L’art fut tantôt d’y tourner en qualités jusqu’aux défauts87, tantôt de se peindre soi-même par des nuances où la modestie n’était que de l’amour-propre, parfois de montrer une malignité qui ne blessât pas la politesse. […] Le poète voulant nous montrer les contrecoups du vice paternel dont il est la première victime, il faut nous résigner à la gradation qui le mène de la colère à l’impertinence et à la révolte. […] Or, cette vérité cruelle est précisément la leçon que Molière met en scène ; car la comédie, étant l’image de la vie, n’est pas plus édifiante qu’elle, et son enseignement, comme celui de l’expérience, qui ne corrige guère, ne vise qu’à montrer les vices punis par les vices. […] Sœurs de Cathos et de Madelon, Philaminte, Armande et Bélise se montrent également entichées de beau langage, travaillées du désir de briller, pleines d’admiration pour elles-mêmes, de dédain pour les autres, et engouées d’un sot qui recouvre un coquin méprisable. […] Les ridicules de sa femme lui sautent aux yeux, mais il se garde bien de les gourmander en face : sa sœur, la pauvre Bélise, payera pour Philaminte ; c’est sur elle que se soulage, que se déploie sa bravoure : car les choses en viennent à ce point qu’il se décide enfin à se montrer, à déclarer la guerre.
Tous ces grands défauts à la correction desquels on veut qu’il se soit appliqué, ne sont pas tant des qualités vicieuses ou criminelles que quelque faut goût, quelque sot entêtement, quelques affectations ridicules, telles que celles qu’il a reprises assez à propos dans les prudes, les précieuses, dans ceux qui outrent les modes, qui s’érigent en marquis, qui parlent incessamment de leur noblesse, qui ont toujours quelque poésie de leur façon à montrer aux gens.
Puisqu’on veut à toute force rendre Molière à la tendresse des affections privées, que ne nous montrait-on dans la même ville la maison où il naquit , sous les piliers des halles, et la maison où mourut, rue Richelieu ?
A l’acte I, sc. 4, le prétexte plus dramatique invoqué par Mascarille pour parler à Célie ; à l’acte I, sc. 5 et suivantes, l’épisode de Mascarille volant sa bourse à Anselme : encore paraît-il avoir été suggéré par un passage de l’Emilia, où Polidoro — aussi bien qu’Anselme — annonce qu’il vient de recevoir de l’argent ; à l’acte III, sc. 1 à 4, Mascarille calomniant Célie pour en dégoûter Léandre ; à l’acte III, sc. 5 à 9, le déguisement de Mascarille et de Léandre en masques au lieu du déguisement en serruriers que contenait l’Inavvertito : Barbieri ne nous montrait pas non plus Cintio (Léandre) arrosé par Trufaldin d’une « cassolette » aux fâcheux parfums ; à l’acte IV, sc. 1 et 2, Lélie transformé, pour pénétrer chez Trufaldin, en Arménien qui a vu le fils de ce dernier en Turquie ; à l’acte IV, sc. 6, Mascarille rossant Lélie, et pour se venger enfin de son maître et pour inspirer confiance à Trufaldin ; à l’acte V, sc. 9, la reconnaissance romanesque que Molière a substituée à une autre reconnaissance et aux piquantes scènes qui la suivaient dans l’Inavvertito.
Tout eût été expliqué dans les épisodes qui semblent se présenter sans raison, et la pièce eût surtout gagné par sa fin, qui eût été faite avec la poursuite des apothicaires ; ces apothicaires sont la gaieté ; le rire disparaît quand il sont partis ; ils ne devraient donc point se montrer au premier acte, car ils tuent l’élément comique pour le reste de la soirée, et ils formeraient un finale brillant, croissant en gaieté, tandis que le troisième acte actuel s’éteint dans l’ennui d’un rire forcé et trop prolongé. […] La logique des divertissements, l’enchaînement des paroles italiennes et de la musique, accusent un remaniement ou montrent, tout au moins, qu’à un moment donné il y a eu quelque chose qui a existé autrement.
Messieurs des États se montrèrent peu sensibles à la bonne fortune que le poète leur avait ménagée. […] De tels exemples montrent que le génie n’a rien de commun avec les privilèges que s’attribue la vanité naïve, et nous apprennent à quel prix on s’élève au-dessus du reste des hommes. […] Il va montrer maintenant qu’une ignorance excessive chez les femmes n’est pas un meilleur moyen d’obtenir ce résultat. […] Molière, voulant montrer sans doute qu’il ne méconnaissait pas les droits de la satire, lors même qu’elle s’exerçait contre lui, alla voir jouer cette pièce et se plaça sur le théâtre, selon la coutume du temps. […] Il se montrait, lui et toute sa troupe, dans le travail des répétitions, sans noms d’emprunt, chacun dans son costume de ville, chacun avec sa personnalité réelle et son propre caractère.
Il vous en montrera en moins d’une heure autant qu’il en faut pour vous tirer d’affaire . . . .
On conçoit aisément quel fut l’étonnement des soupirants, lorsque M. des Forges vint à Paris se montrer à tous ses adorateurs.
Sauf quelques mots qui sentent leur don Juan et qui montrent à nu l’élève enjoué de Lucrèce et de Gassendi, nous n’avons mis la main que sur quelques jovialités burlesques ; mais il s’attache un intérêt si vif et si légitime à tout ce qu’on peut croire sorti de la plume de l’auteur du Misanthrope, que nous n’hésitons pas à faire confidence au public de ce que nous appellerons notre trouvaille, pour ne pas abuser, comme on fait chaque jour, et pour beaucoup moins, du grand mot de découverte.
Parfois aussi, lorsque les pièces devinrent très compliquées, très chargées de personnages et d’incidents, les canevas entraient dans tous les détails de l’action ; la trame était tissue avec soin ; à l’acteur d’y broder les arabesques d’une libre fantaisie, suivant la disposition du moment et celle que montrait le public.
Le besoin de vengeance pour la cour et pour lui-même, et de précaution contre des malveillances au moins incommodes, se montrent fort à découvert dans des scènes où paraissent les deux savants et surtout dans celle où Clitandre, homme de la cour, les traite avec le plus insultant mépris.
Cette fois, les États montrèrent moins de générosité. […] Tels qu’ils sont, ils se montrent ; et, rien qu’en se montrant, ils font ressortir, ils mettent dans son jour la complaisance universelle et un peu vile de Philinte, l’égoïsme féroce d’Arnolphe, la sottise de M. […] Nos troubles l’avaient mis sur le pied d’homme sage, Et pour servir son prince il montra du courage. […] Ce qu’il a voulu nous montrer, n’est-ce pas qu’en nous enseignant à n’avoir « d’affection pour rien », la religion nous enseignait à nous détacher, non pas tant de nous-mêmes que de ces sentiments humains qui font le prix de la vie ?