Heureusement, la mémoire des comédiens, non moins que le souvenir des spectateurs, ont sauvé de l’oubli Le Médecin volant et la Jalousie de Barbouillé, deux précieux et charmants canevas du comédien vagabond Molière. […] Aussi bien, à l’appel de Sganarelle et d’Ariste, aux chansons de Valère, aux gaietés d’Isabelle, accourut un peuple entier de spectateurs contents.
Le spectateur pour toi sera si débonnaire, Que du froid complaisant 13 respectant la fadeur, Il entendra la piece entiere Sans exciter nulle rumeur, Et qu’il prendra son caractere.
Nous donnerons donc le titre de comédie allégorique aux pieces dans lesquelles l’Auteur, mettant continuellement sur la figure de Thalie le masque de l’allégorie, change le nom des choses, défigure même les personnes, & laisse au spectateur intelligent le soin de développer le sens caché.
Elle prévient en faveur de l’héroïne, & pique la curiosité du spectateur.
Lorsque les comédiens de nos jours représentent cette comédie, & qu’ils ont à peine cinquante spectateurs, en comptant les gratis, Arlequin pourroit se récrier avec juste raison sur les virlicirlicitudes des choses humaines.
ils sont eux-mêmes spectateurs, et battent des mains avec le public qui leur insulte !
On a lu dans vingt écrits, entre autres dans ceux de Voltaire, que Molière, recevant la défense au moment même où allait commencer la seconde représentation, dit aux nombreux spectateurs qu’elle avait attirés : Messieurs, nous allions vous donner Le Tartuffe ; mais monsieur le premier président ne veut pas qu’on le joue. […] Deux acteurs parfaitement semblables justifieraient mieux sans doute la méprise des autres personnages ; mais ils causeraient celle des spectateurs, à moins que l’un des deux ne prît, comme le Jupiter et le Mercure de Plaute, la précaution d’adopter quelque signe particulier qui le fît distinguer de l’autre.
Mais comment qualifierait-on l’audace de Thierry et de Barbin, deux libraires considérables de Paris, qui, deux ans seulement après la première représentation du Malade imaginaire, et quand cette comédie faisait encore courir toute la ville au théâtre, n’auraient pas craint de l’offrir aux lecteurs toute différente de ce qu’ils l’auraient pu voir la veille comme spectateurs ? […] Il fit, pour aller jusqu’à la fin de la représentation, des efforts qui sans doute aggravèrent beaucoup son mal ; et, au moment où, dans la cérémonie de la réception, il prononçait le mot juro, il lui prit une convulsion qu’il tâcha vainement de cacher aux spectateurs. […] Un amour vif et sincère, né d’une rencontre fortuite, où l’une a reçu de l’autre un important service ; cet amour, traversé par la malveillance intéressée d’une marâtre et par l’imbécile entêtement d’un père ; dans Angélique, un mélange heureux de douceur et de fermeté, de candeur et de prudence ; dans Cléante, un grand fonds d’honneur et de générosité, que relèvent les agréments de la personne et les ressources de l’esprit : voilà ce qui recommande ce couple aimable à l’affection des spectateurs, ce qui range tous les cœurs du parti de leur tendresse.
Quelque pièce que Molière dût jouer, Boissat voulait se trouver au nombre des spectateurs. […] Il paraît que l’annonce de ce nouvel ouvrage avait produit quelque sensation, car la salle était pleine de spectateurs, et des plus intéressés dans la satire. […] Cette interdiction momentanée ne fit, comme d’ordinaire, que redoubler la curiosité de la foule et l’enthousiasme des spectateurs. […] La reine et trois cents dames étaient à demi engagées dans l’action, à demi spectatrices ; parmi elles se cachait Mlle de La Vallière, à qui la fête était donnée ; elle en jouissait confondue dans la foule. […] Les spectateurs s’en divertirent beaucoup et la trouvèrent fort à leur gré : ainsi s’exprime le gazetier Loret.
C’est par ce côté-là que, loin de faire pitié au vainqueur ou aux spectateurs de notre défaite, nous leur faisons encore envie. […] Chaque spectateur tient essentiellement à ce que les rôles de Molière soient interprétés conformément à la tradition de ce maître en l’art d’écrire les pièces et en l’art de les interpréter. […] On a prétendu que Molière avait écrit cette farce, Monsieur de Pourceaugnac, à la suite d’un esclandre survenu sur son théâtre où un gentilhomme limousin se prit de querelle avec des spectateurs, et troubla ridiculement la représentation. […] Sans doute, le jeu de Molière, qui devait avant tout s’attacher au naturel (nous le verrons tout à l’heure), semblait fort inférieur à des spectateurs habitués à la boursouflure et aux gestes pompeux des Montdori et des Beauchâteau. […] C’est à la faveur de ces sortes de compositions que le gros des spectateurs avait pris goût pour l’auteur, et plus de gens vont à la comédie pour rire qu’il n’y en a pour admirer. » Certes.
« Et je m’assure, dit-il à demi-mot pour les bons entendeurs, je m’assure qu’il vaut mieux avoir occupé l’impertinente éloquence de deux avocats autour d’un chien accusé que d’avoir mis sur la sellette un véritable criminel et qu’on eût intéressé les spectateurs à la vie d’un homme. » Cet homme à la vie duquel on intéresse les spectateurs, réfléchissez-y bien, n’est-ce pas Orgon, à qui la calomnie a porté un de ces coups dont on ne sauve sa tête qu’en fuyant ? […] La courtoisie doit avoir des bornes, et il y a des choses qui ne font rire ni les spectateurs, ni celui dont on parle. » Et il se lance dans des considérations dignes de La Bruyère, ce fin esprit si bien fait pour s’entendre avec Molière, et qui l’a pourtant si mal compris ! […] Mais ce qui n’était pas le côté le moins curieux de la représentation, c’était l’entière bonne foi des spectateurs, qui suivaient la pièce avec autant d’intérêt et de passion que si les interprètes eussent été en chair et en os. […] La pièce était coupée par un ballet, et il fallait voir les petits danseurs exécuter consciencieusement leurs ronds de jambes, et les spectateurs applaudir, avec une frénésie tout italienne, les ballerines de leur choix. Le spectateur italien représente, par excellence, l’homme qui croit que c’est arrivé ; il a des naïvetés dont nous ne pouvons nous faire idée, même en nous reportant aux beaux jours des titis du boulevard.
On lui conseilla pour lors de ne point achever, & de s’aller mettre au lit : il ne laissa pas pour cela de vouloir finir ; & comme la piece étoit fort avancée, il crut pouvoir aller jusqu’au bout sans se faire beaucoup de tort ; mais le zêle qu’il avoit pour le public, eut une suite bien cruelle pour lui ; car dans le temps qu’il disoit de la ruë-barbe, & du scené dans la ceremonie des Medecins, il lui tomba du sang de la bouche ; ce qui ayant extremement effrayé les spectateurs & ses camarades, on l’emporta chez lui fort promptement, où sa femme le suivit dans sa chambre.