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26. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXI. De l’Amour. » pp. 367-384

Ne rendez point Tartufe amoureux d’Elmire, il sera bien moins scélérat ; nous n’aurons point cette belle scene, cette scene divine dans laquelle son amour le force à ôter le voile qui couvre son hypocrisie, & nous ne verrons pas toute sa noirceur. […] Cette scene inimitable est encore animée par la vivacité avec laquelle les deux amants, aidés de Marinette & de Gros René, déchirent leurs billets doux, se rendent tous les présents qu’ils se sont faits ; & enfin par leur raccommodement, qui, venant immédiatement après leur démêlé, forme le contraste le plus frappant, & en même temps le plus naturel. […] Qui rend donc contre moi ce courroux légitime ? […] D’accord ; mais, pour vous plaire, il redevient aimable : Ses graces à mes yeux le rendent redoutable. […] Que les Auteurs s’appliquent donc à rendre leurs amants intéressants, à mettre leurs scenes amoureuses en action, & qu’étudiant l’art inconcevable de Moliere, ils apprennent à tout vivifier comme lui, & sur-tout à ne point affadir leurs pieces en croyant les rendre touchantes.

27. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VI. » pp. 106-124

Ne craignez point la médisance : je rendrai témoignage de votre vertu devant Dieu & devant les hommes ». […] Si je puis le rendre plus sage, à la bonne heure : sinon, vous ferez tout ce qu’il vous plaira. […] Elle dit au Docteur que son Eleve a eu l’audace de passer un billet par la fente de sa porte, & d’y laisser tomber une bourse de cent louis qu’elle remet au Docteur pour rendre à Léandre. […] Moliere la fait naître comme d’elle-même, & la rend bien plus brillante. […] J’ai rapporté ceux-ci pour faire connoître l’art avec lequel notre comique a su les rendre propres à nos mœurs & à son sujet.

28. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

Il ne peut vivre plus longtemps dans une telle inquiétude et veut aller trouver Ricciardo pour lui rendre ce qui lui appartient. […] Pandolfo se rassure et dit à Ricciardo qu’il veut auparavant parler à sa fille pour savoir d’elle la vérité, et que dans une heure il lui rendra réponse. […] Les deux vieillards se cachent dans une chambre voisine de celle où est assigné le rendez-vous. […] « — Vous êtes une masque, disait le mari ; je n’ai point de comptes à vous rendre. […] Molière consent volontiers à lui rendre ce service.

29. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIII. M. ROCHON DE CHABANNES. » pp. 381-412

Il croit rendre rêveur un objet qu’il ennuie. […] Rendez-moi sage tout d’un coup ; je ne demande pas mieux. J’entendis bien que pour le rendre sage il falloit cesser de l’être moi-même. […] Par exemple, ce soir as-tu quelque rendez-vous ? […] Jé viens vous rendre un pétit service.

30. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE V. » pp. 71-105

Il réunit ses forces à celles de Don Garcie pour chasser l’usurpateur de Léon, & rendre l’Etat au frere de Dona Elvire. […] Le Roi le lui rend, lui demande le secret, & le renvoie : il est tranquille sur un article ; mais la lettre l’inquiete toujours. […] Vous parlez ainsi parceque mon frere est présent, sans quoi vous ne vous seriez jamais rendu à mes raisons. […] Oui, si voulez m’en croire, si vous voulez vous rendre à mes serments, fondés sur la vérité, je suis prête à vous donner ma main. […] Quoi qu’il en soit, Moliere n’en a pas moins tort : imiter n’est pas copier ; c’est accommoder un ouvrage étranger aux mœurs, aux usages, au goût de son pays : par conséquent Moliere devoit imiter l’Auteur Espagnol de façon à rendre sa piece aussi propre à son théâtre que l’Auteur Italien l’a rendu propre au sien.

