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27. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Il pourra étonner les hommes les plus délicats. […] elle existe encore, mais ce n’est plus l’homme pervers, c’est le sage qui se déguise. […] Quelle époque de corruption que celle où un homme d’honneur se croit perdu s’il laisse éclater son amour pour l’épouse qu’il a promis d’aimer ! […] Et cependant certains hommes osent soutenir que la carrière de la comédie est fermée ! […] Nous l’avons vue choisir ses personnages parmi les individus de conditions différentes, qui tendaient sans cesse à se confondre ; ne peut-elle pas aujourd’hui se diriger vers le but opposé, et les hommes forcés de reprendre leur rang sont-ils moins dignes de ses pinceaux, que les hommes tourmentés du désir de quitter leur place ?

28. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XLIII. Du But Moral. Philosophie de Regnard comparée à celle de Moliere. » pp. 504-548

Faire rire & corriger les hommes, est le double but que doit se proposer un Auteur comique. […] Quel champ vaste se seroit présenté à l’imagination d’un homme plus philosophe que Regnard ! […] Rien au monde ne révolte davantage un homme qui se sent du génie. […] L’homme cherche à s’élever au-dessus de lui-même. […] Un galant homme s’apperçoit qu’on lui a donné une piece de monnoie fausse ; hé bien !

29. (1901) Molière moraliste pp. 3-32

Un homme n’en peut guérir un autre, par la raison « que les ressorts de notre machine sont des mystères, jusqu’ici, où les hommes ne voient goutte ». […] parce qu’un homme s’avise de nous épouser, il faut d’abord que toutes choses soient finies pour nous et que nous rompions tout commerce avec les vivants ! […] Molière prétend enseigner aux hommes à bien vivre et, parlant, à se vaincre parfois eux-mêmes et à se corriger de leurs vices. […] Pour remplacer Dieu et les chaudières bouillantes, il lui fallait une force morale à opposer aux faiblesses des hommes. […] C’est le plus souvent aux hommes, en tant que pères et époux, que Molière prescrit leur devoir (aussi exactement, bien entendu, qu’un auteur comique le peut faire) ; mais, aux hommes en général, il donne quelques sages conseils, sans distinction de caste ni de condition.

30. (1881) La philosophie de Molière (Revue des deux mondes) pp. 323-362

Or pour ces trois sortes d’hommes, l’hypocrisie est un prétexte ou un scandale. […] … Ne croyez pas que l’homme ne soit emporté que par l’intempérance des sens. […] Pensez-vous que, pour être de qualité, vous en soyez plus habile homme ? […] Mais il faut songer que don Juan est un homme et non pas un tigre. […] Après tout, qu’y a-t-il de risible à dire aux hommes la vérité ?

31. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXV. Du contraste des Caracteres. » pp. 386-397

« Mais un moyen sûr de gâter un drame & de le rendre insoutenable à tout homme de goût, ce seroit d’y multiplier les contrastes. […] Un homme qui ne voit les hommes, qui ne les aime, que comme des vautours affamés de carnage, des singes malfaisants, & des loups pleins de rage, ne contraste certainement point avec un Misanthrope. […] Mais si le contraste fut quelquefois pour Moliere le moyen d’un homme de génie, est-ce une raison pour le prescrire aux autres Poëtes ? […] Dans l’Etourdi, où est l’homme prudent ? […] Dans le Malade imaginaire, trouvons-nous un homme vraiment infirme ?

32. (1812) Essai sur la comédie, suivi d’analyses du Misanthrope et du Tartuffe pp. 4-32

La première partie de l’art dramatique, appelée comédie, fut consacrée à corriger les hommes, à attaquer leurs vices, leurs ridicules. […] Aux regards de tout homme un peu réfléchi, le cœur humain offrira sept ou huit nuances bien marquées, bien décidées. […] Qu’un homme porté à l’observation et qui ait bien étudié le théâtre, essaie maintenant de transporter sur la scène une comédie de caractère. […] C’est à faire sentir ces diverses nuances que les auteurs doivent s’appliquer ; qu’ils ne mettent jamais dans la bouche d’un homme sans éducation, des discours qu’un homme bien élevé peut seul tenir. […] Je ne parle pas ici des vertus naturelles que l’on observe chez presque tous les hommes, comme la reconnaissance, etc.

33. (1870) La philosophie dans le théâtre de Molière (Revue chrétienne) pp. 326-347

Cette passion remplit, à cette époque, le cœur et l’âme d’un homme célèbre, Gui Patin. […] Aristote, encore une fois, voilà bien l’homme ! […] ou Dieu lui-même ne pouvait être conçu que sous la forme d’un homme, d’un vieillard vénérable ? […] Au fond, il est vrai, il s’agit surtout d’une question de mots ; mais sous les mots nous retrouvons les hommes. […] Mais ici, devant l’homme, il n’y a que l’homme, et quels efforts ne faut-il pas pour conserver tout cet amour à cette créature ainsi réduite à sa propre valeur.

34. (1861) Molière (Corneille, Racine et Molière) pp. 309-514

Iago est un homme méchant, Tartuffe est un homme vil. […] Dans son désert, où il maudit les hommes, ne regrette rien tant que les hommes. […] À cet appel, les hommes accourent sans se faire prier. […] Au XVIIe siècle, le vrai gentilhomme français était encore un homme galant et un galant homme. […] Ici encore la femme ne vaut que par l’homme et pour l’homme.

35. (1900) Molière pp. -283

Molière fut un de ces hommes-là ! […] La postérité fait des statues ; elle fait des statues de tous les grands hommes. […] Le procédé vrai, historique, celui qui donne la vérité absolue, c’est celui qui essaye de mêler, d’entrelacer l’homme réel, tel que nous le voyons sous nos yeux tous les jours, et l’homme idéal avec son rôle historique, dans la littérature et dans l’histoire, et de montrer à la fois l’homme et le grand homme : c’est ce que j’ai essayé de faire pour Molière. […] Eh bien, l’homme de génie peignant M.  […] ——— On ne devrait jamais dire « l’homme », mais « les hommes » ; ni « les femmes », mais « la femme » ; car le monde renferme des millions d’hommes et une seule femme.

36. (1843) Le monument de Molière précédé de l’Histoire du monument élevé à Molière par M. Aimé Martin pp. 5-33

Alors l’Élysée s’ouvrira et tous les hommes vertueux et bienfaisants, quel que soit leur pays, seront réputés concitoyens. […] C’est son panthéon qu’elle élève : elle a trouvé dans ses grands hommes la garde d’honneur qui doit veiller éternellement aux portes de son palais. […] Le poète et le philosophe sont donc deux hommes bien caractérisés, bien distincts, et ce sont ces deux hommes que l’on retrouve dans Molière. […] Le peuple alors n’était pas assez instruit pour comprendre ses grands hommes. […] ce fut un jour glorieux pour le pays que celui où le premier corps littéraire de l’Europe, une assemblée d’hommes également illustres par la vertu et par le génie, après une étude consciencieuse de la vie et des ouvrages de Molière, vint dire à la France : cet homme qu’on abreuva de mépris, cet homme dont on outragea les cendres, nous appelons sur lui la reconnaissance du monde et nous proclamons son éloge.

37. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE XII. Réflexions Générales. » pp. 241-265

À ce point de vue, il n’a été vraiment compris de son temps que par deux hommes. […] II a tout sondé dans l’homme et tout apprécié. […] Son idée morale de l’homme est complète : rien n’y manque, depuis la juste proportion des soins dus au corps jusqu’aux intimes et hautes obligations de l’âme intelligente envers Dieu. […] Lettre d’un Homme d’érudition et de mérite consulté par l’auteur pour savoir si la comédie peut être permise, ou doit être absolument défendue. […]   Il faut citer encore La Fontaine, qui dès 1661, dit de Molière : « C’est mon homme !

38. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE XI. De la Religion. Principe et Sanction de la Morale de Molière. » pp. 217-240

Lui, l’homme du rire et du plaisir, il a su, dans quelques scènes étonnantes d’une pièce pleine de farces comme le Festin de Pierre, peindre la croyance en Dieu, l’amour de Dieu, la dignité, la nécessité de cette croyance et de cet amour. […] Il faut avouer qu’il se met d’étranges folies dans la tête des hommes, et que, pour avoir bien étudié, on est bien moins sage le plus souvent. […] Pouvez-vous voir toutes les inventions dont la machine de l’homme est composée, sans admirer de quelle façon cela est agencé l’un dans l’autre ? […] Et quand vous priez, ne soyez point comme les hypocrites, qui aiment à se tenir dans les synagogues et dans les coins des places pour être vus des hommes : car je vous dis en vérité qu’ils ont reçu leur récompense. […] Et c’est rendre service aux hommes que de les accoutumer, comme fait Molière, à élucider l’idée du bien, à user de leur conscience, de leur bon sens et de leur liberté, à se fortifier dans le discernement et la pratique de l’honnête.

39. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

… Quel homme que Molière ! […] Molière montrait aux hommes ce qu’ils sont pour les châtier (29 janvier 1826). […] Non pas l’œuvre, l’homme ; non pas le livre, l’auteur ! […] Le malheureux grand homme Molière devait en rencontrer de plus atroces. […] Il faut consulter aussi les Hommes illustres de Ch. 

40. (1820) Notices des œuvres de Molière (V) : L’Amour médecin ; Le Misanthrope ; Le Médecin malgré lui ; Mélicerte ; La Pastorale comique pp. 75-436

Il est impossible qu’un si misérable motif ait déterminé les opinions d’un homme tel que Molière, ait donné la moindre direction à sa pensée et à sa plume. […] Quelle confiance le public pouvait-il continuer d’avoir en des hommes qui se traitaient mutuellement de charlatans ? […] L’homme parfaitement vertueux est nécessairement bon et sage. […] Il est égoïste, car il ne s’emporte jamais plus violemment contre les vices des hommes et les abus de la société, que lorsqu’il en est personnellement victime. […] Sa misanthropie, toute en paroles, n’est au fond qu’une philanthropie chagrine qui s’irriterait moins des vices, si elle affectionnait moins les hommes.

41. (1825) Notices des œuvres de Molière (IX) : La Comtesse d’Escarbagnas ; Les Femmes savantes ; Le Malade imaginaire pp. 53-492

La pédanterie, déjà fort impertinente chez les hommes, est vraiment intolérable chez les femmes. […] Il semble nier positivement qu’il y eût, du temps de Molière, des hommes de l’humeur et du sentiment de Chrysale. […] « Chrysale, dit-il, est donné pour l’homme raisonnable de la pièce. » Nous avons vu Rousseau, voulant accuser Molière d’avoir favorisé les mauvaises mœurs dans Le Bourgeois gentilhomme, prétendre faussement que Dorante, malhonnête homme moralement parlant, est l’honnête homme de la pièce, c’est-à-dire l’homme qui a raison et à qui l’on s’intéresse. […] Un homme sain et robuste, qui se croit malade et infirme, appartient essentiellement à la comédie. […] Dufresny n’avait pas besoin de s’approcher ainsi de Molière, et de lutter, pour ainsi dire, corps à corps avec lui, pour nous faire apercevoir de combien l’homme de génie surpassait en hauteur et en force l’homme d’esprit, qui s’ignorait assez pour se croire au moins son égal.

42. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « PRÉFACE. Du Genre & du Plan de cet Ouvrage. » pp. 1-24

un homme... un homme enfin. […] Le cœur ne se laisse point tromper ; cette noble, cette superbe partie de l’homme n’entend que son propre langage. […] Quel homme fut jamais doué d’un génie plus créateur que Moliere ? […] Je leur exposerai mes raisons avec toute l’honnêteté, tous les égards que les hommes bien nés, & particuliérement les gens de lettres, se doivent ; le public décidera. […] Tels sont les grands hommes dans tous les genres.

43. (1769) Idées sur Molière pp. 57-67

Des hommes de beaucoup d’esprit et de talent ont travaillé après lui, sans pouvoir ni lui ressembler ni l’atteindre. […] Molière est fauteur des hommes mûrs et des vieillards. […] Il était triste et mélancolique, cet homme qui a écrit si gaiement. […] Il faut absolument qu’on regarde les gens de lettres comme les premiers des hommes ou comme les derniers. […] De grands hommes l’ont été.

44. (1840) Le foyer du Théâtre-Français : Molière, Dancourt, I pp. 3-112

Ce grand homme a débuté comme les héros de Scarron. […] Il n’était pas homme à se tromper sur leur valeur. […] Voilà un homme qui, tout d’un coup, devient un personnage. […] Ses amis le pleurèrent comme homme et comme auteur. […] c’est un homme qui ne lit jamais, à ce qu’on dit.

45. (1898) Molière jugé par Stendhal pp. -134

C’est un homme qui veut arrêter l’Océan avec un mur de jardin. […] … un homme… un homme enfin. […] Il est reconnu que le comique glisse sur tout homme passionné. […] C’est le dénoûment de l’homme avide. […] inspirer de l’amour aux hommes.

46. (1886) Molière, l’homme et le comédien (Revue des deux mondes) pp. 796-834

Je l’ai trouvé appuyé sur ma boutique, dans la posture d’un homme qui rêve. […] L’actif de sa succession fut de 40, 000 livres ; c’était peu pour un homme qui en gagnait annuellement 30, 000. […] Alors, l’humeur de l’homme change, et, comme il arrive toujours, devient le reflet des événemens. […] Mais de pareils états d’esprit ne donnent point la véritable pensée d’un homme. […] l’habile homme ! 

47. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VII. » pp. 125-143

Tantôt un homme sans bras vient se dire un excellent maître d’armes, & prie Pantalon de lui procurer des écoliers. […] C’est un homme de sens, & d’un mérite qui n’est pas commun. […] Pendant ce bel entretien, se présente Fuscus Aristius, un de mes amis, & qui connoissoit mon homme à merveille. […] le galant homme ! […] Regnier étoit un grand homme, quoi qu’en ait dit Boileau.

48. (1819) Introduction aux œuvres de Molière pp. -

Cet homme, à coup sûr, est un malade imaginaire. […] Des hommes de robe se firent hommes d’épée. […] Adieu, mon cher ami, tu juges mieux qu’homme de France. […] — C’est un homme. — Ah ! […] … un homme… un homme, enfin !

49. (1765) Molière dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (compilation) pp. 2668-16723

La malice naturelle aux hommes est le principe de la comédie. […] L’une peint les hommes comme ils ont été quelquefois ; l’autre, comme ils ont coutume d’être. […] mais quel homme on auroit pû faire de ces deux comiques ! […] Savoir rendre ridicules les hommes, est un talent voisin de celui de les rendre odieux. […] C’étoit la partie d’un habit d’homme qui couvroit le dos, l’estomac & les bras.

50. (1825) Notice sur Molière — Histoire de la troupe de Molière (Œuvres complètes, tome I) pp. 1-

Arrivés au sommet de leur art, ces deux grands hommes ne se virent plus qu’avec froideur. […] Combien de grands hommes familièrement assemblés ! […] La Grange était un homme de bonne mine, d’une taille médiocre, avec assez d’embonpoint. […] Jamais acteur n’a porté si loin les rôles d’homme en femme. […] Beauval lui parut être cet homme rare.

51. (1747) Notices des pièces de Molière (1670-1673) [Histoire du théâtre français, tome XI] pp. -284

L’homme du bel air, le sieur Le Gros. Second homme du bel air, le sieur Rebel. […] Les grands hommes ne sauraient être jaloux. […] Deux Hommes affligés, chantants, MM.  […] Hommes affligés, dansants, MM. 

52. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXVII. Du Caractere des Professions. » pp. 284-302

Je lui ai dit : A qui en a cet homme-là avec sa rosse ? […] Ne vous y fiez pas : nous voyons tous les jours des témoins muets faire bravement rouer leur homme. […] Il est pour un homme qui... […] c’est contre un homme de la premiere qualité, que je laisse jouir en paix de tout son bien à la barbe de ses créanciers. […] Non : je suis là-dessus un homme impitoyable.

53. (1732) Jean-Baptiste Pocquelin de Molière (Le Parnasse françois) [graphies originales] « CII. JEAN-BAPTISTE POCQUELIN. DE MOLIERE, Le Prince des Poëtes Comiques en France, & celebre Acteur, né à Paris l’an 1620. mort le 17. Fevrier de l’année 1673. » pp. 308-320

On rapporte ce petit trait de plaisanterie de la part de Moliere, comme une chose rare à un homme aussi grave que lui dans la conversation. […] Moliere est un des hommes ausquels la France a le plus d’obligation, pour avoir travaillé à en bannir le mauvais goût, & à corriger le ridicule & les défauts des hommes dans chaque état. […] Les moindres choses maniées par ce grand homme paroissent charmantes & merveilleuses. […] Mais dans quelques Pieces où Moliere a voulu satisfaire le Peuple, n’y trouve-t’on pas des Scenes & même des Actes entiers, qui charment l’homme d’esprit ? […] Charles Perrault, Hommes Illustres en France pendant le dix-septiéme siecle.

54. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE X. » pp. 201-217

C’est un homme que je n’épouse point par amour, & sa seule richesse me fait résoudre à l’accepter. […] C’est un homme qui mourra avant qu’il soit peu, & qui n’a tout au plus que six mois dans le ventre. […] La peste soit de l’homme ! […] Peste de l’homme ! […] tout ce qu’un homme a été obligé de faire avant que d’être Docteur ?

55. (1882) L’Arnolphe de Molière pp. 1-98

Racine est un jeune homme de vingt-deux ans, à qui s’intéresse Molière, qui lui jouera dans un an la Thébaïde, Le grand homme du moment, l’homme écouté, le dispensateur des grâces, c’est Chapelain. […] Patience ; notre homme va déchanter. […] Il n’y a de Molière dans les types de Molière que parce que dans tous les cœurs il est toujours de l’homme ! […] Et pourtant ce mécréant en peinture, une fois devant sa glace, savait se faire une tête qui était une œuvre de maître ; et quand il entrait en scène, la perruque était peut-être de travers et le costume incomplet, mais l’homme y était ; et il n’avait qu’à parler, et l’homme vivait, vivait et charmait. […] C’est donc le dernier trait par lequel il achève son homme.

56. (1886) Molière et L’École des femmes pp. 1-47

L’homme qu’on désire ou qu’on redoute va venir. […] C’est un homme qui ne manque ni d’intelligence, ni d’esprit, ni de fort bonnes qualités. […] Molière n’est pas homme à parlementer avec son public. […] C’était un homme sans goût, sans tact, sans délicatesse, et, en effet, quelle délicatesse pouvait-on attendre d’un homme qui vivait dans ce milieu de théâtre où les mœurs sont si mauvaises ? […] C’est un homme dont l’instinct, dont le génie, dont la fonction est de représenter ses semblables.

57. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

la parole n’a-t-elle pas été donnée à l’homme pour expliquer ses sentiments ? […] Hommes bien élevés, hommes de goût dans tous les états337 ! […] La cour délicate et polie de Charles II eut en horreur l’homme et son poème. […] Elle ne sort pas tout d’un coup de la tête d’un homme de génie. […] C’est un homme complet.

58. (1852) Molière — La Fontaine (Histoire de la littérature française, livre V, chap. I) pp. 333-352

Mais lorsque vous peignez les hommes, il faut peindre d’après nature : on veut que ces portraits ressemblent ; et vous n’avez rien fait, si vous n’y faites reconnaître les gens de votre siècle. […] Que peuvent donc nous offrir en retour, et comme compensation, ceux qui s’acharnent à nous faire haïr et mépriser des hommes dont on ne peut pas contester le génie, et que nous avions l’habitude d’admirer en toute sécurité ? […] Aussi la postérité dit-elle après La Fontaine : « Molière, c’est mon homme. » Et, en effet, Molière est l’homme de ceux qui aiment à voir clair dans les choses et dans les hommes, qui n’ont ni le goût de tromper ni celui d’être trompés, qui ne craignent pas d’ouvrir leur cœur et qui veulent pénétrer et dévoiler ce que cachent les autres. […] Ces deux hommes uniques ont eu l’un pour l’autre une estime profonde ; ils ont entre eux une remarquable analogie : c’est raison de ne pas les séparer. […] Après cela, l’homme et le moine ne s’en trouvent pas mieux.

59. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE PREMIER. Du Choix d’un Sujet. » pp. 25-38

On offense un brave homme alors que l’on l’abuse. […] Valere rit du compliment, parcequ’il croit Ascagne un homme, & le prie de parler toujours en sa faveur à Lucile. […] Un homme de génie apperçoit quelquefois des richesses comiques dans les livres qui, par leur nature, paroissent devoir en fournir le moins. […] Faisons jaser les femmes-de-chambre, les Chirurgiens, les Médecins, les... toutes les personnes enfin qui, par état, sont à portée de connoître l’intérieur des maisons, & les secrets soigneusement cachés au reste des hommes. […] Consultons les hommes célebres de notre siecle.

60. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XI. » pp. 218-250

Don Juan répond en plaisantant, que c’est un homme avec une femme. […] Le Roi lui ordonne d’arrêter l’homme & la femme qui profanent son palais. […] si tous les hommes n’étoient qu’un homme, ah ! quel homme ! […] Il se cache, parcequ’il voit venir Elisa avec un autre homme.

61. (1865) Les femmes dans la comédie de Molière : deux conférences pp. 5-58

La femme régénérée n’est plus l’esclave mais l’égale de l’homme. […] Les habitudes de la vie publique qui éloignaient les hommes des femmes rendaient la coquetterie impossible. […] En effet, cette recherche de ce qui manque à l’homme est difficile. […] Mais en homme qui connaît le monde et les femmes, il les a mises aussi quelquefois dans un beau jour. […] Il a connu les hommes et il les a peints ; mais jamais il ne les a calomniés.

