Le sieur de la Force, dit Gilles le Niais a, voyant que je ne savais où donner de la tête, et que je lui pouvais être utile dans sa troupe, me pria d’y entrer ; j’y résistai d’abord, ne voulant point passer pour un farceur ; mais il me représenta que toutes les personnes les plus illustres de Paris allaient tous les jours voir la farce au Petit-Bourbon ; et me persuada si bien que les siennes étaient aussi honnêtes que plusieurs de celles que Mascarillea a faites, que je me laissai vaincre, et que j’entrai dans sa troupe.
Il va droit chez la perle des femmes, qu’il compte retrouver avec sa cassette et sa fidélité : il la trouve mariée avec l’honnête fripon à qui il s’était confié, et on ne lui a pas plus gardé son dépôt que le reste. Mon homme a toutes les peines du monde à croire qu’une femme de bien puisse faire de pareils tours ; mais, pour l’en convaincre mieux, cette honnête dame devient amoureuse du petit page, et veut le prendre à force ; mais comme il faut que justice se fasse, et que, dans une pièce de théâtre, le vice soit puni ou la vertu récompensée, il se trouve à la fin du compte que le capitaine se met à la place du page, couche avec son infidèle, fait cocu son traître ami, lui donne un bon coup d’épée au travers du corps, reprend sa cassette, et épouse son page.
Il n’était pas à cette époque ce jeune enthousiaste que nous connaissons, aux passions vives ou au moins à l’imagination forte, exaltant la folie dans les œuvres de l’art, soit par un mouvement instinctif de sympathie, soit seulement par une idée fixe de théoricien, et rempli d’un mépris trop naturel ou simplement systématique pour la littérature sage, pour les poètes honnêtes, pour Walter Scott, pour Pope, pour Boileau humilié et tancé, sans miséricorde, de son peu de penchant à la volupté et de son prénom de Nicolas. […] Quelle honnête gaieté sur toutes les physionomies !
Mais ces précautions ne pouvaient regarder que les précieuses subalternes, qui avaient pu se croire atteintes par l’auteur, et c’est ce que Molière a eu l’attention de faire en séparant les intérêts des véritables précieuses, des précieuses ridicules, c’est-à-dire les honnêtes femmes beaux-esprits, des hypocrites pleines d’affectation.
D’honnêtes et riches bourgeois, désespérant de devenir nobles de leur chef, voulaient du moins s’allier à des familles nobles : les uns donnaient leur fille à quelque gentilhomme obéré, qu’une grosse dot affranchissait de la poursuite de ses créanciers ; les autres, en plus petit nombre, épousaient eux-mêmes quelque fille de qualité, dont les parents recevaient, pour prix de cette mésalliance, de quoi rétablir leurs affaires délabrées.
Laforêt, depuis ce jour-là, ainsi que Molière, aima toujours ce bon public, tant elle l’avait, disait-elle, trouvé honnête. […] Sinon qu’il fallait, pour écrire cette pièce, non pas seulement la science et le génie de Molière, mais encore avoir aimé la famille, la vie honnête, comme il l’aima, et en avoir été sevré aussi cruellement qu’il le fut.
Observons, d’ailleurs, que Boursault, dont nous plaignons aujourd’hui la disgrâce, en considération de deux ou trois bons ouvrages, et d’autant d’actions honnêtes qui recommandent également sa mémoire, était encore au dernier rang des écrivains, quand il eut la folle audace d’insulter Molière, et que c’est, si j’ose ainsi m’exprimer, par une espèce d’anachronisme assez fréquent dans l’histoire critique des arts, que nous transportons à l’auteur des Cadenas, et du Mort vivant un intérêt qui n’est dû qu’à celui du Mercure galant et d’Ésope à la Cour.
« Il est vrai, Messieurs, que mon Principal l’a demandée, & qu’il n’a rien à dire contre elle, sinon que c’est une honorable & honnête personne : mais c’est cependant une chose dure, que de forcer quelqu’un à se marier malgré lui ; ce seroit proprement appuyer les fondements de sa maison sur l’enfer : avec cela, comme mon Principal ne l’a point vue, encore moins touchée, elle est aussi bonne qu’elle étoit auparavant.... » (Il passe de l’autre côté.)
Destouches était un auteur modéré, tranquille, parfaitement honnête dans ses vues, qui composait avec beaucoup de tension d’esprit des comédies régulières, où il ne se serait pas dispensé des cinq actes, et où à l’exception de la gaîté obligée de Lisette et de Frontin, il n’y a rien de bien plaisant.
Et partout et toujours, quel rire, quel beau et bon rire, coulant de source, coulant à plein godet, honnête, limpide et sincère, jamais jailli du chatouillement obscène ni du sarcasme amer !
Le premier est exprimé en ces termes par Dorante : « Il n’est pas incompatible qu’une personne soit ridicule en certaines choses et honnête en d’autres. » Cette vérité est tellement conforme aux faits, que son énonciation semble une banalité. […] En général, les criminels commettent le crime, non parce qu’ils trouvent du plaisir à faire le mal comme mal, mais pour satisfaire quelqu’une des passions naturelles à l’humanité : tantôt c’est la convoitise du bien d’autrui excitée par les besoins matériels de la vie et le désir des jouissances, convoitise toujours alliée à une répugnance extrême pour la vie laborieuse, régulière et honnête ; tantôt c’est quelque passion violente, telle que la haine, la jalousie, la vengeance.
Comme il a beaucoup de feu, et de cette honnête hardiesse nécessaire à l’orateur, il y a du plaisir à l’écouter quand il vient faire le compliment ; et celui dont il sut régaler l’assemblée, à l’ouverture de la troupe du roi (le dimanche 9 juillet 1673), était dans la dernière justesse.
La pâle est au jasmin en blancheur comparable ; La noire à faire peur, une brune adorable; La maigre a de la taille et de la liberté ; La grasse est, dans son port, pleine de majesté; La malpropre sur soi, de peu d’attraits chargée, Est mise sous le nom de beauté négligée ; La géante paraît une déesse aux yeux ; La naine, un abrégé des merveilles des cieux ; L’orgueilleuse a le cœur digne d’une couronne; La fourbe a de l’esprit; la sotte est toute bonne; La trop grande parleuse est d’agréable humeur; Et la muette garde une honnête pudeur. […] Pour être sûr de ne pas tomber dans le vulgaire, on alla jusqu’au précieux ; l’honnête décence ne paraissant pas assez éloignée de l’ancienne liberté de propos, on poussa jusqu’à la pruderie, et ainsi du reste. […] Ce n’est certainement pas Molière qui parle lorsque Chrysale dit à Bélise : Il n’est pas bien honnête et pour beaucoup de causes, Qu’une femme étudie et sache tant de choses.