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167. (1800) De la comédie dans le siècle de Louis XIV (Lycée, t. II, chap. VI) pp. 204-293

Mais Molière est, de tous ceux qui ont jamais écrit, celui qui a le mieux observé l’homme, sans annoncer qu’il observait; et même il a plus l’air de le savoir par cœur que de l’avoir étudié. […] Ainsi; lorsqu’on voit Arnolphe, bien convaincu qu’Agnès aime Horace, faire aux pieds d’une enfant cent extravagances, quand on l’entend la conjurer d’avoir de l’amour pour lui, lui dire : Mon pauvre petit cœur, lu le peux si tu veux. […] II introduit sur la scène une Précieuse, qui en arrivant se jette sur un fauteuil, prête à s’évanouir d’un mal de cœur affreux, pour avoir vu cette méchante rapsodie de l’Ecole des Femmes. […] Son humeur satirique est sans cesse nourrie Par le coupable encens de; votre flatterie, Et son cœur à railler trouverait moins d’appas, S’il avait observé qu’on ne l’applaudit pas. […] Que c’est à tort que sages on nous nomme, Et que dans tous les cœurs il est toujours de l’homme.

168. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XII. Des Scenes. » pp. 223-249

Il est dans la nature que deux amants piqués expriment sur le théâtre tous les différents mouvements que leur passion fait éprouver à leur cœur. […] Son humeur satyrique est sans cesse nourrie Par le coupable encens de votre flatterie ; Et son cœur à railler trouveroit moins d’appas, S’il avoit observé qu’on ne l’applaudît pas. […] Enfin, s’il faut qu’à vous s’en rapportent les cœurs, On doit, pour bien aimer, renoncer aux douceurs, Et du parfait amour mettre l’honneur suprême A bien injurier les personnes qu’on aime.

169. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIII » pp. 109-125

Madame de la Sablière disait de lui : « Il m’a donné de l’esprit, mais j’ai réformé son cœur. »C’était à l’occasion des Maximes, publiées en 1665, qu’ils faisaient l’utile échange de leurs sentiments et de leurs pensées. […] En 1671, madame de Sévigné écrit à sa fille qu’elle a la première place dans son cœur, madame de La Fayette la seconde.

170. (1823) Notices des œuvres de Molière (VII) : L’Avare ; George Dandin ; Monsieur de Pourceaugnac ; Les Amants magnifiques pp. 171-571

L’avarice est un vice des âmes basses, des cœurs froids et des esprits faux. […] Cette comédie, qui fait aujourd’hui lever le cœur des garçons de boutique au parterre, et des filles de comptoir en loge, amusa beaucoup Louis XIV et sa cour, qui apparemment se connaissaient moins en bonne plaisanterie, et n’avaient pas un sentiment aussi délicat des bienséances. […] Il voulait des divertissements nombreux, variés et magnifiques : quoi de plus propre à les amener sur le théâtre, que la rivalité de deux princes qui se disputent, par ce moyen, le cœur d’une jeune princesse ? […] Dans les deux comédies, une grande princesse, dont la main est disputée par des rivaux à qui leur naissance permet d’y aspirer, et dont le cœur est en secret épris d’un jeune guerrier couvert de gloire, mais d’une condition obscure, qui l’adore en secret lui-même, s’en remet à cet amant du soin de choisir pour elle entre ses prétendants. […] Le principal rapport des deux pièces consiste dans l’intervention d’un personnage subalterne, mais assez bien venu à la cour, ici à titre de fou, là en qualité de bouffon, et qui, prenant en main les intérêts d’un amant timide, emploie tout ce que les prérogatives de son office lui donnent d’accès et de privauté auprès d’une princesse, pour sonder son cœur, s’assurer s’il ne renferme pas le germe d’une passion réciproque ; l’y déposer, s’il est nécessaire ; le développer par ses soins, et forcer enfin le double orgueil du rang et du sexe à confesser sa défaite.

171. (1844) La fontaine Molière (La Revue indépendante) pp. 250-258

Pour nous, ce n’est pas là l’homme triste et grave qui avait sondé tous les replis du cœur humain, qui avait percé de son regard tous les voiles sous lesquels se cachent les vices et les ridicules, puis était venu dire sur la scène avec toute la hardiesse du génie ce qu’il savait de la société humaine, et stygmatiser à jamais par le ridicule les misères et les perversités du cœur et de l’esprit.

172. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXI » pp. 220-221

Cependant, en considérant la position de Molière, et le plaisir que le roi prenait à diriger son talent, on se persuaderait sans peine qu’en approchant l’oreille des rideaux du roi, on sur prendrait quelques paroles dites à demi-voix, pour désigner à Molière ce caractère qui, bien que respecté au fond du cœur, avait quelque chose d’importun pour les maîtresses et pour les femmes qui aspiraient à le devenir.

173. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VIII. » pp. 144-179

Un ange entre les autres En prit de bonne grace : alors l’étudiant   Dit en son cœur, elle est des nôtres. […] Un jeune objet qui loge en ce logis, Dont vous voyez d’ici que les murs sont rougis : Simple à la vérité, par l’erreur sans seconde D’un homme qui la cache au commerce du monde ; Mais qui, dans l’ignorance où l’on veut l’asservir, Fait briller des attraits capables de ravir : Un air tout engageant, je ne sais quoi de tendre, Dont il n’est point de cœur qui se puisse défendre. […] « Il ne vous a pas fait une belle personne « Afin de mal user des choses qu’il vous donne ; « Et vous devez savoir que vous avez blessé « Un cœur qui de s’en plaindre est maintenant forcé. » Arnolphe, à part. […] S’il venoit doucement : « Alain, mon pauvre cœur, « Par un peu de secours soulage ma langueur.

174.

Je voudrais avoir assez de pouvoir pour obliger le Curé et les habitants de prier Dieu de tout leur cœur pour vous ; vous savez que je ne puis pas connaître ce qui se passe dans l’intérieur. […] Méchant cœur que vous êtes de m’envoyer ainsi pour attraper ma mort à galoper de tous côtés ! […] Je puis citer cette scène : ce n’est pas un de ces fragments de l’œuvre du Maître que chacun sache par cœur, et ce n’en est pas moins un de ses morceaux les plus gais et les plus fins. […] Déjà mon cœur après ce mot soupire Parle. […] Le frontispice gravé, qui compte dans les 5 feuillets préliminaires de la première partie du volume, représente une Cour d’amour, parmi laquelle l’Amour vise les cœurs à coups de flèches ; au premier plan, un jeune homme, qui pourrait bien être l’auteur lui-même, vient à la rencontre d’une dame qui s’avance les yeux baissés.

175. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXIII. » pp. 436-488

« Il ne la laisse pas par aucun mécontentement, mais seulement parcequ’une autre passion plus forte s’est tellement emparée de son cœur, qu’il ne lui est pas possible de tenir la parole qu’il avoit donnée ». […] L’avarice de Granger rend sa situation plus plaisante, sur-tout lorsque la tendresse paternelle & l’amour qu’il a pour l’argent se livrent de cruels combats dans son cœur, le forcent de s’écrier plusieurs fois : Que diable alloit-il faire dans cette galere ? […] Cette galere lui tient au cœur. […] fâcheuses nouvelles pour un cœur amoureux ! […] Puisque cela est donc ainsi, vous devez travailler d’autant plus à vous tenir sur vos gardes : la fortune aide les gens de cœur.

176. (1730) Poquelin (Dictionnaire historique, 4e éd.) [graphies originales] pp. 787-790

Moliere, qui eut quelque honte de se sentir si peu de constance pour un malheur si fort à la mode, resista autant qu’il pût ; mais comme il étoit alors dans une de ces plenitudes de cœur si connuës par les gens qui ont aimé, il ceda à l’envie de se soulager, & avoua de bonne foi à son ami, que la maniere dont il étoit forcé d’en user avec sa femme, étoit la cause de l’accablement où il se trouvoit. […] Pour moi, lui dit-il, je vous avouë que si j’estois assez malheureux pour me trouver en pareil état, & que je fusse fortement persuadé que la personne que j’aimerois accordât des faveurs à d’autres, j’aurois tant de mépris pour elle, qu’il me gueriroit infailliblement de ma passion : encore avez vous une satisfaction que vous n’auriez pas si c’étoit une maitresse ; & la vengeance, qui prend ordinairement la place de l’amour dans un cœur outragé, vous peut payer tous les chagrins que vous cause vôtre épouse, puis que vous n’avez qu’à la faire enfermer : ce sera même un moyen assûré de vous mettre l’esprit en repos. […] Pour vous répondre donc sur la connoissance parfaite que vous dites que j’ai du cœur de l’homme, par les portraits que j’en expose tous les jours au public, je demeurerai d’accord que je me suis étudié autant que j’ai pu à connoître leur foible ; mais si ma science m’a appris qu’on pouvoit fuir le peril, mon experience ne m’a que trop fait voir, qu’il étoit impossible de l’éviter, j’en juge tous les jours par moi-même ».

177. (1886) Molière et L’École des femmes pp. 1-47

Il a aperçu une jeune fille qui travaillait modestement sur son balcon et il lui a fait un salut ; la jeune fille, surprise et rougissante, l’a salué à son tour ; et voilà ces deux cœurs qui se sont engagés sur une révérence. […] Cela veut dire qu’Horace a pour lui la jeunesse, la grâce, la fraîcheur d’impressions, l’abondance de cœur, en un mot toutes les qualités que l’amour exige et qui entraînent l’amour. […] Ce n’est même pas pour gagner le cœur d’Agnès, il n’y saurait prétendre ; c’est seulement pour s’assurer sa fidélité.

178. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

La graisse m’en fige encore sur le cœur. » Ces parades, analogues à celles des tréteaux du Pont-Neuf, supposaient évidemment plus ou moins d’impromptu. […] La même phrase sert de conclusion aux deux œuvres ; voyez pourtant quel contraste : Et, pour tout dire enfin, jaloux ou non jaloux, Mon roi, sans me gêner, peut me donner à vous, dit Done Elvire, et Dom Garcie s’écrie : Ciel, dans l’excès des biens que cet aveu m’octroie, Rends capable mon cœur de supporter sa joie… ! […] — Ô mon cœur !

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