Et en effet celui qui sut rendre sensible à une foule grossière, les traits les plus fins de l’esprit, les sentiments les plus délicats du cœur, qui lui fit comprendre, craindre et éviter le ridicule, connaître, aimer et rechercher les convenances ; celui qui épura son goût jusqu’au point de lui rendre familières les sublimes beautés du Tartufe et du Misanthrope, que fit-il autre chose que de former une nation : les délicatesses du goût sont les premiers éléments de la vertu. […] Je le vois au milieu de sa troupe, cette troupe à laquelle il devait tout donner même sa vie, observant Beauval, Brécourt, Du Croisy, les Béjart, et pour les forcer au naturel, glissant dans les rôles qu’il leur confie quelques traits de leur propre caractère. […] Voilà la source non de sa gaîté franche et railleuse, mais du trait bouffon qui dans ses pièces fait éternellement éclater le rire. […] Dont avec lui parfois il esquisse les traits.
Mais Molière connaissait déjà le point de vue du Théâtre, qui demande de gros traits pour affecter le Public ; et ce principe lui a toujours réussi dans tous les caractères qu’il a voulu peindre. […] La diversité de caractères dont cette Pièce est remplie, et la nature que l’on y voyait peinte avec des traits si vifs, enlevaient tous les applaudissements du Public. […] En voici un exemple qui fait un des plus beaux traits de sa vie. […] Il avait manié le caractère de l’hypocrisie avec des traits si vifs et si délicats, qu’il s’était imaginé que bien loin qu’on dût attaquer sa pièce, on lui saurait gré d’avoir donné de l’horreur pour un vice si odieux. […] Elle regardait cet endroit comme un trait indigne d’un si bon Ouvrage : Mais Molière avait son original, il voulait le mettre sur le Théâtre.
Un beau trait controversé. […] Les lettres M et L offrent des différences ; mais toutes les autres sont d’une similitude parfaite, et, après la dernière, on remarque ce petit trait incliné, placé entre deux points, que le poète comique a tracé à la fin de toutes ses signatures :./. […] Il nous peint à larges traits la perturbation profonde dans laquelle les longues luttes de la Fronde jetèrent les esprits, pendant cette période d’un quart de siècle qui va de l’invasion espagnole, en 1636, jusqu’à la paix des Pyrénées, en 1660. […] Mais ce trait-là n’est pas exclusivement particulier aux jansénistes ; il est le signe distinctif de tous les esprits chagrins en lutte avec les lâchetés et les transactions mondaines, la marque propre de la misanthropie. […] En réalité, le secret dont parle Cousin n’a point trait à l’idée génératrice de la pièce ni au caractère du Misanthrope : l’énigme porte uniquement sur la question de savoir si certains originaux ont posé devant le peintre, s’il en a concentré les traits dans son portrait, et quels ils sont.
Ce n’était sûrement pas des farces insipides et abjectes que celles qui contenaient le germe des plus plaisantes scènes du Médecin malgré lui, et de George Dandin, et dont plusieurs traits ont été transportés par Molière lui-même dans ses meilleures comédies.
Et lorsqu’il ajoute qu’elles doivent être plus difformes que les originaux, ne nous fait-il pas entendre clairement qu’il faut charger les passions par des traits marqués, ainsi que les modernes l’ont pratiqué ?
À droite, dans la chambre, il y a une fenêtre, et, à la fenêtre, des rideaux de tapisserie, drapés d’une façon beaucoup trop moderne ; à gauche, une cheminée qui est le trait de génie de la chose, le centre et le motif principal de la nouvelle composition scénique. […] Il n’est pas douteux pour moi que Molière a donné à Alceste certains traits du caractère de Mr de Montausier. […] Le dernier trait surtout est sublime ; mais, de ces trente vers, pour faire sortir le chef-d’œuvre immortel, il fallait le génie de Molière. […] L’angle était soutenu par un poteau orné de sculptures allégoriques très curieuses qui est aujourd’hui aux Petits Augustins. » Or, il résulte, à notre sens, très clairement de la gravure au trait par Guyot qui accompagne la notice d’Alex. […] Quant au poteau des singes, le haut en semble plus touffu que ne le comporte le dessin au trait ; mais ce n’est là, pensons-nous, qu’une liberté qu’a prise le peintre, et qui ne dément nullement l’incontestable précision du document dû à Lenoir.