62. (1725) Vie de l’auteur (Les Œuvres de Monsieur de Molière) [graphies originales] pp. 8-116

Cependant l’homme de Cour, comme l’homme de Ville, qui croyoit voir le ridicule de son caractere sur le Theâtre de Moliere, attaquoit l’Auteur de tous côtez. […] A Dieu, mon cher ami, tu juges mieux qu’homme de France. […] Cet homme-là est inimitable, disoit le même M. le Duc de ***. […] Mais quel homme on auroit pû faire de ces deux Comiques !  […] Hommes Illustres.

63. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE III. Dufresny imitateur comparé à Moliere, à Champmeslé, son Mariage fait & rompu comparé à l’histoire véritable du faux Martin-Guerre, & à la nature. » pp. 81-99

ventrebleu, Monsieur, que ne contentez-vous cet homme-là ? […] Tant pis pour vous d’être si difficile, mon homme. […] l’indigne petit homme que Dorante ! […] Quand deux braves hommes sont surs l’un de l’autre, ils en battroient bien quatre, ha ha. […] En vérité, vous êtes trop fanfaron pour un homme de qualité.

64. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Après les riches, que dites-vous de nos grands hommes ? […] » Pis que des hommes, ils étaient des paysans. […] Nous sommes des hommes, et en cette qualité, nous ne sommes étrangères à rien de ce que font les hommes ! […] disait-elle, homme heureux, qui reste absolument le maître des esprits et des âmes ! […] l’homme heureux qui se passe de moi, qui avais tant de peine à me passer de lui ! 

65. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IV » pp. 38-47

Entre 1610 et 1620, la société de Rambouillet reçut un accroissement d’hommes illustres : savoir, Balzac, âgé de vingt-cinq ans, Chapelain, moins âgé d’un an que Balzac, Voiture, âgé seulement de vingt ans en 1618. […] Voltaire a dit avec justice de Balzac, que la langue française lui avait de grandes obligations : « Homme éloquent, dit-il, qui donna le premier du nombre et de l’harmonie à la prose. » Chapelain était un mauvais poète, mais il était homme d’honneur et de probité ; il possédait une érudition profonde et judicieuse ; il eut, le premier, l’idée du Dictionnaire de l’Académie française. […] Remarquons que ces nouvelles recrues en hommes de lettres et en hommes du monde ne déprécient pas plus que les premières l’hôtel de Rambouillet, et n’annoncent pas davantage les ridicules qu’on lui attribue. Ici je dois remarquer que l’accueil fait aux hommes de lettres par la marquise de Rambouillet ajouta sensiblement à la noblesse de leur condition. […] Dans la société de l’hôtel de Rambouillet, au contraire, l’homme de lettres était dégagé de ses liens personnels ; il n’était plus l’homme ou l’esprit d’un autre homme ; il était devenu maître à son tour de choisir, de placer, de graduer ses préférences entre les grands, comme précédemment les grands l’avaient été de choisir entre les gens de lettres.

66. (1705) La vie de M. de Molière pp. 1-314

Cependant l’homme de Cour, comme l’homme de Ville, qui croyait voir le ridicule de son caractère sur le Théâtre de Molière, attaquait l’Auteur de tous côtés. […] À Dieu, mon cher ami, tu juges mieux qu’homme de France. […] Molière trouva une nombreuse assemblée, et son homme qui présidait. […] C’était, disait-on, un homme sans mœurs, sans Religion, mauvais Auteur. […] Mais quel homme on aurait pu faire de ces deux Comiques ! 

67. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Il lui donne l’air d’un homme frappé, ahuri. […] Mais quel homme de théâtre que ce Molière ! […] l’homme de bien, vous m’en voulez donner ? […] qu’un homme eût mieux fait l’affaire. […] Il faut la voix d’un homme pour ces mots brûlants, la main d’un homme pour ces caresses tendres, les yeux d’un homme pour ces regards noyés de désir.

68. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXVI. Des Caracteres nationaux. » pp. 268-283

Les successeurs de Moliere ont cru s’enrichir en s’emparant d’un fonds négligé par ce grand Homme. […] Favart nous a vengés, en homme de génie, des injures qu’on nous dit sur le théâtre de Londres. […] Les hommes de tous les pays, ne sont-ils pas pour lui des hommes ? Il ne doit voir dans tout l’Univers que deux peuples, les hommes bons & les hommes méchants ; donner les vertus des uns pour exemple, faire la guerre aux vices des autres, mais toujours sans égard à la distance des lieux & aux circonstances qui les séparent de lui. […]  Crois-moi, Milord, j’ai parcouru le monde :  Je ne connois sur la machine ronde   Rien que deux peuples différents : Savoir, les hommes bons & les hommes méchants.

69. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVIII. De la Décence & de l’Indécence. » pp. 314-341

Avec cette belle réputation tous les maris lui amenent leurs femmes, & le pauvre homme n’est plus embarrassé que du choix. […] Se peut-il qu’à votre âge Vous n’ayez pas encor les airs d’un homme sage ? […] Dans le siecle ou nous sommes Il faut fuir dans les bois, & renoncer aux hommes. […] Le voici dans l’Homme à bonne fortune, comédie en prose, en cinq actes, de Baron. […] C’est un homme qui n’a rien à perdre.

70. (1824) Notices des œuvres de Molière (VIII) : Le Bourgeois gentilhomme ; Psyché ; Les Fourberies de Scapin pp. 186-466

Le pauvre homme extravague ; il est épuisé. […] Cet homme-là donne dans la farce italienne. […] Comment le Roi ne fut-il pas choqué de l’odieuse bassesse d’un tel caractère, appliqué à un homme de sa cour, de sa suite, et presque de sa familiarité ? […] De cette foule de sots, Molière fit un seul homme, qu’il appela M.  […] Oui, sans doute ; mais parce que ces tours sont la punition d’un homme ridicule et répréhensible, et non pas parce qu’ils sont l’ouvrage d’un homme élégant et vicieux.

71. (1848) De l’influence des mœurs sur la comédie pp. 1-221

Cet homme a des sentiments élevés, ses instincts sont généreux, il ne fait rien qu’en vue de la vertu, elle est le mobile de toutes ses actions, et bien qu’il l’aime avec ardeur, avec passion, cet homme n’est cependant pas vertueux. […] La vérité ne se doit donc pas à un tel homme. […] qu’ils sont mauvais, Et qu’un homme est pendable après les avoir faits. […] Un homme dévot n’est ni avare, ni violent, ni injuste, ni même intéressé. […] Les hommes en général sont-ils tout d’une pièce ?

72. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVIII. » pp. 357-396

Cette différence seule annonce un homme supérieur. […] D’ailleurs, la pauvreté le rend le plus avare de tous les hommes. […] Est-ce là cet homme d’honneur ? […] Mais, qu’est donc devenu mon homme ? […] Je te défie d’attendrir, du côté de l’argent, l’homme dont il est question.

73. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VIII. » pp. 144-179

Deux grands hommes sont faits pour lutter ensemble. […] c’est la vérité qu’un homme... […] c’est la vérité qu’un homme... […] Il la récompensa en homme libéral, & attendit la nuit avec impatience. […] Beauté, l’étonnement des hommes & des Dieux !

74. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIV. Des Monologues. » pp. 261-273

Voilà un brave homme ! […] Un extravagant comme Jodelet, Crispin, Dom Japhet ou Dandin, peut très bien se parler à lui-même ; mais un homme sensé ne le fait jamais. Et toutes les fois qu’on voit un homme dans les rues ou ailleurs qui parle seul, on dit, ou du moins on pense, voilà un fou ». […]   Madame, en homme de courage Dans les occasions où la gloire l’engage. […] Que fit mon homme pour acquérir une noble hardiesse & une mâle éloquence ?

75. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIII » pp. 109-125

C’était un homme de qualité, un homme d’esprit, de belle figure, un homme de cour, mais non un de ces courtisans de profession, qui bornant leur ambition à obtenir une parole ou un regard du prince, se pâmaient de joie en s’entendant nommer pour un voyage de Mari y ou Ce Fontainebleau. […] Il ne restait en hommes, à madame de Rambouillet, que ses plus anciens amis, Chapelain, Cottin, Ménage, Vaugelas, Montausier quelquefois ; le comte de Grignan demeurait avec sa belle-mère, mais homme du monde fort dissipé, il n’était nulle part plus rarement que chez elle. […] Voltaire aussi le déclare mauvais poète, mais homme fort savant, et, ce qui est étonnant, bon critique. Voltaire s’exprime ainsi sur Cottin : Non moins plat poète (que Chapelain), et, de plus, plat prédicateur, mais homme de lettres et aimable dans la société. […] Du moment qu’elle fut établie, elle se plut à rassembler chez elle des hommes distingués dans les lettres, du nombre desquels était La Fontaine, que son goût portait vers toutes les femmes agréables, et qui leur savait plaire.

76. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE IV. Jugement sur les Hommes de Molière. » pp. 65-82

Jugement sur les Hommes de Molière. […] Mais s’il était un moraliste, il l’aurait dégagée lui-même : il ne l’aurait pas laissée obscure au point que des hommes comme Bossuet et J. […] Il faut une intelligence cultivée et un effort de réflexion pour discerner, dans les Hommes de Molière, les principes d’honnêteté qu’il y a mis : il ne faut que voir, et suivre l’entraînement du rire, pour approuver le vice qui y est étalé. […] Quoique l’homme soit un insondable mélange de bien et de mal, c’est erreur d’imaginer que les qualités les plus délicates puissent s’accoupler avec les vices les plus honteux. […] Il faut joindre à Clitandre le Dorante de la Critique de F École des Femmes, qui n’est autre que lui dans une autre scène et sous un autre nom : mais l’homme est le même (sc.

77. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVIII » pp. 305-318

Ce mépris n’a rien de l’homme de lettres supérieur, il est tout orgueil de cour. […] Mais Trissotin est un homme à marier, qui veut attraper une honnête famille, et Cottin était ecclésiastique. Trissotin est un malhonnête homme, et l’abbé Cottin avait une réputation intacte ; un coquin ne prêche pas dix-sept carêmes de suite à Notre-Dame. Montausier ne se laissait pas approcher familièrement par des hommes tarés. […] Ne serait-ce pas comme si je me tourmentais à soutenir que je ne suis pas un malhonnête homme, un homme sans pudeur, sans mœurs, sans conscience ?

