Pour moi, si j’ai le bonheur de retourner dans mon pays, j’emploierai tout le pouvoir que j’ai sur l’esprit paternel pour le porter à se faire un plaisir de te tirer d’esclavage. […] Effectivement, quand je fais réflexion, je me souviens, mais confusément, & comme si un nuage m’avoit passé par l’esprit, oui, je me souviens d’avoir oui dire que mon pere s’appelloit Hégion, &c. […] « C’est la foiblesse, l’impuissance, la stérilité de nos Auteurs, dit l’Abbé Desfontaines, qui ont fait inventer les comédies larmoyantes, parcequ’il ne faut pour cela ni esprit ni génie. […] Des esprits médisants la malice est extrême.
Son esprit est rusé, Et peut-être à surprendre il sera mal-aisé. […] que votre amour en vrai tyran agit, Et qu’en un trouble étrange il me jette l’esprit !
Je prends trop sur moi pour que l’esprit et le corps n’y succombent pas, peut-être tous les deux. » Vous avez l’explication de cette mélancolie dans un mouvement de jalousie dont ne se défend pas l’amour le plus chaste. […] Il y avait du bon esprit à prendre ce parti.
Ce vieillard était homme de grand sens, puisqu’il était ainsi frappé de la supériorité du nouveau genre tenté par Molière, sur celui dans lequel ses devanciers et lui-même jusqu’alors s’étaient renfermés ; mais Ménage fit preuve d’une candeur plus admirable encore, lorsqu’il reconnut de si bonne grâce une longue erreur de son esprit, et qu’il fit si complètement le sacrifice de son amour-propre à la vérité qui venait le désabuser. […] En effet, si le faux bel esprit ne fut pas anéanti du coup que lui avait porté Molière, du moins il cessa de dominer, de triompher, d’insulter publiquement à la raison et au bon goût, enfin, de former un parti puissant devant lequel celui du véritable esprit osait à peine se montrer. […] De l’intérêt, mais du romanesque ; de la grandeur, mais de l’enflure ; de l’esprit, mais de la subtilité, tels étaient les qualités et les défauts qu’offraient les originaux, et que ne reproduisaient pas toujours également les imitations. […] L’Isabelle de Molière occupe presque toujours la scène avec esprit et avec grâce, et mêle quelquefois de la bienséance, même dans les tours qu’elle joue à son tuteur. […] Il avait peu d’esprit et était fort distrait.
Un courroux si constant, pour l’ombre d’une offense, M’a trop bien éclairci de votre indifférence ; Et je dois vous montrer que les traits du mépris Sont sensibles, sur-tout aux généreux esprits. […] Oui, oui, n’en parlons plus ; Et, pour trancher ici nos propos superflus, Et vous donner, ingrate, une preuve certaine Que je veux sans retour sortir de votre chaîne, Je ne veux rien garder qui puisse retracer Ce que de mon esprit il me faut effacer. […] Et vous voyez cela d’un esprit satisfait ? […] C’est le visible effet d’une agréable cause : C’est un enthousiasme, un puissant attractif, Qui rend individu le passé & l’actif, Et qui dans nos esprits domptant la tyrannie, Forme le plus farouche au goût de son génie. […] On a grand tort De vouloir que l’esprit s’éteigne par la mort.
Le fourbe, une fois installé chez sa dupe, acheve si bien de s’emparer de son esprit, qu’elle veut lui donner en mariage Mariane sa fille Tartufe, peu content de ses bontés, tente de séduire Elmire sa femme ; il lui fait une déclaration. […] Elmire tâche de ramener l’esprit trop prévenu de son mari. […] Il fut porté par terre, roué de coups, & y auroit perdu la vie, si Montufar, par une présence d’esprit admirable, n’eût pris sa protection, le couvrant de son corps, écartant les plus échauffés à le battre, & s’exposant même à leurs coups. […] Pour moi, je pense Que vous perdez l’esprit par cette extravagance ; Et je vous ai laissé tout du long quereller, Pour voir où tout cela pourroit enfin aller. […] On appelle Don Gili en Italie les Missionnaires qui exercent leur ministere dans les places publiques, parceque l’un d’eux fait le niais, le gilles, pour faire ressortir l’esprit & les bonnes raisons de son camarade.
Il la recommande aux Romains ; la politesse exquise de son esprit en avait conçu les lois : mais la chose était hors des mœurs générales ; le mot décence n’existait même pas ; pour l’en tenir lieu, Cicéron emploie cette locution : quod decet . […] La pureté du goût est une qualité de l’esprit ; c’est un tact qui peut, bien que difficilement, s’acquérir par l’affinage de l’intelligence : au lieu que la pureté des mœurs est le résultat d’habitudes sages, dans lesquelles tous les intérêts de l’âme sont entrés et se sont mis d’accord avec les progrès de l’intelligence, C’est pourquoi l’accord du bon goût et des bonnes mœurs est plus ordinaire que l’existence du goût sans mœurs, ou des mœurs sans goût.
