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127. (1901) Molière moraliste pp. 3-32

Qu’il s’agisse d’un père égoïste qui veut marier sa fille contre son gré ; d’un tuteur égoïste qui prétend s’imposer comme époux à sa pupille ; d’un médecin qui fait périr dans les règles ses malades à grand renfort de purges et de saignées ; d’un dévot qui subordonne aux devoirs envers le ciel les sentiments humains et sympathiques, Molière n’a qu’un cri : « Vous offensez la nature. » Dans un siècle où la discipline catholique tendait à régir toutes les consciences, où le dogmatisme, la casuistique, le formalisme, la prétendue tradition encombraient toutes les branches de la science, opprimaient tous les efforts de la pensée, Molière, poursuivant l’œuvre d’une partie des écrivains du xvie  siècle et préludant à celle des philosophes du xviiie  siècle, mais conservant un sens positif de la discipline humaine qui ne se retrouvera guère que, de nos jours, chez Comte et ses disciples, défend hardiment la nature et la raison. […] La femme a des devoirs à remplir dont le premier est de rester honnête, mais le meilleur moyen de fortifier en elle les sentiments de l’honneur est tout d’abord de la laisser librement choisir un époux et plus tard de lui accorder une certaine indépendance, par suite une responsabilité morale : Leur sexe aime à jouir d’un peu de liberté ; On le retient fort mal par tant d’austérité ; Et les soins défiants, les verrous et les grilles Ne font pas la vertu des femmes et des filles : C’est l’honneur qui les doit tenir dans le devoir. Or, aux yeux de Molière, l’honneur est un sentiment naturel, comme l’amour.

128. (1870) La philosophie dans le théâtre de Molière (Revue chrétienne) pp. 326-347

Mais, on le sait, l’amour n’aime pas trop les généralités, surtout les abstractions, et ce tendre sentiment à l’égard de l’antiquité avait bientôt fini par se concentrer dans une ardente passion pour Aristote : Aristote, expression, représentation, personnification, incarnation de la philosophie et de l’école au dix-septième siècle. […] Tourmenté cependant par le sentiment plus ou moins obscur de sa vocation, il cherchait sa voie, sérieux et pensif. […] Il a senti l’impérieux besoin de laisser déborder tous les sentiments que la cruelle expérience avait amassés dans son âme.

129. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Il n’avait pas lu ce qu’elle dit de Mithridate : « C’est une pièce charmante, on y est dans une continuelle admiration ; on la voit trente fois, et on la trouve plus belle la trentième que la première. » Il n’avait pas lu enfin ce qu’elle dit d’Esther, ni remarqué ce sentiment profond des beautés nouvelles que Racine avait puisées dans l’histoire sainte, ni le pressentiment qu’elle conçut d’une pièce du même genre encore plus parfaite, pressentiment qui fut réalisé par Athalie. […] Cette porte leur est fermée, et la mienne aussi… C’est le sentiment que j’aurai toujours pour un homme qui condamne le beau feu de Benserade, et qui ne connaît pas les charmes des fables de La Fontaine.

130. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

Soit inconstance naturelle et besoin de nouveauté, soit réaction du présent, toujours en révolte contre un passé dominateur, les contraires se succèdent sans cesse dans les sentiments et dans les opinions de la partie désœuvrée de la nation française.

131. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VIII » pp. 70-76

Sans parler d’une multitude de vers répandus dans les odes d’Horace et dans les satires, comme celui-ci : Nam fuit ante Helenam cunnus teterrima belli Causa, le chant séculaire (carmen seculare), ouvrage solennel, hymne national, renferme des expressions dont la propriété et la spécialité, relevées pour les Romains par les sentiments d’un patriotisme religieux, seraient pour nous insupportables.

132. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE PREMIER. Des différents Genres en général. » pp. 1-8

une Beauté sensible, que les premiers soupirs du sentiment font évanouir ?

133. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE IV. Des Comédies-Ballets. » pp. 37-44

Paris en jugea moins favorablement ; il la vit séparée des ornements qui l’avoient embellie à la Cour : & comme le spectateur n’étoit ni au même point de vue ni dans la situation vive & agréable où s’étoient trouvés ceux pour qui elle étoit destinée, il ne tint compte à l’auteur que de la finesse avec laquelle il développe quelques sentiments du cœur, & l’art qu’il emploie pour peindre l’amour-propre & la vanité des femmes ».

134. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VIII. Les Fedeli » pp. 129-144

On voit quels sentiments édifiants animaient le directeur des Fedeli.

135. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIX » pp. 207-214

Trop souvent même, c’est sympathiser avec le sentiment général ; c’est au moins imiter quelque noble exemple.

136. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVIII. » pp. 357-396

Je vous prie, & par ce qu’il y a de plus sacré, je vous conjure, vous tous qui me dévorez des yeux, jettez un peu d’eau dans le brasier qui me consume ; assistez-moi ; faites-moi voir le scélératissime qui m’a arraché l’ame, qui m’a emporté le cœur en chair & en os : montrez-le-moi parmi tant de gens assis, qui, sous les dehors de l’honnête homme, cachent tous les sentiments du frippon. […] Dites-moi, mon voisin, quel sentiment avez-vous de ma famille ? […] Nous avons parlé de ce chef-d’œuvre assez long-temps, & peut-être trop, au sentiment de quelques personnes ; mais tant pis pour elles.

137. (1852) Légendes françaises : Molière pp. 6-180

Peut-être crut-il que, par le contraste de ce rôle d’Arnolphe et de sa propre conduite, il ferait sentir à sa jeune épouse ce qu’il y avait de cruel dans sa vie légère, et qu’il la ramènerait ainsi à de meilleurs sentiments. […] La comédie, c’était la consolation pour Molière, il y donnait cours à tous ses sentiments, la fiction était le côté vrai, le côté éternel de son âme, tout le reste était éphémère. […] Un sentiment sacré, le respect de la famille, l’avait seul inspiré. […] Qui, plus que lui, a vulgarisé le bon sens et fortifié le sentiment du vrai dans le peuple ? […] Elles lui prodiguèrent, à ce dernier moment de sa vie, tout le secours édifiant que l’on pouvait attendre de leur charité, et il leur fit paraître tous les sentiments d’un bon chrétien, et toute la résignation qu’il devait à la volonté du Seigneur.

138. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVIII » pp. 198-205

Je me bornerai à remarquer dans cet ouvrage quelques sorties contre les précieuses, des mots grossiers qui reproduisent vingt fois une idée grossière, une scène licencieuse depuis longtemps interdite au théâtre, Arnolphe (c’est le vieillard), après un entretien avec Agnès dont la simplicité l’enchante, adresse cette apostrophe aux précieuses : Héroïnes du temps, mesdames les savantes, Pousseuses de tendresse et de beaux sentiments, Je défie à la fois tous vos vers, vos romans, Vos lettres, billets doux, toute votre science, De valoir cette honnête et pudique ignorance.

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