78. (1823) Notices des œuvres de Molière (VII) : L’Avare ; George Dandin ; Monsieur de Pourceaugnac ; Les Amants magnifiques pp. 171-571

Un fils outrageant son père ne sera jamais, quoi qu’il arrive, un personnage intéressant pour les hommes rassemblés. […] Enchanté de cette flatteuse marque de déférence, notre homme donne parole pour le lendemain, court aussitôt tout Paris, et rassemble un nombreux auditoire. […] Vous êtes un homme riche et puissant ; moi, je suis le plus pauvre des hommes. […] Molière a voulu simplement corriger les hommes de la sotte vanité qui les porte à chercher des alliances dans un rang plus élevé que le leur. […] Un homme supérieur, quand il badine, ne peut s’empêcher de badiner avec esprit. » Diderot enchérit sur cette idée : « Une farce excellente, dit-il, n’est pas l’ouvrage d’un homme ordinaire.

79. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

Un homme même qui est quelquefois attaqué de vertiges : cela est vrai. […] Car jusqu’à quel excès de crapule cet homme-là ne s’est-il point laissé emporter ? Mais que dis-je, un homme ? […] messieurs, on ne sait que trop que c est le pauvre homme qui les a reçus. […] Quelle richesse d’homme !

80. (1845) Œuvres de Molière, avec les notes de tous les commentateurs pp. -129

Cependant l’homme de cour, comme l’homme de ville, qui croyait voir le ridicule de son caractère sur le théâtre de Molière, attaquait l’auteur de tous côtés. […] Mais quel homme on aurait pu faire de ces deux comiques !  […] Jamais acteur n’a porté si loin les rôles d’homme en femme. […] Beauval lui parut être cet homme rare. […] Cela montre bien le peu que sont les hommes.

81. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

L’homme en question n’a peur de rien et de personne. […] — Cet homme-là faisait les préfaces tout aussi bien que les postfaces. […] C’est un homme d’un goût si fin et si habile ce M.  […] Si les hommes sacrifient aux autels de Jupiter, c’est pour avoir de l’argent. […] Non, pour un parterre français, cet homme-là n’est pas assez châtié.

82. (1706) Addition à la Vie de Monsieur de Molière pp. 1-67

Les Caractères, les Conditions, les Matières ont leurs termes : Le Courtisan ne parle point, comme le Bourgeois ; l’homme d’esprit, comme l’homme commun ; on ne rend point une aventure avec le style du sérieux. […] Mais le Critique n’en veut point, quand on les lui présente : Il fait l’homme grave, quand on veut l’égayer. […] La nature avait refusé à Molière les dispositions nécessaires pour ce genre d’action ; mais comme homme d’esprit et d’étude il en connaissait les règles. […] Pourquoi, dit-il, faire rire le Lecteur en lisant la Vie d’un Homme si grave ? […] Mais plus, il n’y a pas un an que le Roi eut occasion de dire qu’il avait perdu deux hommes qu’il ne recouvrerait jamais, Molière et Lulli.

83. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [17, p. 47-48] »

1775, Anecdotes dramatiques, tome III, p. 347 Perrault dit, dans ses hommes illustres 160, que le père de Molière, fâché du parti que son fils avait pris d’aller dans les provinces jouer la comédie, le fit solliciter inutilement par tout ce qu’il avait d’amis, de quitter cette pensée. Enfin, il lui envoya le maître chez qui il l’avait mis en pension pendant les premières années de ses études, espérant que par l’autorité que son maître avait eue sur lui pendant ce temps là, il pourrait le ramener à son devoir ; mais bien loin que ce bonhomme lui persuadât de quitter sa profession, le jeune Molière lui persuada de l’embrasser lui-même, et d’être le docteur de la comédie ; lui ayant représenté que le peu de latin qu’il savait le rendrait capable d’en bien faire le personnage, et que la vie qu’ils mèneraient serait bien plus agréable que celle d’un homme qui tient des pensionnaires. […] Ce bon Père lui envoya ensuite le Maître chez qui il l’avait mis en pension pendant les premières années de ses Études, espérant que par l’autorité que ce Maître avait eue sur lui pendant ces temps-là, il pourrait le ramener à son devoir ; mais bien loin que le Maître lui persuadât de quitter la profession de Comédien, le jeune Molière lui persuada d’embrasser le même Profession, et d’être le Docteur de leur Comédie, lui ayant représenté que le peu de Latin qu’il savait le rendrait capable d’en bien faire le Personnage, et que la vie qu’ils mèneraient, serait bien plus agréable que celle d’un Homme qui tient des Pensionnaires. (Perrault, Les Hommes illustres, 1698, p. 218-219). […] Perrault, Les Hommes Illustres, 1696 – 1700.

84. (1838) Du monument de Molière (Revue de Paris) pp. 120-

Cet homme inféodé dans la pierre, incarné dans la mémoire, c’est Poquelin de Molière. […] Ce résultat serait presque un affront pour Molière, si Molière n’était pas plus qu’un homme, pas plus qu’un dieu, ce qui est dire moins qu’un homme peut être dans un siècle philosophique. […] Mais que faire, demandera-t-on, pour consacrer la renommée d’un homme illustre ? […] N’est-ce pas beau de changer un homme en une ville, c’est-à-dire faire de son nom le nom de tout un peuple ? […] Nous fera-t-on croire que la France n’a produit qu’un seul homme capable d’écrire de bonnes comédies?

85. (1852) Légendes françaises : Molière pp. 6-180

Sans cesser de plaire au peuple qu’il aimait, il sut charmer les hommes éclairés. […] Pourtant c’était, de mœurs, un homme doux et simple. […] D’ailleurs, ils avaient tant d’esprit; c’étaient des hommes si raisonnables, M. […] D’être homme et de parler. […] Mais, ajouta-t-il en réfléchissant, qu’un homme souffre avant que de mourir ! 

86. (1747) Notices des pièces de Molière (1666-1669) [Histoire du théâtre français, tome X] pp. -419

Mais quel homme on aurait pu faire de ces deux comiques !  […] Molière trouva une nombreuse assemblée, et son homme qui présidait. […] Harpagon n’est pas présenté comme un homme qui ait de la naissance ou de grandes richesses. […] Pour y mieux réussir, il se présente à Pantalon comme un homme habile dans le commerce, et le prévient sur-le-champ en sa faveur. […] Un homme supérieur, quand il badine, ne peut s’empêcher de badiner avec esprit.

87. (1885) Études sur la vie et les œuvres de Molière pp. -461

C’était un homme chagrin, un peu avare, comme le remarque M. […] Léonard Aubry accourt alors à l’aide du pauvre homme aux abois. […] Il est parti vagabond, il revient grand homme ! […] Eh bien, que fait Racine pour répondre à ces bontés du grand homme ? […] Notre homme était Molière.

88. (1852) Molière, élève de Gassendi (Revue du Lyonnais) pp. 370-382

Il se moque de la scholastique en homme qui la connaît. […] Ce n’est pas la vertu, mais les travers d’un homme vertueux que Molière a joués dans le Misanthrope. […] On ne peut prétendre que Molière soit impartial entre Alceste et Philinte, et qu’il se borne à représenter les hommes tels qu’ils sont avec leurs travers, leurs maximes et leurs excès opposés. […] Je veux que l’on soit sage avec sobriété… Je prends tout doucement les hommes comme ils sont. […] Cette indifférence morale parait d’autant plus grave qu’elle se fonde sur ce que l’homme serait naturellement méchant, comme s’il n’avait pas la raison pour voir le bien et la liberté pour le faire.

89. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Vous faites chaque jour, à propos du même homme, les découvertes les plus étranges et les plus diverses. […] Deux hommes si différents ! […] Voilà comment devait se défendre un pareil homme. […] Ces grands hommes, l’honneur de l’esprit humain, reconnaissaient très volontiers les devoirs de la critique ; ils étaient, avant tout, de véritables hommes de lettres, et ils prouvaient, par leur exemple, que cette qualité d’homme de lettres est la plus grande et la plus honorable dont se puisse décorer un galant homme. […] Vous avez aussi dans L’Impromptu un méchant poète, un marquis ridicule, un homme raisonnable comme Philinte.

90. (1819) Notices des œuvres de Molière (III) : L’École des femmes ; La Critique de l’École des femmes ; L’Impromptu de Versailles ; Le Mariage forcé pp. 164-421

S’il était vieux, imbécile et maussade, l’aversion d’Agnès pour lui serait toute naturelle, et il n’en résulterait aucune leçon ; mais il est dans la force de l’âge ; il est homme d’esprit et homme du monde : son infortune alors ne provient que de son faux calcul, et elle en est la juste punition. […] Ce grand seigneur rencontre un jour Molière, et l’aborde avec les démonstrations d’un homme qui veut lui faire caresse. […] Le ministère français voulut faire enlever un homme qui, de même que Brécourt, s’était réfugié en Hollande. […] La Thorillière était un grand et bel homme, qui jouait parfaitement les rois et les paysans. […] Molière trouvait en elle tout ce qui pouvait lui convenir comme homme, comme auteur, comme directeur.

91. (1853) Des influences royales en littérature (Revue des deux mondes) pp. 1229-1246

Tous ces hommes, qui ont entouré de tant d’éclat les premières années de son règne, il ne les a ni formés, ni choisis, ni surtout remplacés. […] Doit-on croire qu’à cet âge des hommes comme ceux-là ne fussent point en possession de leur génie ? […] Regardez les portraits d’hommes qui nous restent de cette époque, ils se ressemblent tous en un point : c’est quelque chose de souriant, de poli, d’indécis. […] Pascal et Bossuet ont peint l’homme en général ; La Bruyère, ses contemporains. […] Ce sont des penseurs passionnés, ce sont des hommes ; plus tard, on aura des gens de lettres et des académiciens.

92. (1802) Études sur Molière pp. -355

pour être Romain, je n’en suis pas moins homme. […] Plaignons le grand homme ! […] ajoutait M. le marquis de… ; le pauvre homme extravague, il est épuisé. […] Cet homme-là est inimitable, disait le même M. le duc de…, etc., etc. […] Quand reparaîtront-ils ces hommes si rares, à tant de titres !

93. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIX. » pp. 397-410

Il y avoit autrefois à Atezzo un homme riche, nommé Tofan, qui avoit épousé une belle jeune fille, nommée Gitte. Il ne fut pas plutôt marié, qu’il devint le plus jaloux de tous les hommes. […] Un homme que nous avons tiré de la poussiere & de la bassesse de sa condition, un petit marchand de pommes cuites, traitera comme une misérable, une femme de votre qualité ! […] Tout le monde s’étant retiré, Berlinguier demeura comme un homme hors du sens, ne sachant s’il avoit songé cela, ou s’il l’avoit fait au pied de la lettre. […] Enfin l’heureux jour de leur mariage arrive : après que le jour se fut passé en bal & festins, il fut question d’aller coucher la mariée ; son homme ne tarda guere.

