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173. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VII. De l’Exposition. » pp. 139-164

Au reste, mon amour, quand je l’ait fait paroître, N’a point été mal vu des yeux qui l’ont fait naître ; Mais Léandre à l’instant vient de me déclarer Qu’à me ravir Célie il se va préparer : C’est pourquoi dépêchons, & cherche dans ta tête Les moyens les plus prompts d’en faire ma conquête. […] ce n’est pas seulement parceque Julie & Eraste ignorent ce qu’est M. de Pourceaugnac, c’est encore parcequ’ils sont très intéressés à savoir tout ce qui regarde un homme qui vient pour traverser leur amour, & duquel ils veulent se défaire. […] Simon traîne impitoyablement Sosie sur la scene, & lui débite cruellement cent quarante-quatre vers pour lui apprendre qu’il étoit autrefois fort content de son fils, & qu’il ne l’est plus tant ; qu’il se doute de son amour pour l’Andrienne ; que Chrisis, sœur de cette Andrienne étoit jadis fort laborieuse & très retirée chez elle, mais que depuis elle a changé de conduite. […] Avant qu’aimer, dit-on, Il faut connoître à fond ; car l’amour est bien traître.

174. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE IV. Brueys & Palaprat, imitateurs, comparés avec Térence, Blanchet, un Auteur Italien, & la nature. » pp. 100-132

Mais ici l’amour d’Henriette & de Valere ne rend-il pas l’action plus animée ? […] Le Chevalier est amoureux de Zaïde, il la suit & peint son amour à Frontin, qui lui promet de l’habiller en muet, de l’introduire chez la Comtesse à la place de Simon, & lui jure encore de faire servir ce déguisement à l’unir avec Zaïde, de l’aveu même de son pere. […] Enfin ne voyons-nous pas nos beautés les plus faites pour inspirer & sentir un amour délicat, nos perruques les plus graves, notre jeunesse la plus brillante, mêler les bassesses de la débauche aux sentiments de la plus belle passion ? […] Causé par amour & par magie ?...

175. (1862) Molière et ses contemporains dans Le Misanthrope (Revue trimestrielle) pp. 292-316

En effet, le grave précepteur du Dauphin ne s’était-il pas livré pendant sa jeunesse à une inquiétante métromanie, où l’entraînèrent une imagination ardente et l’amour d’une belle Sedanaise, qu’il chantait sous le nom allégorique d’Iris ? […] Sous la figure de Clitandre et d’Acaste reparaissent de Guiche et de Lauzun, dont les frivoles amours portèrent un coup si cruel au cœur de Molière. […] Il lui raconta, avec des accents si vrais et si douloureux qu’ils pénétrèrent le cœur de Chapelle, sceptique en amour comme en toutes choses, ses tristes désillusions, ses vains efforts pour ramener à des sentiments sérieux ce cœur léger et frivole, et les chagrins que lui causa‌ la folie passion d’Armande pour le comte de Guiche. […] Et cette Célimène, qui se rit de l’amour qu’elle inspire et ne répond à une passion profonde que par l’indifférence et la sécheresse du cœur, n’est-ce pas Armande Béjart, cette femme si frivole et si coquette, qui n’a jamais compris quel noble cœur elle avait blessé à mort ?

176. (1746) Notices des pièces de Molière (1658-1660) [Histoire du théâtre français, tome VIII] pp. -397

Les poètes qui leur succédèrent, ayant paru dans un temps où la cour de France était devenue le modèle de la galanterie, saisirent cette circonstance pour prendre une nouvelle route ; ils crurent devoir diminuer quelque chose de la sévérité de la tragédie, et pour en faire un spectacle plus riant aux yeux du public, ils rendirent l’amour le maître dominant de la scène. […] Tels furent entre autres : La Généreuse Ingratitude ; Les Coups de l’amour et de la fortune ; Stratonice ; Timocrate ; Bérénice ; La Mort de l’empereur Commode, et Cresphonte. […] Corneille, entraîné par l’exemple de ceux qui avaient pris sa place, crut devoir s’y conformer, et tempérer le sujet plein d’horreur et d’effroi qu’il avait choisi par la passion de l’amour, qui en général est toujours du goût des spectateurs. […] Le Pédant joué de Cyrano de Bergerac ; La Belle Plaideuse de Boisrobert ; Le Parasite de Tristan ; Damon et Pythias de Chappuzeau ; Le Marquis ridicule, ou la Comtesse faite à la hâte de Scarron ; Les Amours de Diane et d’Endimion de Gilbert ; Clotilde de l’abbé Boyer ; Ostorius de l’abbé de Pure ; La Mort de Cyrus de Quinault, et Stilicon de Corneille de L’Isle, présentent des extraits qui ne paraîtront pas inférieurs à ceux que nous avons cités plus haut. […] Cette pièce est intitulée Les Amours d’Alcipe et de Céphise, ou la Cocue imaginaire, comédie en vers et en un acte, in-12, Paris, Jean Ribou, 1660.

