/ 184
156. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Si la connaissance vaste et la science profonde du théâtre comique nous suggère une idée telle du comique parfait, qu’elle puisse nous servir de criterium unique et absolu pour juger et pour classer toutes les œuvres, cette idée, quelles que soient les conditions empiriques de sa formation, renferme une part d’a priori, j’entends le principe même de nos jugements et de notre classification. […] En lisant un drame comique ou tragique, elle ne consulte pas ce qu’il devait être et l’idée d’après laquelle les philosophes le jugeront, mais ce qu’il est et l’impression qu’elle en reçoit.

157. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

« Chaque siècle, dit Fontenelle, a pour ainsi dire, un certain ton d’esprit. » C’est justement ce ton d’esprit auquel s’est monté le journal français qui fera juger, plus tard, des lumières du xixe  siècle ; son œuvre accomplie, il devra s’estimer bien haut, notre siècle, s’il peut se rendre à lui-même cette justice d’avoir uni l’exactitude à la vivacité de l’esprit, l’étendue à la finesse, l’élégance à la conviction. […] Pour les bien juger, voyez-les l’un et l’autre dans le dernier asile des vivants et des morts, jusqu’alors respecté par les poètes dramatiques ; voyez-les, ces chevaliers errants de la fantaisie, entrer dans le cimetière, un lieu sacré, que Molière et Shakespeare ont envahi par droit de conquête et par droit de naissance. […] Aussi pouvez-vous juger du désappointement des bourgeois de Paris, lorsqu’il leur fallut écouter, d’un bout à l’autre, ces paroles austères, ce drame sérieux, aux lieu et place de la bouffonnerie qu’ils attendaient. — Il arriva que Don Juan fit peur à ces timorés et timides esprits. […] Ce n’est pas seulement d’aujourd’hui que l’accessoire est inventé ; à l’accessoire on a sacrifié même l’esprit de Molière : jugez donc !

158. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE X. De la Diction. » pp. 178-203

C’est à mes lecteurs à peser cette pensée, à juger combien de goût, de force d’esprit, de philosophie, de grandeur d’ame, elle décele, & sur-tout dans un Roi.

159. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XII. Des Scenes. » pp. 223-249

Moliere n’a pas jugé à propos de leur faire dire en partant pourquoi ils s’enfuyoient, & il a très bien fait, parceque la situation le dit assez.

160. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE III. L’Honnête Homme. » pp. 42-64

Nul n’a jugé plus sainement que lui des ouvrages de l’esprit ; nul n’a mieux compris combien ils élèvent et ennoblissent l’homme.

161. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

N’avons-nous point pu juger nous-mêmes de ces grossières erreurs de la critique ? […] Ce Marcel, d’abord fort lié avec Molière, se réconcilia avec lui depuis la représentation du Mariage sans mariage, à en juger par les épitaphes louangeuses qui parurent, signées de ce nom Marcel, après la mort du grand comique. […] C’est là qu’on peut juger de la tournure d’esprit qu’avaient alors certaines réunions de gens instruits, et le ton cependant ému de la harangue ne laisse pas que de laisser filtrer la plaisanterie à la mode et le bel esprit. […] Comme il était déjà très tard, chacun se retira bientôt après. » On a pu juger par cette oraison fort originale, étrange même — et réimprimée ici pour la première fois, — du bruit qu’avait fait, en mourant, le comédien et l’auteur de génie, que quelques envieux avaient osé déclarer inférieur à Scaramouche, son maître. […] Nostre bien-aimé Dominique de Mormandin, escuyer, sire de la Grille, nous ayant humblement fait remonstre qu’il a trouvé une nouvelle invention de marionnettes qui ne sont pas seulement d’une grandeur extraordinaire mais mesure représentant des commediens avec des décorations et des machines imitant parfaitement la danse et faisant la voix humaine, lesquelles serviront non-seulement de divertissement au public mais serviront d’instruction pour la jeunesse ; Lui accordons privilége de donner ses représentations pendant le cours de vingt années à dater du présent dans nostre bonne ville et faux bourgs de Paris et par toutes autours telles bourgs et lieux de notre royaume qu’il jugera à propos ; deffendant expressement à toute personne de quelque qualité ou condition que ce soit d’apporter audit exposant aucun trouble ou empêchement dans la jouissance du présent privilége, à condition par lui de ne rien faire contre l’honnêteté publique, deffendant à toutes personnes, de quelque qualité ou condition que ce soit, même à celle de nostre maison d’y entrer sans payer, ni d’y faire aucun désordre à peine de punition exemplaire.

162. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVIII. De la Décence & de l’Indécence. » pp. 314-341

Tous les convives, guidés par la curiosité, accourent pour le juger sur ce qu’il dira.

