Dufresny a dit : « Ce n’est pas étendre la carriere des Arts que d’admettre de nouveaux genres ; c’est gâter le goût ; c’est corrompre le jugement des hommes, qui se laisse aisément séduire par les nouveautés, & qui, mêlant ensuite le vrai avec le faux, se détourne bientôt, dans ses productions, de l’imitation de la nature, & s’appauvrit en peu de temps par la vaine ambition d’imaginer & de s’écarter des anciens modeles ».
. — Comment, Monsieur, vous prétendez m’arracher un aveu de cette nature ?
Si les Médecins de notre tems ne connoissent pas mieux la nature, ils connoissent mieux le monde, & sçavent que le grand art d’un Médecin, est l’art de plaire.
Il y a en effet dans Amphitryon plus d’une période chargée d’expressions parasites, tandis que dans les Femmes savantes il serait bien difficile de rencontrer des expressions de cette nature.
De toutes les imitations, celles qu’on fait d’après la nature même sont les meilleures & les plus flatteuses pour l’Auteur ; mais dans celle-ci Moliere s’est borné sans doute à copier l’habit ou l’allure de son Limousin, puisque tout ce qui arrive au héros de la piece est imité de deux autres comédies, & d’un roman de Scarron.
S’il y a une puissance dégradante, c’est celle du génie qui se consacre à persuader aux hommes que leur noble et presque divine nature n’est autre que la nature sans gêne des bêtes, plus heureuses que nous d’ignorer les contraintes de la décence et de la morale654 : — puissance d’autant plus criminelle qu’elle s’impose invinciblement aux cœurs fascinés ; d’autant plus impardonnable qu’elle peut, si elle veut, élever aussi haut les âmes vers le bien, qu’elle les abîme profondément dans le mal655.
Le moyen qu’il propose consisterait à faire contraster avec Armande et Philaminte, au lieu de Chrysale (qui, soit dit en passant, ne contraste pas avec elles), « une femme jeune et aimable (ici je transcris), qui eût reçu, du côté des connaissances et de l’esprit, la meilleure éducation, et qui eût conservé toutes les grâces de son sexe ; qui sût penser profondément et qui n’affectât rien ; qui couvrît d’un voile doux ses lumières, et eût toujours un esprit facile, de manière que ses connaissances acquises parussent ressembler à la nature ; qui… ». […] Voilà les contrastes tels que les donne la nature, et que Molière les savait imiter. […] La nature ne leur a refusé ni à l’un ni à l’autre le jugement et la sensibilité ; ils ont même encore quelquefois, en ce qui ne touche pas leur manie, des lueurs de raison et des retours de tendresse pour leurs enfants. […] Ils trouvent, dans la nature plus élevée, plus délicate de leur ministère, un préservatif contre la tentation d’en abuser : plus coupables s’ils prévariquaient, ils le sont moins souvent par cette raison même.
Il est plus difficile dans un Ouvrage de cette nature que dans d’autres de communiquer à une Version toutes les beautez de l’Original. […] C’est comme à l’égard des productions de la nature, où generatio unius est corruptio alterius.
Ceux qui par leur nature ne sauroient remplir une grande piece, ou y occuper la premiere place, peuvent cependant jouer un rôle essentiel entre les mains d’un habile homme. […] A la premiere représentation de Dupuis & Desronais, quelques personnes soutenoient dans le parquet, que le rôle du pere n’étoit pas dans la nature.
Dom Juan, le héros de la piece, est un scélérat, pour qui la religion, la probité, les mœurs la nature n’ont rien de sacré, qui se moque des justes réprimandes de son pere, qui se fait un jeu de séduire l’innocence de vingt jeunes beautés qu’il sacrifie à son libertinage.
Je veux me répéter le moins qu’il me sera possible ; ce qui n’est pas facile, vu la nature de mon ouvrage.
Tout cela est dans la nature.