94. (1765) [Anecdotes et remarques sur Molière] (Récréations littéraires) [graphies originales] pp. 1-26

Il disoit que la nature sembloit lui avoir révélé tous ses secrets, du moins pour ce qui regarde les mœurs & les caracteres des hommes. […] Cet homme, le premier de notre temps pour l’esprit, & pour les sentiments d’un vrai Philosophe, cet ingénieux censeur de toutes les folies humaines, en a une plus extraordinaire que celles dont il se moque tous les jours ! Cela montre bien le peu que sont les hommes. […] Colbert feront ce qu’il leur plaira, dit-il brusquement ; mais à moins que le Roi ne m’ordonne expressément de trouver bons les vers de Chapelain, je soutiendrai toujours, qu’un homme, après avoir fait la Pucelle, mérite d’être pendu. […] Il donna à M. de Fougerais le nom de Desfonandrès qui signifie tueur d’hommes.

95. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE II. La Débauche, l’Avarice et l’Imposture ; le Suicide et le Duel. » pp. 21-41

Montrer aux hommes la hideur du vice, c’est bien agir ; leur inspirer l’horreur du vice, c’est être utile : il n’y a pas de considération qui emporte celle-là. […] Mais c’est, peu de voir cet homme dégradé par la famélique et honteuse lésine 95, bafoué et haï par ses gens, sans ami, soupçonneux, et avec cela amoureux : la vraie morale de l’Avare est dans ses enfants. […] Enfin il a déclaré avec raison, par la bouche d’Eraste, qu’un homme qui a fait ses preuves n’a pas besoin de cela pour montrer qu’il n’est point un lâche122. […] Fénelon approuvait Molière, et dans le Tartare, il a réservé une place aux tartuffes : « Il y remarqua beaucoup d’impies hypocrites, qui faisant semblant d’aimer la religion, s’en étaient servis comme d’un beau prétexte pour contenter leur ambition, et pour se jouer des hommes crédules. Ces hommes, qui avoient abusé de la vertu même, quoiqu’elle soit le plus grand don des dieux, étoient punis comme les plus scélérats de tous les hommes… Les trois juges des enfers l’avoient ainsi voulu, et voici leur raison : c’est que les hypocrites ne se contentent pas d’être méchants comme le resta des impies ; ils veulent encore passer pour bons, et font, par leur fausse vertu, que les hommes n’osent plus se fier à la véritable. » (Télémaque, liv.

96. (1922) La popularité de Molière (La Grande Revue)

Il n’est pas seulement auteur ; il est acteur, homme de théâtre ; il sait ce qui convient au spectateur, ce qui porte sur lui. […] L’anglo-saxon et le latin, le lettré et l’ignorant, l’homme mûr et le jeune homme y trouvent également leur compte. […] Est-il rationnel qu’une culture disproportionnée à son rôle lui permette de tenir dans la communauté une place que la nature et une organisation plusieurs fois millénaire de la famille ont attribuée à l’homme ? […] De même Sans dot, Le Pauvre Homme, Tartuffe ? […] Ce don, qui est l’apanage suprême de la raison, deux hommes, dont les noms sont inséparables, l’ont entre tous possédé : La ‌Fontaine et Molière.

97. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Le pauvre homme ! […] Le grand poète, l’homme de génie ne put faire absoudre le comédien. […] Il voulait aussi que cet homme distingué dans son art prît place à sa table. […] Cela obligea les quatre hommes de le lâcher et de s’enfuir. […] Il me semble que ce grand homme a dit vrai là, aussi bien là qu’ailleurs.

98. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE X. De la Diction. » pp. 178-203

Dois-je le faire déclarer fou en justice, ou le livrer aux bourreaux de Médecins, comme un homme à mettre en terre en peu de jours ? […] (Il faut réciter ces vers-là vîte, avec toute l’ardeur & la prestesse d’un homme qui se bat.) […] Est-il naturel qu’un homme qui va se battre, & un poltron sur-tout, cherche des expressions bouffonnes ? […] parcequ’elle n’a rien de forcé, & que tout homme de la condition d’Alceste auroit précisément parlé comme lui, s’il s’étoit trouvé dans sa situation. […] Les grands hommes le sont en tout.

99. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVI. M. DE BEAUMARCHAIS. » pp. 442-462

Le pere de l’Ecolier veut entrer chez sa fille, trouve un homme qui s’oppose à son passage. […] sans cet homme noir je n’aurois pu t’aimer ! […] Un homme vient à moi l’épée toute nue. […] Un homme chez ma fille ! […] Un homme chez ma fille !

100. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XI. Il Convitato di pietra (le Convié de pierre) » pp. 191-208

Si tous les hommes n’étaient qu’un homme, ah ! quel homme ! Si ce grand homme prenait ce grand couteau, pour en donner un grand coup à ce grand arbre, et qu’il lui fit une estafilade, ah ! […] « Rosalba écoute les propos galants du séducteur, qui finit par lui dire : “Si je ne vous donne pas la main d’un époux, je veux être tué par un homme… un homme qui soit de pierre, n’est-ce pas, Arlequin ?” […] Comme il ne peut parler qu’à peine, il dit que l’homme qui a fait ainsi (Arlequin baisse la tête) est là.

101. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Je l’avoué, non comme un philosophe qui pose orgueilleusement des bornes à la science humaine,, mais en homme de bonne foi qui pense que la science humaine peut résoudre au moins la question de la critique littéraire, qui confesse sa propre ignorance sans y condamner l’univers, et qui ne demande pas mieux que d’être instruit. […] Prenons les hommes tels qu’ils sont, en bloc, avec leurs qualités et leurs défauts, comme manifestations d’une même puissance, et ne demandons pas la ruse au lion, la force au renard, ni la grâce au paysan du Danube. […] La véritable personne de goût, c’est cet homme poli ou mieux encore cette femme aimable, qui se sert de sou intelligence sans savoir comment, de même qu’elle respire sans y penser. […] Ils créent des idées grandioses, comme les poètes de grandioses images, et il est rare que la faculté créatrice d’images et la faculté créatrice d’idées se trouvent réunies dans le même homme, rare surtout qu’elles fonctionnent ensemble. Goethe, le poète de la réflexion, Goethe, le moins fou des hommes, a dit : — « Vous venez me demander quelle idée j’ai cherché à incarner dans mon Faust !

102. (1855) Pourquoi Molière n’a pas joué les avocats pp. 5-15

C’est que le défenseur n’obéit à aucun système, ne suit d’autre règle que l’inspiration de sa conscience ; il est là, seul, luttant pour la vie d’un homme, et, quel qu’il soit, illustre ou stagiaire, on l’écoute, on le respecte, on se tait, on est ému. […] Nous pourrions étendre ce parallèle à d’autres que le médecin et l’homme de lettres ; mais tout ce que nous avons tenté de démontrer, c’est que la profession d’avocat n’imprime aucun caractère particulier à ceux qui l’exercent, et laisse à chacun son individualité. Que lui importe donc ce que fait l’homme ! […] - C’est bien à vous de faire l’habile homme ! […] - Souvenez-vous de l’homme que vous fîtes crever ces jours passés.

103. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VII. De l’Exposition. » pp. 139-164

Par exemple, dans le Cocu imaginaire, Célie sait bien que Gorgibus, son pere, veut la marier à un homme qu’elle n’aime pas ; cependant le public l’ignore, & il faut l’en instruire. […] A-t-on jamais vu, dites-moi, deux pecques provinciales faire plus les rencheries que celles-là, & deux hommes traités avec plus de mépris que nous ? […] Monsieur, votre homme arrive. […] C’est un extravagant qui s’est mis dans la tête de vouloir faire l’homme de condition. […] Quand au contraire Criton paroît dans l’Andrienne, on se demande, que veut cet homme ?

104. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre IV. — Molière. Chœur des Français » pp. 178-183

La première règle de la comédie, c’est de peindre l’homme de tous les temps. […] Ses personnages, élevés du particulier au général, résument en eux des catégories entières ; ils participent de la nature immuable et essentielle de l’homme, un hypocrite a quelque chose de l’hypocrisie absolue, un jaloux, quelque chose de la jalousie absolue ; leur nom propre devient un substantif commun ; ils sont de tous les pays, et demeurent à jamais contemporains des générations qui se succèdent246. […] S’il existait quelque part un être isolé, qui ne connût ni l’homme de la nature, ni l’homme de la société, la lecture de ce grand poète pourrait lui tenir lieu de tous les livres de morale et du commerce de ses semblables253. […] C’est un genre faux, agréablement touché par un homme de génie271.

105. (1886) Revue dramatique : Les Fâcheux, Psyché (Revue des deux mondes) pp. 457-466

Cependant les grands hommes sont les grands hommes : on se pique de les aimer, de les honorer, et de s’honorer soi-même par leur commerce. […] On découvrira, dans ces rencontres, que ces grands hommes sont des hommes, et on leur saura gré de leurs faiblesses : on sera bien aise de traiter avec eux plus familièrement qu’on ne faisait. On découvrira aussi que ce sont des hommes d’une certaine date : on s’amusera, par ce goût du bibelot qui est si vif aujourd’hui, des marques qu’ils en portent ; et, si quelques-unes de ces marques ont des analogues en d’autres siècles, voire de nos jours, on regardera en souriant ces analogies. […] Alors, pour nous, Molière est un grand homme, sous lequel a régné Louis XIV ; le siècle de Louis XIV, ce considérable espace de la vie de l’humanité, Molière l’a rempli et comblé de sa gloire. […] Ou, réciproquement, tel ridicule qu’on croirait appartenir à ce temps-là, on s’aperçoit avec malice qu’il est encore de ce temps-ci : celui, par exemple, de l’homme qui fait ses embarras au spectacle.

106. (1775) Anecdotes dramatiques [extraits sur Molière]

Jamais homme, excepté Montmaur*, n’a tant été turlupiné que le pauvre Cotin*. […] Molière trouva une nombreuse assemblée, et son homme qui présidait. […] Le pauvre homme se trompa. […] Jamais Acteur n’a porté si loin les rôles d’homme en femme. […] L’on refuse la sépulture à un homme qui mérite des Autels ! 

107. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VIII » pp. 70-76

 » Toutefois il paraît que la facilité de madame de Sévigné était contraire à l’usage, puisque Bussy-Rabutin ajoute encore ce trait de satire : « Il n’y a guère que l’usage qui la pourrait contraindre ; mais elle ne balance pas à le choquer plutôt que les hommes 29. » Il paraît que Voiture, après avoir reçu de Julie une leçon de réserve, se crut en droit d’en donner de semblables à d’autres. […] C’est que chez les Romains, les femmes ne vivaient pas en société avec les hommes ; que les dames romaines vivaient retirées ; que recevoir des hommes chez soi, c’était le honteux privilège des courtisanes et des femmes publiques. […] La bienséance du langage est une loi de la morale dans toute société où les femmes sont en parité avec les hommes, parce que c’est un devoir envers elles. Dans la société des femmes, la bienséance du langage est imposée par la double sympathie qui unit l’homme délicat à la pudeur du sexe, et la délicatesse de chaque homme avec celle de tous les autres.

108. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE V. L’Éducation des Femmes. » pp. 83-102

Ce jugement est sévère ; mais il est permis de demander beaucoup aux hommes qui, alors, illustrèrent pour jamais notre pays et l’humanité. […] Il a fait pour la femme ce qu’il a fait pour l’homme : il l’a étudiée et dépeinte avec cette généralité de vue et cette largeur de raison qui donnent à ses œuvres un caractère universel. Convaincu que la femme est un être libre et capable de conduite autant que l’homme, Molière s’indigne contre la prétention qu’on a eue longtemps de la faire vertueuse par force, et de la tenir ignorante par principe. […] Et quand nous nous mettons quelque chose à la tête, Que l’homme le plus fin ne soit pas une bête ?. […] Quel homme de cœur peut assister sans émotion au spectacle de cette jeune âme emprisonnée, qui conserve toujours et reconquiert enfin sa dignité libre, sous toutes les chaînes d’un despotisme absurde, sous tous les voiles d’une savante erreur, comme sous la glace immobile on entend l’eau irritée qui au premier printemps roulera dans la mer sa prison vaincue ?

109. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VIII. De l’Action, du Nœud, des Incidents. » pp. 165-171

On rapporte qu’un homme curieux de voir l’effet que produiroient sur un paysan nos spectacles, y conduisit un de ses fermiers, un jour qu’on représentoit une tragédie de Racine. […] Je défie qu’on puisse faire une critique plus sanglante de la marche froide qu’ont quelques-unes des productions de ce grand homme. […] Baron 23, dans l’Homme à bonne fortune, met Moncade dans plusieurs embarras qui ne sont nullement liés l’un à l’autre. […] Dans le Malade imaginaire, par exemple, on apporte un lavement : il ne tombe certainement pas des nues dans la maison d’un homme qui, de son propre aveu, en prend ordinairement vingt par mois. […] Voilà comme, chez un homme de génie, l’incident le plus petit en apparence produit de grands effets.

110. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIX » pp. 207-214

Le vulgaire des courtisans comprend les hommes dénués de mérite et pétris de vanité, qui, tourmentés du besoin d’importance à défaut de considérai ion, sollicitent, et se contentent de recevoir à genoux quelques reflets de la puissance suprême. […] Les courtisans de ce genre ont eux-mêmes leurs courtisans parmi les hommes du plus haut rang. Les hommes de génie dans les lettres peuvent être courtisans des rois, et avoir eux-mêmes des rois pour courtisans. […] Pour les hommes vulgaires, les rois sont des sources de fortunes particulières et rien de plus. Pour les hommes a grandes pensées, ils sont des instruments d’une puissance incomparable pour l’accomplissement d’illustres desseins.

111. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXX » pp. 330-337

« Il y a chez une de ses amies », dit madame de Coulanges, « un certain homme qui la trouve si aimable et de si bonne compagnie, qu’il souffre impatiemment son absence. […] Il les raya et mit 2 000 écus. » Il est évident que ce certain homme c’était le roi, et que celle des amies de madame Scarron, chez qui se trouvait ce certain homme, c’était madame de Montespan ; et que les absences que le certain homme souffrait impatiemment, celaient celles de madame Scarron quand elle retournait dans la maison de Paris94. […] Les termes dont se sert madame de Coulanges se refusent à l’application qu’on a voulu faire à M. de Coulanges son mari, du mot un certain homme ; elle n’aurait eu aucune raison de ne pas dire tout simplement Coulanges. […] Remarquez enfin dans la lettre de madame de Coulanges le mot qui commence la phrase qui suit la nouvelle : « Cependant, dit-elle, elle est plus occupée de ses anciennes amies qu’elle ne l’a jamais été. » Cependant vient bien après l’approbation d’un homme tel que le roi ; mais quel ridicule serait égal à celui de madame de Coulanges disant : M. de Coulanges mon mari trouve madame Scarron de fort bonne compagnie, et cependant elle veut toujours bien nous regarder !

112. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Dans La Critique de l’École des femmes, Dorante est un homme du monde, et Lysidas un poète pédant. […] Dorante a lu Kant ; d’homme du monde aimable et galant qu’il était autrefois, il est devenu un peu scolastique. […] L’un d’eux dira : Le singe est le contraire de l’homme ; en effet, l’homme est l’être le plus sérieux de la création. […] Le singe n’est pas le contraire de l’homme ; car l’homme n’est pas toujours sérieux ; il lui arrive de faire des grimaces, et, soit dit sans vous offenser, de dire des choses ridicules. […] Lysidas, bon logicien mais homme d’esprit, ne fasse pas plutôt profession extérieure et philosophique de ne la point aimer.

113. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXIX. Des Méprises, des Equivoques & de ce qu’on appelle quiproquo au Théâtre. » pp. 474-489

Un malhonnête homme ne fera jamais rire, parceque dans le rire il entre toujours de la gaieté, incompatible avec le mépris & l’indignation. […] D’après le sentiment d’un aussi grand homme, & d’après l’expérience, on n’osera plus douter que les méprises, les équivoques ne soient les ressorts les plus propres à exciter le rire. […] L’Ariane comique se sauve par miracle, revient dans sa ville habillée en homme, obtient la charge de Prévôt, & juge son mari. […] Tel est son caractere : elle a très mauvaise opinion des hommes. […] Je suis un homme à ne vous point scandaliser ; & les choses iront dans la douceur.

114. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXV. Des Caracteres généraux. » pp. 263-267

Le but de la comédie étant de plaire aux hommes & de les rendre meilleurs en leur présentant leurs défauts, il est bien plus flatteur de rendre ce double service non seulement à ses patriotes, mais encore aux étrangers. […] Si l’ouvrage peint l’homme de toutes les nations, on le traduit dans toutes les langues ; il franchit ainsi les bornes du royaume & porte le nom de l’Auteur avec lui : s’il ne peint qu’un François, un Italien, un Espagnol, il sera seulement connu en France, en Italie, en Espagne, & le nom de l’Auteur ne s’étendra pas plus loin, à moins qu’il ne doive cet honneur à quelque autre piece. La comédie des Femmes savantes est bien meilleure sans contredit que celle du Malade imaginaire ; cependant le dernier ouvrage est certain de plaire chez un plus grand nombre de nations que le premier, parcequ’il est par-tout des hommes à qui l’amour de la vie inspire la crainte de la perdre, & un desir trop violent de la conserver ; au lieu qu’il n’y a peut-être qu’en France des femmes qui méritent cette apostrophe de Chrisale. […] Ajoutons qu’il n’y a qu’en France des hommes assez fous pour laisser faire de pareils écarts à leurs femmes, ou pour leur persuader à force de flatteries qu’elles sont savantes, parcequ’elles ont quelques notions aussi confuses que superficielles sur les sciences. […] Cependant si j’osois risquer mon avis après celui de personnes aussi respectables, je dirois que dans tous les pays, chez tous les peuples, les hommes ont un culte ; qu’on y voit des dévots & des indévots, des crédules à l’excès, & des incrédules ; que les derniers, cherchant à profiter de la crédulité des autres, se couvrent du manteau révéré.

115. (1886) Molière : nouvelles controverses sur sa vie et sa famille pp. -131

Larroumet l’a traité en écrivain et en homme d’esprit. […] Cet homme dangereux semblait l’intrigue incarnée. […] Sébastien Aubry était un homme de sac et de corde : « Son nom, dit M. […] Mais, je tiens à le redire, si c’est une femme qui l’a inspiré, c’est un homme, son mari ou son amant, qui a dû le rédiger ; le style, la touche, sont d’un homme et d’un homme habitué à manier la plume. […] Quelle est au juste l’idée qui se personnifie dans l’homme aux rubans verts, ce frondeur bourru de tous les travers sociaux ?

116. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre II. — De la poésie comique. Pensées d’un humoriste ou Mosaïque extraite de la Poétique de Jean-Paul » pp. 97-110

Deuxième contredanse L’humoriste, plein d’indifférence à l’égard des sottises individuelles127, se dresse sur la roche tarpéienne d’où sa pensée précipite l’humanité tout entière128 Devant son regard bienveillant et triste il n’y a pas de sots, mais l’homme est sot ; il n’y a pas de folies particulières, mais la folie est universelle. […] C’est pourquoi Socrate dit, dans le Banquet de Platon, qu’il appartient au même homme de traiter la comédie et la tragédie , et que le vrai poète comique est en même temps poète tragique 133. […] Pantagruel, dit le comique, transporta au pays conquesté 9 876 543 210 hommes, sans les femmes et petits-enfants 144. […] — Le sublime chante que l’homme est le roi de la création ; mais le comique le montre tremblant de peur entre les bras d’un grand singe qui le flatte doucement avec sa patte148. — Le sublime est le troubadour qui récite, tôle nue et à distance, des vers épiques à la table des rois ; le comique est le petit chien impertinent qui saule sur la table du festin, salit les plats d’argent et d’or, met les rois en colère, le menu peuple en liesse, et mord en se sauvant le pied du troubadour. — L’architecte héroïque se cache derrière son œuvre, qui semble s’élever toute seule aux sons de sa musique, comme Thèbes aux doux accords de la lyre d’Amphion. […] Elle ne connaît pas l’homme en général, mais l’homme du monde161, et ne connaissant pas l’homme naturel, elle a beau dessiner des types abstraits, elle ne fait que des portraits d’individus162, et non l’image éternelle de l’homme, comme Shakespeare.

117. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE IV. Brueys & Palaprat, imitateurs, comparés avec Térence, Blanchet, un Auteur Italien, & la nature. » pp. 100-132

qu’estoit un homme savant ! […] (Simon copie un homme de robe. […] Et un homme d’épée, là, un cavalier du bel air ? […] Ils rient comme les autres hommes... […] le grand homme !

118. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE VIII. Le Mariage. » pp. 145-165

Molière fait justice de l’illusion que l’amour puisse exister entre les âmes seules, et que l’homme ait ainsi la puissance de séparer en deux le corps et l’esprit, qui font une seule et même personne. […] Bien plus encore, en face d’un homme, d’un amant, c’est l’homme et l’amant raisonnable dont le langage est chaste, et c’est la femme éthérée qui parle des sentiments brutaux, du commerce des sens, des nœuds de chair et des sales désirs 501. […] —  par la voix de l’homme honnête et sensé qui dit avec autant d’esprit que de raison : J’aime avec tout moi-même ; et l’amour qu’on me donne En veut, je vous l’avoue, à toute la personne... […] sans doute, ceux qu’une passion déraisonnable fait passer outre à ces indispensables conditions, sont souvent bien innocents et bien excusables : Molière en fut lui-même un exemple531 ; et il y a un stoïcisme amer dans la façon joviale dont il essaye de prouver qu’on doit porter en galant homme de certaines disgrâces 532. […] Mais surtout elle doit « Songer qu’en la faisant moitié de sa personne C’est son honneur qu’un homme en ses mains abandonne ; Que cet honneur est tendre et se blesse de peu ; Que sur un tel sujet il ne faut point de jeu581. » XXIX.