Il lui restait en propre l’art avec lequel il avait su fondre ces éléments divers, en conservant la verve la plus franche, le trait le plus net et le style le plus vif qu’on eût jusqu’alors admirés sur la scène française. […] Les traits de la jeune fille s’éclairent de joie. […] Mais de même que, dans toutes ces diverses situations, Sganarelle conserve quelque trait de son caractère et de sa physionomie, il est probable qu’il gardait toujours dans son costume quelque chose qui rappelait le type originel, tant la tradition avait de puissance dans ce domaine où l’on serait tenté de croire que la fantaisie était souveraine absolue.
Boileau est redevable de sa gloire à Horace, & n’en est pas moins estimé, quoique Regnard ait dit : Ci gît Maître Boileau, qui vécut de médire, Et qui mourut aussi par un trait de satyre : Le coup dont il frappa lui fut enfin rendu.
Ainsi, Alceste n’est pas Molière ; celui qui a dit : Je veux une vertu qui ne soit point diablesse ne s’est pas mis en scène sous les traits du rudânier Misanthrope. […] Mais dans l’ensemble, le corps était singulièrement corruptible, sinon corrompu ; et bien que Boileau en ait fort adouci les traits, les sanglantes satires de Rabelais et de d’Aubigné contre les Chats-fourrés et les Grippeminauds, n’avaient guère perdu de leur vérité cruelle. — Achetant leurs charges, se les transmettant de père en fils ; formant dans l’État un état tout nourri d’abus gothiques et de traditions romaines, parfaitement étrangères au génie de la nation ; ayant par conséquent toute nouveauté en horreur et tout mouvement en détestation ; s’arrogeant vis-à-vis du pouvoir un droit de remontrance qu’ils n’exerçaient d’ailleurs, fort prudemment, que quand le pouvoir était faible ; alliés politiquement à leur bonne sœur l’Église, afin de partager, eux, gardiens des lois humaines, l’inviolabilité que confère aux prêtres la loi divine, de confondre ainsi deux choses distinctes, et de gouverner, eux aussi, en se rendant sacrés ; — voilà en quelques lignes les magistrats comme je les vois, les magistrats du temps de Molière, je le répète ; car, ainsi qu’on sait, nous avons changé tout cela. […] Étalant triomphalement la lettre à Oronte : Jetez ici les yeux et connaissez vos traits, votre écriture, perfide, Ce billet découvert suffit pour vous confondre, Et contre ce témoin on n’a rien à répondre. […] Je ne m’attendais pas, je l’avoue, à ce trait, Et me voilà par là convaincu tout à fait. […] Je ne répondrais donc à aucun de mes adversaires, si l’un d’eux ne m’avait pris à partie ici-même, — fort courtoisement d’ailleurs, je dois le reconnaître, car il est la courtoisie même, et à ce trait de son signalement tout le monde le nommera ici : c’est M. de La Pommeraye.
Ce premier trait, cette première copie de Tartuffe, sans retouches, sans altérations, nous ne l’avons pas, et il faut démêler l’idée originale entre les lignes d’une troisième édition reprise et amendée. […] Toutefois, en le rapprochant de quelques vers de l’Exempt et d’autres traits épars dans la pièce, voici à peu près comment nous pourrons nous représenter le prologue de Tartuffe, du Tartuffe au moins de la troisième version. […] Analysons cette histoire et voyons si quelque trait contredit mon interprétation ! […] Je suis … « un méchant, un coupable, Un malheureux pécheur… » Ce malheureux pécheur , quel trait de génie comique ! […] c’est qu’elle se met en devoir de vous les faire connaître — en vous trompant. — Et le voilà qui boit les explications d’Elmire : Leur miel dans tous mes sens fait couler à longs traits Une suavité qu’on ne goûta jamais.
A ce trait d’Arnolphe, qu’il lance d’un air épanoui, comme la chose la plus belle du monde, grand éclat de rire autour de nous, grande inquiétude parmi les dames, dont les visages disparaissent derrière les éventails. ; décidément, ce soir, c’est Rabelais qui souffle Molière. […] Il semble, tant il charge ses traits, ride le front, roule les yeux et joue des sourcils, qu’Arnolphe se sente pousser vraiment des cornes ! […] Il ne croit pas si bien dire : et l’étourneau de blondin lui confie avec admiration Un trait hardi qu’a fait cette jeune beauté Et qu’on n’attendrait point de sa simplicité. […] Ce vers est un trait, de génie comique. […] C’est donc le dernier trait par lequel il achève son homme.
Il est le seul parmi-nous qui ait découvert ces traits de la nature, qui la distinguent & qui la font connoître.