Il n’a pas surtout la même parenté d’esprit avec les auteurs comiques d’au-delà des Pyrénées qu’avec ceux d’au-delà des Alpes : lors même qu’il use des incidents et des ressorts que ceux-là peuvent lui procurer, sa comédie n’a jamais, ou bien rarement, l’allure ni le ton de la comédie espagnole. […] Or, parmi les villageois il y en avait un, nommé Puccio d’Aniello, à la face comique, au nez long, au teint hâlé, assez facétieux d’ailleurs, et d’esprit pointu.
La Fontaine était courtisan quand il disait d’un bâtard né d’un double adultère : Le fils de Jupiter devait, par sa naissance, Avoir un autre esprit et d’autres dons des cieux Que les enfants des autres dieux. […] Il était sage conseiller du roi quand il lui montrait ses flatteurs à La Cour du Lion, leur lâcheté envers Le Lion devenu vieux, leur bassesse dans Les Animaux malades de la peste ; le danger des maîtresses dans Le Lion amoureux ; l’esprit des courtisans, les uns à l’égard des autres, dans Le Lion, le Loup et le Renard ; le danger des petits ennemis dans Le Moucheron et le Lion ; la dissimulation des gens prudents à la cour des rois méchants, dans La Cour du Lion.
Il veut entrer chez lui : mais comme son fils y est en partie de débauche avec des musiciennes & des libertins, l’esclave Tranion persuade au pere de ne pas entrer dans sa maison : les esprits, lui dit-il, & les revenants s’en sont emparés, & lutinent tout le monde. […] On engage la vieille à se servir du pouvoir qu’elle a sur l’esprit du Baron pour obtenir sa grace. […] Le combat fini, les deux amis redevinrent bons amis, s’expliquerent, convinrent qu’ils avoient eu tort de se battre pour une fille dont l’esprit étoit aussi corrompu que le cœur, & jurerent en s’embrassant de ne plus la voir que pour la persiffler.
Lorsque le désespoir aveugle nos esprits, En vain de la raison le flambeau nous éclaire : L’homme prudent échoue où l’heureux téméraire Voit ses vœux insensés par le sort accomplis73. […] Je serois un ingrat, si je n’avouois avoir puisé dans ces repas quelques-uns des bons matériaux de mon ouvrage ; mais je trahirois la vérité, si je ne disois aussi que j’y ai entendu soutenir, avec tout l’esprit imaginable, & les raisons les plus convaincantes en apparence, les choses les plus manifestement contraires au goût. […] Si les Auteurs dramatiques, lorsqu’ils n’ont qu’une bonne scene à placer dans un acte, convenoient du moins avec courage que leurs forces ne s’étendent pas plus loin, s’ils ne nous donnoient qu’un acte composé d’une seule scene ou de deux, comme Plaute dans sa Persane, ils feroient un bien petit mal : mais ils ne veulent pas avouer leur foiblesse ; ils se croiroient déshonorés si leurs pieces n’avoient pas cinq actes, leurs actes cinq scenes, & leurs scenes une certaine longueur ; de sorte que pour faire disparoître les lacunes que laisse le génie, il faut appeller au secours l’esprit, qui les remplit à son ordinaire avec des sentences, des madrigaux, des épigrammes, des pointes, des exclamations, des dissertations amoureuses ou philosophiques, des scenes détachées, des personnages étrangers au sujet, des caracteres qui n’ont aucun rapport avec le principal.
Non pas assurément si on l’entend en ce sens, que l’influence personnelle de Louis XIV a formé le talent de Molière ; mais Bazin a voulu dire, et a eu raison de dire, que, de même que Louis XIV fut sensible à l’esprit bourgeois de Colbert, de même il n’a pas été fâché d’avoir dans le bourgeois Molière un complice contre les marquis. […] C’est ce qu’on ne peut affirmer ; mais c’est aussi ce qu’on ne peut nier, et elle a l’avantage en tout cas de nous rappeler une autre des origines, je ne dis pas du génie, mais de la disposition d’esprit de Molière: son caractère de bourgeois libertin et indépendant. […] Parmi ces débauchés et ces libres esprits, si l’on veut que Molière ait pris des leçons de philosophie, elles ont donc dû ressembler singulièrement à celles que le « petit Arouet » recevra plus tard à son tour de la vieille Ninon de Lenclos et des habitués de la société du Temple. […] Ainsi les caractères de cette langue sont bien les caractères du genre d’esprit et de la façon de vivre, de sentir ou de penser qu’elle traduit. […] Mais, sous l’influence de diverses causes, — développement de l’esprit de conversation, fortune de l’éloquence de la chaire et du théâtre — voici qu’entre 1610 et 1640 presque tous nos écrivains deviennent ce que l’on appelle aujourd’hui des auditifs, et leur style un style oratoire.