond connaisseur du cœur humain, que la reconnaissance ne tient pas lieu d’amour37.
On y tient mille à l’aise, et puisque nous sommes debout comme les cinq cents qui sont au parterre, considérons le lieu. […] … Un grand peintre, avec pleine largesse D’une féconde idée étale la richesse Et fait briller partout delà diversité… Mais un peintre commun trouve une peine extrême A sortir dans ses airs de l’amour de soi-même : De redites sans nombre il fatigue les yeux Et, plein de son image, il se peint en tous lieux.
C’est ici le lieu de rappeler cette réponse si connue du prince de Condé à Louis XIV, que Molière nous a lui-même transmise dans sa préface du Tartuffe : « Je voudrais bien savoir, dit le roi, pourquoi les gens qui se scandalisent si fort de la comédie du Tartuffe, ne disent rien de celle de Scaramouche 4. » « La raison de cela, répondit le prince, c’est que la comédie de Scaramouche joue le ciel et la religion, dont ces messieurs ne se soucient point ; mais celle de Molière les joue eux-mêmes, et c’est ce qu’ils ne peuvent souffrir. » Molière ne descendit point dans l’arène où voulaient l’attirer la haine des faux dévots et la jalousie des mauvais auteurs ; il ne répondit à tous les libelles que par de nouveaux ouvrages, à toutes les diatribes que par de nouveaux succès. […] Il ne se joué pas à la ligne directe, et il ne s’insinue jamais dans une famille où se trouvent à la fois une fille à établir et un fils à pourvoir ; il y a là des droits trop forts et trop inviolables ; on ne les traverse point sans faire d’éclat, et il t’appréhende, sans qu’une pareille entreprise ne vienne aux oreilles du prince à qui il dérobe sa marche, par la crainte qu’il a d’être découvert et de paraître ce qu’il est. » Sans doute les faux dévots ont plus beau jeu chez un célibataire que chez un père de famille ; on calomnie, on dépouille plus facilement des collatéraux que des enfants ; mais le vrai tour de force de Tartuffe est de faire déshériter le fils même de la maison ; et si l’auteur nous prouve que le fanatisme peut aveugler un père jusqu’à lui faire oublier son propre sang pour un misérable fardé d’une fausse dévotion, ne fait-il pas voir à plus forte raison l’empire que de pieux imposteurs peuvent exercer sur des hommes qui ne tiennent pas au lieu puissant de la famille ?
S’il faut plaindre le grand homme des douloureuses épreuves qu’il venait de traverser, peut-être y a-t-il lieu de ne point les regretter : car, en lui imposant un surcroît d’étude prudente et profonde, elles ne furent pas étrangères à la perfection de son œuvre. […] Ainsi, au lieu du spectacle abject et monotone d’un usurier qui justifie sa vilenie par de faux semblants de pauvreté, nous suivrons le développement progressif d’un caractère susceptible de nuances variées comme la situation qui met sa honte en relief. […] « Sans dot », ce mot lui tient lieu « de beauté, de jeunesse, de naissance, de sagesse et de probité. » Il ne se soucie même pas des « accidents fâcheux auxquels expose la trop grande inégalité d’âge, d’humeur et de sentiments. » Car l’honneur lui est indifférent, et tout sens moral est anéanti dans cette âme vénale dont la bassesse finit par devenir repoussante. […] Vite, sortez, friponne, allons, quittez ces lieux, Et ne vous présentez jamais devant mes yeux.
Peu s’en fallut que ce malheur ne fondît sur lui dans le lieu et dans le moment même où il jouissait avec sécurité d’un honneur qui lui attirait l’envie de tous les autres courtisans.
Nous en avons déja dit la raison : dans la piece latine, Mercure nous ayant prévenus sur tout ce qu’il alloit faire, les incidents ne produisent plus aucun effet ; au lieu qu’ils ont toujours chez Moliere le mérite de la surprise, grace à l’économie théâtrale qu’il possédoit au suprême degré.
D’ailleurs les Savants seuls apperçoivent la faute, au lieu que les oreilles les plus ignares sont blessées d’entendre appeller M. le Baron du vieux Bois 13, Madame la Comtesse des Guerets ; j’aime autant voir Arlequin & Scapin se nommer mutuellement le Baron de Cardon d’Espagne, le Marquis de beurre fondu, le Comte de dindon rôti 14.