177. (1769) Idées sur Molière pp. 57-67

Qu’est-ce qui égale Racine dans l’art de peindre l’amour? […] quand il ne croit pas un mot de toutes les protestations d’amour que lui fait Célimène, et que pourtant il est enchanté qu’elle les lui fasse; relisez toute cette admirable scène où deux amants viennent de se raccommoder, et où l’un des deux, après la paix faite et scellée, dit pour première parole, Ah !

178. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XII. Lo Ipocrito et Le Tartuffe » pp. 209-224

Messer Ipocrito, qui entend la charité à sa façon, sert les amours d’Annetta, une des filles de Liseo, et du jeune Zephiro. […] Poussée par cet amour qui enflamme le courage des lions, et non par celui qui habite d’ordinaire au cœur des jeunes vierges… Enfin, par charité, j’ai dû en prendre compassion.

179. (1824) Notice sur le Tartuffe pp. 91-146

Livré à toutes les séductions de la puissance et de l’amour, il se plaisait à orner le trône des lauriers de la victoire et des palmes du génie ; un grand talent flattait son orgueil, tous les succès étaient des fleurons de sa couronne ; il semblait qu’ils fussent les siens ; et, se faisant une auréole de toutes les renommées, déjà il disait : L’état, c’est moi. […] Enivré de toutes les séductions de la gloire et de l’amour, le cœur du prince devait être disposé à l’indulgence, et Molière avait composé pour ces jours de délices la comédie de La Princesse d’Élide. […] Un valet tel que toi de l’amour se consomme ! […] S’ils ne dominent pas la vieillesse des monarques, ils soufflent le feu de l’ambition dans le cœur des jeunes princes impatients du sceptre ; ou si un jeune roi s’affranchit de leur tutelle, ils lui opposent un frère dont ils font partout retentir les louanges, et qu’ils affectent de signaler à la piété des fidèles et à l’amour des peuples ; enfin, pour fonder leur empire, leur politique implacable et jalouse jette la division dans la famille des rois comme dans la famille des plus obscurs citoyens. […] C’est un coup de maître d’avoir mis sa fausse dévotion aux prises avec son libertinage ; et c’est de l’amour criminel de Tartuffe, comme de l’amour brûlant du misanthrope, que jaillissent les scènes les plus admirables et les développements de passions les plus sublimes auxquels le génie se soit jamais élevé.

180. (1911) L’Étourdi de Molière et Le Parasite de Tristan L’Hermite (De Jodelle à Molière) pp. 292-302

A l’acte V, le capitan Bellorofonte de Barbieri a disparu : mais il est remplacé par le Bohémien par amour Andrès, emprunté à la Belle Égyptienne de Cervantès. […] S’il est ainsi, vous perdrez la raison ; A l’heure qu’il faudra jaser comme un oison, Vous deviendrez muet, et peut-être Manille Prendra quelque soupçon que vous aimez sa fille ; Que de son fils absent vous empruntez le nom, Et venez comme en masque apporter un momon ; Rengainez votre amour, cachez sa violence, Et vous souvenez bien des choses d’importance ; Il faut de la mémoire à qui sait bien mentir, N’oubliez pas les noms de Jaffe ni de Tyr, Vous citerez encore d’autres lieux de Syrie Pour vous conduire enfin jusqu’en Alexandrie, Où vous avez trouvé ce marchand Marseillais Qui vous a reconnu pour chrétien, pour Français, Pour natif de sa ville, et d’honnête famille, Et vous a racheté.

181. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

Aujourd’hui Racine ne mettrait pas dans la bouche d’un jeune prince déclarant son amour à une captive, cette humilité religieuse : Peut-être le récit d’un amour si sauvage Vous fait, en m’écoutant, rougir de votre ouvrage ; D’un cœur qui s’offre à vous, quel farouche entretient Quel étrange captif pour un si beau lien !

