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155. (1706) Lettre critique sur le livre intitulé La vie de M. de Molière pp. 3-44

Il y en a quelques-unes qui peuvent faire rire les gens qui s’amusent de peu de chose. […] Elle est entièrement épisodique, et je n’y vois pas le mot pour rire.

156. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE VIII. Le Mariage. » pp. 145-165

Quand don Juan fait sa belle tirade contre le mariage et le faux honneur d’être fidèle, quand il demande à Sganarelle, ébloui par son éloquence sophistique, ce qu’il a à dire là-dessus, le timide bon sens de Sganarelle répond : « Ma foi, j’ai à dire… Je ne sais que dire : car vous tournez les choses d’une manière qu’il semble que vous avez raison, et cependant il est vrai que vous ne l’avez pas… Je suis tant soit peu scandalisé de vous voir tous les mois vous marier comme vous faites, et vous jouer ainsi d’un mystère sacré502… » Et quand Sganarelle n’est pas bridé par la crainte, il ne se gêne pas pour appeler cet épouseur à toutes mains « le plus grand scélérat que la terre ait jamais porté, un enragé, un chien, un diable, un turc, un hérétique, qui ne croit ni ciel, ni saint, ni Dieu, ni loup-garou503 ; qui passe cette vie en véritable bête brute ; un pourceau d’Épicure, un vrai Sardanapale, qui ferme l’oreille à toutes les remontrances chrétiennes qu’on lui peut faire, et traite de billevesées tout ce que nous croyons504. » Qui ne rit encore, en repensant au refrain terrible qui met en fuite le pauvre Pourceaugnac : La polygamie est un cas, Est un cas pendable505 ? […] Si la nature y manque, c’est l’École des Maris ou l’École des Femmes 522 ; — si la raison, c’est « le beau mariage de la jeune Dorimène, fille du seigneur Alcantor, avec le seigneur Sganarelle, qui n’a que cinquante-trois ans… 0 le beau mariage, qui doit être heureux, car il donne de la joie à tout le monde, et fait rire tous ceux à qui on en parle523 ; » — si l’amour Savez-vous bien qu’on risque un peu plus qu’on ne pense À vouloir sur un cœur user de violence ; Qu’il ne fait pas bien sûr, à vous le trancher net, D’épouser une fille en dépit qu’elle en ait ; Et qu’elle peut aller, en se voyant contraindre, À des ressentiments que le mari doit craindre524 ?

157. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XI. » pp. 218-250

Don Juan rit de ses menaces. […] Celui-ci rit de la bizarrerie de cet ordre, & l’exécute. […] Don Juan s’applaudit d’avoir alarmé Patricio, & rit de la sottise des paysans, qui sont délicats sur leur honneur, & semblent toujours le tenir à deux mains.

158. (1706) Addition à la Vie de Monsieur de Molière pp. 1-67

Si mon Censeur ne s’en est pas aperçu, ce n’est point ma faute ; et s’il s’imagine que je n’ai rapporté tous ces traits que pour faire rire, il se trompe fort. […] Pourquoi, dit-il, faire rire le Lecteur en lisant la Vie d’un Homme si grave ? […] À tout prendre néanmoins cet Ouvrage pourrait avoir le plus grand nombre de son côté ; il amuse les petits Lecteurs ; il y a des aventures qui font rire : il y a des noms en blanc, cela excite la curiosité, et fait bien souvent le mérite d’un Livre.

159. (1862) Corneille, Racine et Molière (Revue chrétienne) pp. 249-266

Il dit cette verve inépuisable, que l’âge ne fit qu’augmenter; ce flot toujours montant, toujours bouillonnant, ce rare suprême, inextinguible, de rire des dieux, comme a dit Sainte-Beuve, ce jet continu d’étourdissante gaieté. […] Pendant que sa verve se répandait ainsi en un rire sans fin, la tristesse de son cœur allait croissant avec la gaieté de son génie ; le contraste entre le rire et les pleurs devint chaque jour plus intense jusqu’à celui où Molière, au sortir d’une représentation comique, tomba mourant dans les bras de deux religieuses qu’il avait comblées de ses bienfaits. » La vie de Molière, comme celle de Racine, se réfléchit dans son œuvre.

160. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVII. M. DORAT. » pp. 463-467

L’Auteur minutieux en est indigné ; l’homme de génie en rit.

161. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre premier. » pp. 5-11

Peut-être Molière, entraîné par cette sympathie si vive en lui, ne s’appliqua-t-il pas assez à discerner, dans les mœurs dont le public était disposé à rire, le vrai du faux, l’exagération d’avec le naturel noble et choisi, et les affectations hypocrites d’avec un juste éloignement pour l’impudence du vice.

162. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XV. M. DE CHAMFORT. » pp. 420-441

Belti est enchantée de retrouver son ami après quelques instants d’absence : tout le monde l’a assiégée pour lui faire des questions ; elle a répondu de son mieux ; elle a remarqué avec plaisir qu’on rioit ; elle est surprise de ne voir pas rire Belton ; elle lui demande le sujet de sa tristesse : Belton lui dit qu’elle est causée par sa misere ; qu’il va bientôt manquer de tout ; qu’il n’a point d’or. […] Tantôt elle se divertissoit à lui découvrir le sein & à le regarder, ou à se moquer de lui & à rire lorsqu’il vouloit le cacher.

163. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

Mais quand tout vous rit, et que le monde est bien infatué de vos richesses, il faut prendre à toute main l’argent qu’on vous offre, faire grande dépense à l’ordinaire ; et puis un beau matin, après avoir mis tous vos meilleurs effets dans une cassette, déloger à petit bruit, et donner ordre à votre portier de dire à tout le monde qu’on ne sait où vous êtes allé. […] Il faut parler toujours sans rien dire pour sembler spirituelle ; rire sans sujet pour paraître enjouée ; se redresser à tout moment pour étaler sa gorge ; ouvrir les yeux pour les agrandir, se mordre les lèvres pour les rougir ; parler de la tête à l’un, de l’éventail à l’autre ; donner une louange à celle-ci, un lardon à celle-là ; enfin, badiner, gesticuler, minauder 60 . » L’arrivée du printemps, qui amène le départ des officiers, jette le désarroi dans le monde des promeneuses, et les force à se rabattre sur les robins et les petits collets fort peu demandés en hiver : Heureux les bourgeois de Paris, Quand le plumet court à la gloire !

164. (1739) Vie de Molière

Le Médecin malgré lui soutint Le Misanthrope : c’est peut-être à la honte de la nature humaine, mais c’est ainsi qu’elle est faite ; on va plus à la comédie pour rire, que pour être instruit. […] Ils me regardent tous, et se mettent à rire. […] Voici ce qu’on trouve dans le prologue de cette critique : Molière plaît assez, c’est un bouffon plaisant, Qui divertit le monde en le contrefaisant ; Ses grimaces souvent causent quelques surprises ; Toutes ses pièces sont d’agréables sottises : Il est mauvais poëte, et bon comédien ; Il fait rire, et de vrai, c’est tout ce qu’il fait bien. […] Mais la folie du bourgeois est la seule qui soit comique, et qui puisse faire rire au théâtre : ce sont les extrêmes disproportions des manières et du langage d’un homme, avec les airs et les discours qu’il veut affecter, qui font un ridicule plaisant ; cette espèce de ridicule ne se trouve point dans des princes ou dans des hommes élevés à la cour, qui couvrent toutes leurs sottises du même air et du même langage ; mais ce ridicule se montre tout entier dans un bourgeois élevé grossièrement, et dont le naturel fait à tout moment un contraste avec l’art dont il veut se parer.

165. (1821) Notices des œuvres de Molière (VI) : Le Tartuffe ; Amphitryon pp. 191-366

Nous rirons des Italiens qui, voulant absolument que Molière n’ait jamais fait autre chose que broder leurs vieux canevas, n’ont pas été plus embarrassés de trouver dans leur théâtre l’original du Tartuffe que celui du Cocu imaginaire. […] Le dieu rit, convient de tout, et s’envole dans les cieux6. […] Molière plaît assez, son génie est folâtre, Il a quelque talent pour le jeu du théâtre, Et, pour en bien parler, c’est un bouffon plaisant, Qui divertît le monde, en le contrefaisant ; Ses grimaces souvent causent quelques surprises ; Toutes ses pièces sont d’agréables sottises ; Il est mauvais poète, et bon comédien ; Il fait rire, et, de vrai, c’est tout ce qu’il fait bien.

166. (1901) Molière moraliste pp. 3-32

Il est fort bien fait cependant, ce sonnet à Philis, dont les deux derniers vers sont passés en proverbe et qui, pris dans son ensemble, ne prête à rire en aucune façon. […] Son rire clair, joyeux, puissant, sonne dans ces deux vers : Oui, ma foi, là-dessus, Une sotte en sait plus que le plus habile homme ! […] Tout heureux qu’il puisse être de se voir habillé à la dernière mode de la Cour, il éprouvera quelque gêne en entendant Nicole rire de lui, et le contrôle de toutes ses actions par deux femmes de tête fait admirablement ressortir aux yeux du public tous les ridicules du bourgeois gentilhomme.

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