L’étude et le goût de la langue espagnole s’étant introduits en France à la suite d’une reine, Anne d’Autriche, les auteurs dramatiques de sa nation étaient devenus familiers à ceux de la nôtre, qui puisèrent à l’envie des sujets dans les innombrables productions de Lope de Vega, de Calderon et de leurs disciples.
« On ne voit pas, disait-il, que Plaute ni Térence estropient la langue en faisant parler des villageois.
Monseigneur, humblement supplie Hector Criquet, Et vous remontre en ce placet, Qu’il montre l’éloquence & la philosophie, Les langues, le blason & la géographie, La médecine & les loix, La marine & l’astrologie, La guerre & la magie, Et mille autres arts à la fois.
Le critique français, qui y est fort habitué, distingue aussitôt s’il exprime le sentiment ou s’il en dissimule l’absence, car il sert également à cette double fin ; le critique allemand habitué au contraire à entendre l’amour parler une langue à part, une langue idéale, née des exaltations solitaires de l’âme, a peine à s’y reconnaître. […] Du Bellay, le second de Ronsard, en appelant la France à une nouvelle activité littéraire, en traça d’avance le programme, dans un catéchisme poétique, connu sous le nom de Défense et illustration de la langue française. […] Il faudrait chercher pour trouver dans Molière des vers où la pensée se dénature et s’altère comme dans ceux-ci : Sans la langue, en un mot, l’auteur le plus divin Est toujours, quoi qu’il fasse, un méchant écrivain. […] Partout le moyen âge est double : partout il renferme deux sociétés, deux civilisations, deux sciences, deux langues.
La latinité d’Apulée, comme celle de tous les Africains qui ont écrit dans la langue des Romains, est rude, obscure, remplie de termes à la fois barbares et affectés ; mais ses idées sont plus naturelles que ses expressions ; son style, infecté des vices communs à son siècle et propres à son pays, brille néanmoins de toutes les qualités d’un esprit vif et gracieux, éloquent et poétique.
Destouches s’est singularisé par la quantité des noms qui ont quelque affinité avec la langue grecque & latine, ou qui en sortent directement, sur-tout de la grecque : en voici une liste.
On parlait dans les halles de Paris une langue à part, câline et violente à la fois : M. le cardinal de Retz en savait toutes les finesses ; madame de Sévigné, malgré son maître Ménage, n’en était pas tout à fait ignorante.
Une voix sourde, des inflexions dures, une volubilité de langue qui précipitait trop sa déclamation, le rendaient de ce côté fort inférieur aux acteurs de l’Hôtel de Bourgogne. […] À l’Hôtel * le sieur Floridor, Lequel, quand il lui plaît, dit d’or, Fit admirer sa belle langue, En une fluide harangue, Touchant cette nativité, Qui cause notre gaieté. […] On peut hardiment avancer que les discours de Cléante, dans lesquels la vertu vraie et éclairée est opposée à la dévotion imbécile d’Orgon, sont, à quelques expressions près, le plus fort et le plus élégant sermon que nous ayons en notre langue ; et c’est peut-être ce qui révolta davantage ceux qui parlaient moins bien dans la chaire que Molière au théâtre… Presque tous les caractères de cette pièce sont originaux ; il n’y en a aucun qui ne soit bon, et celui du Tartuffe est parfait : on admire la conduite de la pièce jusqu’au dénouement ; on sent combien il est forcé, et combien les louanges du roi, quoique mal amenées, étaient nécessaires pour soutenir Molière contre ses ennemis. » a.
Quelques voisins m’ont dit qu’un jeune homme inconnu Etoit en mon absence à la maison venu, Que vous aviez souffert sa vue & ses harangues ; Mais je n’ai point pris foi sur ces méchantes langues, Et j’ai voulu gager que c’étoit faussement.
De semblables Critiques n’empêcherent pas le cours de l’Amphitryon, que tout Paris vit avec beaucoup de plaisir, comme un spectacle bien rendu en nôtre langue, & à nôtre goût. […] Il avoit contracté par habitude le hoquet dont je viens de parler : Dans les commencemens qu’il monta sur le Theâtre, il reconnut qu’il avoit une volubilité de langue, dont il n’étoit pas le maître, & qui rendoit son jeu desagreable. […] Volume de cette Edition, page 464. il ne seroit pas facile de justifier Moliere du reproche que le même Critique lui fait d’avoir quelquefois negligé la pureté de la langue, dans les vers où il devoit être le plus exact ; mais c’est dans cette occasion, ou jamais, qu’on doit dire avec Horace, Hic ubi plura nitent in carmine non ego paucis Offendar maculis, &c.
De là cette franchise, parfois même cette crudité d’une langue hardie, passionnée, pittoresque, primesautière, indépendante, toute populaire, et dont le relief, la couleur, et l’opulence nous font penser à Villon, à Rabelais, à d’Aubigné, à Régnier, j’allais dire à Bossuet (car Molière a la même ampleur), à Saint-Simon (car il est son égal par l’imagination, et le surpasse par la science du choix ou de la mesure). […] Pour être reine dans son art, il ne lui manque donc que le désintéressement ; elle nous ferait même croire à son cœur, tellement elle est comédienne habile ; mais si elle ne s’en soucie guère (car elle est avant tout jalouse de sa liberté), nous ne lui refuserons pas du moins le goût, le naturel, le sens du vrai, la pleine possession d’elle-même, j’allais dire une raison nette et alerte, qui se trahit jusque dans la verdeur de sa langue toute gauloise, dont les vivacités involontaires rappellent la plume de Mme de Sévigné63. […] Nous serions donc tentés de récuser sa compétence, lorsqu’il apprécie avec son goût personnel cette langue si drue, si spontanée, si franche et si populaire, qui sait tout dire par le trait le plus énergique et le plus expressif.
de Voltaire, que les discours de Cléante, dans lesquels la vertu vraie & éclairée est opposée à la dévotion imbécille d’Orgon, sont, à quelques expressions près, le plus fort & le plus élégant sermon que nous ayons en notre langue : & c’est peut-être ce qui révolta davantage ceux qui parlaient moins bien dans la chaire, que Moliere au théâtre.