182. (1853) Des influences royales en littérature (Revue des deux mondes) pp. 1229-1246

Quant à La Fontaine, que son amour pour la rêverie et son indifférence pour la fortune tinrent toujours loin des faveurs, qui, seul avant Fénelon eut au temps de Louis XIV le goût de la solitude et le talent, de peindre la nature, comme on veut bien convenir qu’il ne doit son génie qu’à lui-même, à ses goûts et à ses auteurs favoris, les vieux écrivains du XVIe siècle, il est inutile d’insister sur ce point. […] Ces qualités charmantes, vous les trouverez aussi chez leurs prédécesseurs, chez Bossuet quand il parle de la duchesse, d’Orléans, chez Molière dans ses scènes d’amour ; mais ce qui chez eux donne tout son prix à ces qualités, c’est que la douceur y est unie à la force : elle plaît alors comme, dans l’ordre moral, la bonté jointe à l’énergie. […] L’aversion que Fénelon éprouvait pour le système de Louis XIV lui a souvent inspiré des idées excessives, comme l’amour de la paix à tout prix et une simplicité par trop pastorale, dues à son horreur pour les conquêtes et pour le faste de Louis XIV. […] Quant à Boileau, qui s’était déjà, comme Racine, annoncé sous Mazarin, mais qui ne publia que plus tard ses principaux ouvrages, c’est avant tout un critique, épris d’une double passion, l’horreur des mauvais vers, l’amour des bons, se préoccupant uniquement de la poésie, et surtout des finesses et des secrets du métier.

183. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

« Le prince qui règne sur le pays, c’est l’amour coquet, frère de l’amour, mais frère bâtard, enfant de la nature et du désordre, dont les dérèglements et la débauche sont plus habituels que la raison. […] « Le plus beau quartier de la ville de Coquetterie est la grande place, qu’on peut dire vraiment royale 44… Elle est environnée d’une infinité de réduits, où se tiennent les plus notables assemblées de coquetterie, et qui sont autant de temples magnifiques consacrés aux nouvelles divinités du pays ; car, au milieu d’un grand nombre de portiques, vestibules, galeries, cellules et cabinets richement ornés, on trouve toujours un lieu respecté comme un sanctuaire, où sur un autel fait à la façon de ces lits sacrés des dieux du paganisme, on trouve une dame exposée aux yeux du public, quelquefois belle et toujours parée ; quelquefois noble et toujours vaine ; quelquefois sage et toujours suffisante ; et là, viennent à ses pieds les plus illustres de cette cour pour y brûler leur encens, offrir leurs vœux et solliciter la faveur envers l’amour coquet pour en obtenir l’entrée du palais de bonnes fortunes. » On lit dans un autre passage, que dans le royaume, « il n’est pas défendu aux belles de garder le lit, pourvu que ce soit pour tenir ruelle plus à son aise, diversifier son jeu, ou d’autres intérêts que l’expérience seule peut apprendre45 ». […] Au mot Morale, qu’elles ont pour maximes de s’interdire tous les dehors de l’amour vulgaire, et de rechercher J’estime par la beauté des ouvrages ou des discours ; de se donner aux plaisirs d’imagination, la réalité seule pouvant blesser la morale. […] Elles sont en amitié comme elles font profession d’être sur l’amour ; car elles n’en ont pour personne.

184. (1809) Cours de littérature dramatique, douzième leçon pp. 75-126

Telle est, par exemple, l’idée de la scène du Malade imaginaire, où l’on met l’amour de la femme à l’épreuve, en supposant la mort du mari. […] L’intrigue d’amour est banale, pesamment conduite, et fait souvent perdre de vue le caractère principal. […] Il est aisé de juger que l’on fera naître des contrastes plaisants, si l’on joint à l’avarice qui isole les hommes et les renferme en eux-mêmes, un sentiment expansif et généreux tel que l’amour. […] La vanité d’auteur serait plutôt une garantie contre l’amour de l’argent ; pour parvenir à la fortune en sacrifiant le sentiment de l’honneur, il y a des carrières plus profitables que celle d’écrivain. […] Il s’agit le plus souvent d’une déclaration d’amour, on emploie mille séductions pour l’obtenir, ou mille détours pour la faire passer à la dérobée.

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