119. (1882) Molière (Études littéraires, extrait) pp. 384-490

Il était trop homme de bien pour que Molière ne lui épargnât pas ce malheur. […] C’est un homme, entre nous, à mener par le nez. […] mais pour l’homme fait, son théâtre vaut l’école de la vie ; et c’est sa gloire. […] Voilà bien l’homme qui croit commander quand il obéit, et agir en se croisant les bras. […] Pour être Romain je n’en suis pas moins homme.

120. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XII. » pp. 251-273

C’est bien à vous de faire l’habile homme. […] Souvenez-vous de l’homme que vous fîtes crever ces jours passés. […] Ce changement, qui ne paroît rien aux yeux du vulgaire, décele l’homme de génie aux yeux des connoisseurs. […] Les Rois, pour être Rois, ne cessent pas d’être hommes : pensez-vous que... […] Si Moliere a su imiter en homme de goût ses prédécesseurs, M.

121. (1821) Scène ajoutée au Boulevard Bonne-Nouvelle, pour l’anniversaire de la naissance de Molière pp. -

Cet diable d’homme il m’a ruiné. […] Convenez-en, vous êtes économes Dans les honneurs que l’on doit aux talents ; Si nous avons, moins que vous, de grands hommes, Sur leurs autels, nous brûlons plus d’encens. […] Il est trop vrai, par une aveugle rage, Ce grand homme fut outragé ; Mais des préjugés d’un autre âge, Notre siècle l’a bien vengé. L’homme obscur tout entier succombe ; Mais Molière est encor debout : Qu’importe enfin où se trouve sa tombe, Son génie est partout. […] L’art de joindre à l’enjouement La raison sévère ; L’art de poursuivre gaiement La sottise altière ; L’art de peindre tour à tour Le bourgeois, l’homme de cour, Ne sont-ils pas nés le jour Où naquit Molière.

122. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE IV. » pp. 57-70

Lélie arrive ; il n’est pas peu surpris de trouver son portrait dans les mains d’un homme. […] La femme de Sganarelle, non contente de louer la beauté de l’homme peint dans la miniature, sent la boîte, parcequ’elle est parfumée. […] Elle descend pour demander à Sganarelle s’il connoît l’homme avec qui il étoit ; Sganarelle lui répond que c’est un damoiseau qui le fait cocu. […] Je hais de tout mon cœur les esprits colériques, Et porte grand amour aux hommes pacifiques. […] Mon cartel est reçu, je n’en fais point de doute : Mon homme ne vient point ; peut-être il me redoute.

123. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE PREMIER. » pp. 5-19

L’amour qu’il a pour la belle esclave lui tourne si fort la cervelle, qu’il est devenu comme un homme hébêté. […] Voilà le Seigneur Apœcide qui est votre homme ; d’ailleurs il possede la haute science du droit & des loix : croyez-moi, sera bien fin qui pourra l’attraper. […] Gélio est un homme maussade, imbécille, qui fait pitié. […] Ce drapier retint cet homme à souper, & le fit coucher chez lui (c’étoit ce qu’il demandoit), lui disant qu’il se mettroit le lendemain au matin en chemin avec lui pour aller à Chartres, comme sa belle-sœur lui mandoit. […] Il est sans doute plaisant qu’un homme à qui l’on persuade que son ami est mort, prenne ce même ami pour un revenant dès qu’il le voit, & lui promette des prieres ; mais le comique est bien plus renforcé dans l’entrevue de deux hommes qui se croient morts tous deux, se revoient en tremblant, & se rendent mutuellement la peur qu’ils se font : la situation est plus piquante du double.

124. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXI. Du Genre mixte. » pp. 241-252

« Tout le monde dit que je me marie avec le plus bourru de tous les hommes. […] Vous m’avez dit que vous ne savez pas danser, mais je vous envoie le premier homme du monde. . . . […] Monsieur le premier homme du monde, savez-vous bien que vous risquez beaucoup ici ? […] Quel enragé d’homme m’a envoyé cette folle ! […] Grichard qui a la bonté de souffrir de telles violences, ou qui est un homme à qui l’on peut en imposer avec des machines si grossieres, n’est plus un grondeur, mais la plus douce, la plus patiente, la plus brute des bêtes possibles, & la plus insipide pour le spectateur.

125. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXII. » pp. 426-435

Mais, encore une fois, faites ce que vous aviserez ; vous autres hommes, vous êtes les maîtres, & les femmes ne sont que les servantes. […] Je ne veux point tous ces caquets, & je veux un homme, en un mot, qui m’ait obligation de ma fille, & à qui je puisse dire : Mettez-vous là, mon gendre, & dînez avec moi. […] Nous avons dit ailleurs que le ridicule d’un seul homme, quelque outré qu’il soit, ne peut seul remplir une piece. […] le pauvre homme extravague : il est épuisé. Si quelque autre Auteur ne prend le théâtre, il va tomber : cet homme-là donne dans la farce italienne.

126. (1899) Salut à Molière, dit par Coquelin cadet, le soir du 15 janvier, pour le 277e anniversaire de la naissance de Molière, sur la scène de la Comédie-française pp. 3-8

Ce n’est, comme le dit Molière, qu’un homme de maintenant qui traverse la foule héroïque et pittoresque du drame et de la comédie, et qui vient célébrer pour la première fois, sous la forme directe de la prose, celui qui fut un grand poète de la prose et des vers. Mais ne croyez pas que cet homme d’aujourd’hui veuille se séparer de ce qui l’a précédé. […] Son amère satire, sans cesser de sourire et de rire, se jette dans la mêlée, s’attaque aux charlatans, aux parvenus, aux vaniteux du jour, aux vices fonciers de l’homme et de la femme. […] Le grand homme donne son art à tous, même aux simples et aux enfants.

127. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIX & dernier. Des causes de la décadence du Théâtre, & des moyens de le faire refleurir. » pp. 480-499

« La nature épuisée n’enfante plus, dit-on, de grands hommes ». […] Le titre d’homme illustre égaloit l’homme sans naissance à ce qu’il y avoit de plus grand & de plus important dans l’Etat. […] Jettons un coup d’œil impartial sur notre siecle ; nous y verrons une infinité de grands hommes ne sortir de la foule commune, ne s’élever au sublime de leur art que par les bontés du meilleur des Princes. […] La nature le destinoit à illustrer sa patrie : le discrédit des Lettres, les privileges tyranniques d’une seule troupe en font quelquefois une des sangsues de l’Etat, ou du moins un homme inutile. […] Enfin, s’il est vrai qu’un Empire soit plus ou moins illustre à mesure qu’il produit plus ou moins d’hommes de génie, d’hommes immortels, pourquoi ne pas admettre le seul moyen qui peut nous rapprocher de ce temps fameux où les Corneille, les Moliere, les Racine, s’immortalisoient chacun sur un théâtre différent ?

128. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

« Le roi, lui écrit-elle, a passé deux heures dans mon cabinet ; c’est l’homme le plus aimable de son royaume. […] Il est homme d’habitude… Le roi lit quelquefois l’Écriture sainte, et il trouve que c’est le plus beau de tous les livres. […] Ils avaient à se venger du coup que Pascal leur avait porté dans l’esprit de tous les hommes sincèrement pieux. […] Passons, pour la dernière fois, la revue des femmes de la société polie, des hommes de cour et hommes du monde, des hommes de lettres et des hommes d’église qui en faisaient partie. […] Elle opposa ses scrupules, elle favorisa tous les hommes qui pouvaient les justifier dans l’esprit du roi et lui en inspirer à lui-même.

129. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVIII. M. GOLDONI. » pp. 468-479

Goldoni l’idée de faire son Bourru bienfaisant : en tout cas c’est un prêté pour un rendu, & il y a grand plaisir à voir commercer ainsi les grands hommes. […] J’ose dire hardiment qu’un homme assez favorisé des cieux pour naître aujourd’hui avec autant de génie que Pocquelin, ne pourroit se flatter de monter aussi haut sur le Parnasse. […] Secondement, une éducation trop égale ne donnoit pas à tous les hommes de son temps un masque uniforme, & un vernis d’agrément à tous les vices. […] Quel autre que lui eût obtenu trois ordres consécutifs pour faire donner le Tartufe malgré les hommes puissants qu’il y peignoit ? […] Indépendamment de tout cela, mille circonstances ont concouru à seconder la nature pour former en lui l’homme extraordinaire, & s’opposent trop bien présentement aux progrès d’un Auteur comique.

130. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXV. » pp. 500-533

un pauvre homme qui gueuse. […] Ou respecte cet homme, ou redoute ma canne. […] Pour moi, je crois très fermement que l’homme est fait pour être imitateur, qu’il naît avec le desir de l’imitation, qu’il lui doit toute sa gloire, & qu’il ne fait qu’imiter pendant toute sa vie. […] L’homme approche-t-il de cet âge qu’on a la bonté d’appeller l’âge de raison, il imite le bon paysan qui lui montre à cultiver la terre, ou son maître à danser, son maître d’armes, &c. […] La nature, en formant tous les hommes pour l’imitation, n’a pas donné à tous le même talent pour l’imiter.

131. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIII. Des Pieces intriguées par les Maîtres. » pp. 151-168

Un homme, quand il veut, sait bien dissimuler ! […] Le tour est d’habile homme, il le faut appuyer. […] Les termes que Léandre emploie sont injurieux, & un homme éduqué, un François sur-tout, ne peut tenir de pareils propos à une femme, quelque ridicule qu’elle soit d’ailleurs, sans se faire siffler. De sorte que des trois intrigants du bel air, que Thomas Corneille emploie, Angélique agit en servante, Oronte en valet, & Léandre parle comme un homme du commun. […] Je demande présentement si parmi le monde comme il faut, & dans la bonne compagnie, il est reçu qu’une femme écrive de sa propre main un billet doux à un fat qu’elle méprise ; s’il est décent qu’elle engage une jeune personne honnête, franche, naïve, à faire la même sottise ; & qu’elles laissent ensuite toutes deux leurs lettres entre les mains d’un homme qu’elles poussent à bout, d’un homme qui doit dans peu, dit-on, faire imprimer ses lettres, d’un homme enfin qu’elles savent très capable de les déshonorer pour prix de leurs railleries outrées.