163. (1885) La femme de Molière : Armande Béjart (Revue des deux mondes) pp. 873-908

Il serait imprudent de juger les comédiennes d’après les hommages poétiques qui leur sont consacrés ; mais on sait gré à Armande d’avoir inspiré celui-là et, au sortir de la Fameuse Comédienne, on est quelque peu dédommagé en retrouvant, grâce à Corneille, quelque chose d’elle dans l’idylle héroïque de Psyché, dans une noble scène de Pulchérie. […] Il est impossible de transcrire au long le passage qui la concerne ; quelques lignes feront juger du reste : « La Molière, disait-il, est infâme de droit et de fait, » c’est-à-dire par sa profession et son inconduite ; « avant que d’être mariée, elle a toujours vécu dans une prostitution universelle ; pendant qu’elle a été mariée, elle a toujours vécu dans un adultère public ; enfin, qui dit La Molière dit la plus infâme de toutes les infâmes. » L’exagération même de ces injures leur enlève jusqu’à l’apparence du sérieux, d’autant plus que Guichard traite avec la même violence de calomnies sans preuves tous ceux dont il redoute le témoignage.

164. (1740) Lettres au Mercure sur Molière, sa vie, ses œuvres et les comédiens de son temps [1735-1740] pp. -89

Il prétend, au contraire, que l’on n’a bien reconnu son mérite qu’après qu’il eut joué le dernier rôle de sa vie, et que l’on a beaucoup mieux jugé du prix de ses pièces en son absence que lorsqu’il étoit présent. […] Paris en jugea moins favorablement ; il la vit132 séparée des ornemens qui l’avoient embellie à la Cour, et, comme le spectateur n’étoit ni au même point de vûe, ni dans la situation vive et agréable où s’étoient trouvés ceux pour qui elle étoit destinée, on ne tint compte à l’Auteur que de la finesse avec laquelle il dévelope quelques sentimens du cœur, et de l’art qu’il employe pour peindre l’amour propre et la vanité des femmes. » Cette piece fut donnée à Paris au mois de novembre suivant, et fut jouée 24 fois133 de suite ; la recette monta à 15,2oo livres.

165. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

« Chacun doit soumettre sa volonté à l’étreinte de la loi, et la loi n’a jamais fait un grand homme ; la loi réduit à la lenteur de la limace ce qui aurait eu le vol de l’aigle229. » Le juge, enchaîné à un texte, ne peut juger selon sa propre inspiration. […] Ce sera fini en moins d’une demi-heure ; mais quand tu auras vu celles-là de tes propres yeux, tu pourras juger en conscience pour toutes celles qu’il te plaira d’ajouter, et je t’assure bien que tu n’en diras pas autant que je pense en faire.

166. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE IV. Brueys & Palaprat, imitateurs, comparés avec Térence, Blanchet, un Auteur Italien, & la nature. » pp. 100-132

Doucement, ce n’est pas sans dessein que j’ai fait une pareille question ; on pourra bientôt juger par cet exemple de la différence qu’il y a entre les mœurs de la société & les mœurs telles qu’on doit les présenter sur le théâtre.

167. (1769) Éloge de Molière pp. 1-35

Avoir à la fois un cœur honnête, un esprit juste ; se placer à la hauteur nécessaire pour juger la société ; savoir la valeur réelle des choses, leur valeur arbitraire dans le monde, celle qu’il importerait de leur donner ; ne point accréditer les vices que l’on attaque en les associant à des qualités aimables, méprise devenue trop commune chez les successeurs de Molière, qui renforcent ainsi les mœurs au lieu de les corriger ; connaître les maladies de son siècle ; prévoir les effets de la destruction d’un ridicule : tels sont dans tous les temps les devoirs d’un Poète comique.

168. (1914) En lisant Molière : l’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Si mauvais qu’eût été jugé Don Garcie, les morceaux en étaient bons ou plutôt des morceaux puisque Molière a pu mettre dans le rôle d’Alceste des fragments très considérables du rôle de Don Garcie et dans Amphitryon un morceau très considérable de Don Garcie et dans Tartuffe un fragment notable de la même pièce1, il pouvait agir ainsi puisque Don Garcie n’avait pas été imprimé et ne Ta été qu’après sa mort. […] Bérénice de Racine : Pour le Prince, entre tons sans peine on le remarque ; Et d’une stade loin il sent son grand monarque ; Dans toute sa personne il a je ne sais quoi Qui d’abord fait juger que c’est un maître roi. […] Toute sa cour s’empresse à chercher ses regards : Ce sont autour de lui confusions plaisantes ; Et l’on dirait d’un tas de mouches reluisantes Qui suivent en tous lieux un doux rayon de miel. […] Bossuet fait évidemment allusion à la scène viii de l’acte IV de l’École des femmes, au discours de Chrysalde que je suis forcé de reproduire tout entier pour en faire juger. […]      Je le jugerais presque à voir votre visage. […] […] Apprends, Marquis, je te prie, et les autres aussi, que le bon sens n’a point de place déterminée à la comédie ; que la différence du demi-louis d’or et de la pièce de quinze sols ne fait rien du tout au bon goût ; que debout et assis, on peut donner un mauvais jugement ; et qu’enfin, à le prendre en générai, je me fierais assez à l’approbation du parterre, par la raison qu’entre ceux qui le composent,il y en a plusieurs qui sont capables de juger d’une pièce selon les règles, et que les autres en jugent par la bonne façon d’en juger, qui est de se laisser prendre aux choses, et de n’avoir ni prévention aveugle, ni complaisance affectée, ni délicatesse ridicule. » Et c’est-à-dire, ce me semble : Je ne cherche que la vie ; Je tâche à l’atteindre ; Et je dis au public : ma pièce vit-elle ?

/ 184