132. (1663) Nouvelles nouvelles pp. 210-243

— Mais comme je suis depuis peu de retour de la campagne, continuai-je, où j’ai demeuré quelques années, je vous prie de m’apprendre qui est un certain Comédien de la Troupe de Monsieur, dont les pièces font tant de bruit et dont l’on parle partout comme d’un homme qui a infiniment d’esprit. […] Mais pour retourner au fameux comédien dont vous m’avez parlé, ses ouvrages n’ayant pas tout le mérite de sa personne, vous me permet trez de ne vous en dire rien autre chose, sinon que c’est un fort galant homme. […] Jamais homme ne s’est si bien su servir de l’occasion, jamais homme n’a su si naturellement décrire ni représenter les actions humaines et jamais homme n’a su si bien faire son profit des conseils d’autrui. […] Mais il voudrait faire en sorte, par le moyen de ses Pièces, que tous les hommes pussent devenir jaloux et témoigner leur jalousie sans être blâmés, afin de pouvoir faire comme les autres et témoigner la sienne sans crainte d’être raillé. […] — Elle n’est pas de lui, repartit Straton, elle est de l’abbé Du Buisson, qui est un des plus galants hommes du siècle.

133. (1809) Cours de littérature dramatique, douzième leçon pp. 75-126

Ce luxe ne convient qu’à l’homme qui veut soutenir l’éclat d’un certain rang, sans faire les dépenses qu’il exige. […] Il est aisé de juger que l’on fera naître des contrastes plaisants, si l’on joint à l’avarice qui isole les hommes et les renferme en eux-mêmes, un sentiment expansif et généreux tel que l’amour. […] Ce fut à cette époque que l’on vit paraître le caractère de l’homme à bonnes fortunes, du favori des femmes, qui étale d’un ton blasé la foule de ses trop faciles conquêtes. […] d’un homme qui s’arme d’une froide raillerie pour satisfaire son triste orgueil et son désir de faire du mal sans autre but que le mal même ? […] Talma est un homme de génie unique, et il est presque le seul qui fasse exception à tout ce que je dis ici.

134. (1734) Mémoires sur la vie et les ouvrages de Molière (Œuvres de Molière, éd. Joly) [graphies originales] pp. -

L’indulgent Philinte qui, sans aimer ni censurer les hommes, souffre leurs défauts, uniquement par la nécessité de vivre avec eux, & par l’impossibilité de les rendre meilleurs, forme un contraste heureux avec le sévére Alceste, qui, ne voulant point se prêter à la foiblesse de ces mêmes hommes, les hait & les censure parce qu’ils sont vicieux. […] On reconnut dans monsieur Jourdain un ridicule commun à tous les hommes dans tous les états ; c’est la vanité de vouloir paroître plus qu’ils ne sont. […] On voit en même tems l’homme & le personnage, le masque & le visage, tellement mis en opposition d’ombres & de lumiéres, qu’on démêle toujours ce qu’il est, & ce qu’il veut paroître. […] C’est à cet esprit de réfléxion, prêt à s’exercer sur tout ce qui se passoit sous ses yeux, c’est à l’attention extrême qu’il apportoit à examiner les hommes, & au discernement exquis avec lequel il sçavoit démêler les principes de leurs actions, que ce grand homme a dû la connoissance parfaite du cœur humain. […] Estimé des hommes les plus illustres de son siécle, il n’étoit pas moins chéri & caressé des grands.

135. (1885) La femme de Molière : Armande Béjart (Revue des deux mondes) pp. 873-908

Pour la grande majorité des biographes de Molière, Armande fut une épouse indigne ; elle tortura, elle couvrit de ridicule le grand homme dont elle portait le nom. […] Tout ce que l’on est en droit de supposer, c’est que le livre part de la main d’un homme ou d’une femme de théâtre. […] Qui veut déshonorer un homme lui attribue des actes d’indélicatesse ou de lâcheté ; qui veut déshonorer une femme lui prête des amans : ce sont les moyens les plus sûrs. […] Molière était un très grand homme, mais un homme, et qui avait ses faiblesses ; il serait puéril de les nier et de l’absoudre en tout et pour tout avec un parti-pris d’admiration. […] l’on refuse la sépulture à un homme qui, dans la Grèce, eût mérité des autels ! 

136. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXVII. Du titre des Pieces à caractere. » pp. 417-432

Votre oncle est un sage en effet ; (S’il est pourtant permis à quelque homme de l’être.) […]  Nous l’aimons tous tant que nous sommes :   Car, malgré l’inégalité,   Ses valets sont pour lui des hommes. […] Comme sa propre fille Eraste la chérit ; Et c’est à cet égard un homme incomparable. […] Avec ce regard tendre & ce joli visage,  (Jugez combien cet homme est fou !) […] Lisimon son ami, homme sensé, l’en dissuade, & l’exhorte à se marier.

137. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

L’enfance est gaie ; mais combien d’hommes, combien de poètes ont su conserver ou rappeler les joyeux celais de rire de l’enfance ? […] Disons mieux, elle s’adresse à l’homme tout entier et complet, c’est-à-dire pas plus aux hallucinés qu’aux esprits purs. […] Et quel rare génie poétique, c’est-à-dire créateur, faut-il donc pour reproduire sur la scène les hommes et les choses que nous voyons tous les jours ? […] On y voit un amant déguisé en valet, un fils prodigue épris de la prétendue de son père, un cocher qui est aussi cuisinier, une femme d’intrigues, un homme qui prête sur gages, un homme qui a de l’argent caché, un vieil avare amoureux et, pour couronner tout, une reconnaissance. Il y a, ai-je dit, dans cette comédie, un usurier, un homme qui a de l’argent caché, et un vieil avare amoureux.

138. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIX. Des Pieces intriguées par un déguisement. » pp. 216-222

Un jeune Seigneur de Paroisse aime la fille de la Concierge de son château : il craint de ne pas lui plaire ; & pour éprouver son cœur, il feint de vouloir l’unir à un homme fort riche : c’est son valet qu’il charge de ce personnage. […] Nous avons encore un très grand nombre de pieces dans lesquelles une femme se déguise en homme, un homme en femme, en jardiniere, en soubrette : ces déguisements sont dignes pour la plupart de figurer avec ceux d’Arlequin statue, enfant, perroquet, ramonneur, fauteuil, petit More, squelette, &c. […] Aurore le suit déguisée en homme, vit familiérement avec lui sous le nom de Mendoce, sans en être reconnue. […] Arlequin, après avoir fait deux fagots, veut en charger son âne ; il est surpris de trouver au lieu de sa souquenille un habit magnifique, une perruque, un masque, un chapeau bordé : il demande à son âne s’il sait comment tout cela a été changé ; il s’en pare, en disant qu’il en vendra mieux son bois à la ville, quand Scapin, qui vient à la tête de quelques soldats, reconnoît l’habit de l’homme qui a blessé Silvio, fouille dans ses poches, trouve une lettre de Rosaura, se confirme dans l’idée qu’il arrête Celio, & emmene Arlequin.

139.

Tu prétends, toi Scapin, trouver un homme ? […] Cléante est homme du monde. […] pour être dévot, je n’en suis pas moins homme !  […] J’aime à retrouver sur les choses qui restent l’ombre passagère de l’homme disparu. […] Il cite parfois, et par leur nom, les grands hommes contemporains.

140. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XX. Des Unités. » pp. 352-366

Je ne dis point qu’un Auteur doive resserrer son action dans le petit espace que le théâtre nous présente ; tous nos théâtres, plus ou moins grands, sont censés avoir l’étendue qu’un homme peut parcourir de l’œil. […] Aristote ne permet d’en prendre qu’une seule dans la vie d’un homme, quoique cette vie soit remplie de faits brillants. […] Aristote a tort, s’il ne permet pas de réunir des faits qui, quoiqu’arrivés à un homme dans l’espace de vingt ans, peuvent paroître lui être arrivés dans vingt-quatre heures. Si Moliere, par exemple, pour peindre son Harpagon, avoit mis en même temps sous les yeux du spectateur, & les traits d’avarice de son enfance, & ceux qu’il fait lorsqu’il veut sacrifier sa fille à l’amour d’un homme qui la prend sans dot, cette duplicité d’action seroit choquante, parceque l’avarice d’un enfant est tout-à-fait différente de celle d’un homme mûr. […] Tous ces traits, s’ils n’arrivent pas à un homme dans l’espace de vingt-quatre heures, peuvent cependant arriver, sans choquer la vraisemblance ; aucun ne jure avec l’âge, l’état & le caractere actuel du héros.

141. (1844) La fontaine Molière (La Revue indépendante) pp. 250-258

Les lieux plus particulièrement consacrés par le souvenir de la vie ou de la mort des grands hommes sont aussi, à moins d’impossibilité matérielle, plus particulièrement propres à recevoir les monuments qu’on leur érige. […] Dans l’inauguration de tout monument commémoratif, il y a deux parts de succès et de triomphe : la part de celui qu’on exalte et la part des hommes qui ont fait, exécuté 1e monument. Lorsque le voile qui cache l’œuvre vient à tomber, les applaudissements qui éclatent d’ordinaire s’adressent d’abord au grand homme, puis aux artistes qui ont élevé l’édifice. […] C’est-à-dire, qu’ainsi que l’être moral s’exprime par l’être physique, que la physionomie de l’homme réfléchit son esprit et son caractère, l’œuvre d’architecture doit, par son aspect, exprimer nettement ce qu’elle est dans l’idée, ce à quoi elle est destinée. […] « Le style, c’est l’homme,» a dit Buffon.

142. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE VI. Les Femmes. » pp. 103-120

L’homme n’a guère qu’une manière d’être hypocrite : la femme en a deux, la pruderie et la coquetterie. […] Si l’homme est grand par l’esprit, la. femme est éminente par le cœur. Or, la coquette n’a pas de cœur : c’est pour cela que Molière, abhorrait la coquetterie chez la femme, comme la sottise ou l’imposture chez l’homme. Que le monde pardonne ce terme énergique, mais une femme sans cœur était à ses yeux un monstre, comme un homme sans honneur. […] la triste chose et l’étrange malheur, Lorsque dans leurs filets tombe un homme de cœur389 !

143. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VI. Des Prologues. » pp. 118-138

Après la mort de ce grand homme, les Auteurs, dédaignant de marcher sur ses pas, ont souvent épuisé si bien leur verve dans de longs prologues, que leurs pieces s’en sont ressenties. […] L’homme ne songe pas à faire du mal au tigre, mais le tigre ne pense qu’à faire du mal à l’homme. […] Le Roi Ling-coug mon maître avoit deux hommes auxquels il se fioit sans réserve ; l’un pour gouverner le peuple, c’est Tchao-tun ; l’autre pour gouverner l’armée, c’est moi. […] Un jour Tchao-tun sortit pour aller animer les laboureurs au travail, il trouva sous un mûrier un homme à demi mort de faim, il le fit boire & manger tant qu’il voulut, & lui sauva la vie. […] J’avois préparé dans le fond de mon jardin un homme de paille, habillé comme Tchao, & de sa grandeur : ayant mis dans son ventre des entrailles de mouton, je prends mon chien & je lui fais voir les entrailles ; je le lâche, il eut bientôt mis en pieces l’homme de paille & dévoré la chair qu’il y trouva.

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