31. (1765) Molière dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (compilation) pp. 2668-16723

) ; & par cette raison on les a regardés comme incapables de rendre témoignage. […] Moliere le rend amoureux d’une coquete ; il est comique. […] Je voudrois bien aussi te rendre ton potage, est du comique grossier. […] Savoir rendre ridicules les hommes, est un talent voisin de celui de les rendre odieux. […] Ce que la nature leur refuse en talent, l’orgueil le leur rend en impiété.

32. (1802) Études sur Molière pp. -355

Avant de déterminer la manière de les rendre, ne serait-il pas à propos de jeter un coup d’œil sur leurs traits les plus frappants ? […] — Le rôle est si beau, qu’il n’est pas difficile à rendre. — Pas difficile ! savez-vous qu’il fut l’écueil de nombre d’actrices, et qu’il faudrait réunir les talents les plus célèbres, pour le rendre parfaitement ? […] Depuis longtemps on dispute sur la manière de rendre le rôle de Tartuffe. […] L’on s’explique enfin, l’oncle abandonne ses prétentions, le neveu rend l’or, le père touché, lui fait présent de sa fortune et de sa fille.

33. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVI. De l’Entr’acte. » pp. 289-308

Il est impossible à la peinture de rendre l’action entiere de ce qu’elle veut représenter. […] D’ailleurs, si ce qui se passe derriere la toile est intéressant, pourquoi l’avoir jetté dans un entr’acte pour nous le rendre foiblement par des pantomimes ? […] L’Intendant, qui a joué le rôle de Ministre, est près de rendre l’ame : il a des remords. […] Le Lord, venant au rendez-vous que Madame Murer lui a donné, délivre le frere d’Eugénie, que son Colonel faisoit assassiner. […] Le curieux me montre ensuite un second tableau, où la même idée est rendue, mais différemment.

34. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXIX. Des Méprises, des Equivoques & de ce qu’on appelle quiproquo au Théâtre. » pp. 474-489

Mais qu’on ne se figure point qu’une méprise, une équivoque, &c. soient comiques par elles-mêmes, & qu’il suffise d’en introduire dans une piece pour la rendre plaisante. […] Damon lui promet de s’échapper du bal, lui indique un rendez-vous, y fait aller l’époux, couvert d’un domino semblable au sien. […] On vient de voir comme une méprise peut rendre une piece ou une scene plus ou moins comique, selon le génie de l’Auteur. […] Vous me rendrez raison d’un procédé si noir. […] Ce Seigneur traversoit le lieu de la scene pour se rendre à son Gouvernement.

35. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE V. Des Pieces à scenes détachées. » pp. 45-60

Un soldat ivre se présente ; il croit avoir rendu le plus grand service à l’Etat ; il dit : J’étois sur un vaisseau quand Ruiter fut tué, Et j’ai même à sa mort beaucoup contribué ; J’allai chercher le feu que l’on mit à l’amorce Du canon qui lui fit cracher l’ame par force. […] Pendant ce temps-là le tuteur d’Orphise a découvert le rendez-vous des amants ; il veut donner la mort à Eraste avant que de lui donner sa niece. […] Après avoir loué Moliere d’avoir rendu sa piece intéressante par une intrigue qui met en situation même des personnages épisodiques, nous devons le louer encore davantage d’avoir fondu toute cette même intrigue dans un petit nombre de vers semés à propos dans la piece. […] Maudit soit le fâcheux, dont le zele obstiné M’ôtoit au rendez-vous qui m’est ici donné ! […] Je vars au rendez-vous ; c’en est l’heure à-peu-près : Puis je veux m’y trouver plutôt avant qu’après.

36. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXX. Des Surprises. » pp. 490-502

Cliton n’a pas le temps d’exprimer le chagrin que la mort d’Alcippe lui cause ; il le voit paroître, & en est si surpris, que la peur & l’étonnement le rendent muet. […] Une fille d’honneur doit toujours se défendre De lire les billets qu’un homme lui fait rendre. […] Il excuse ma faute, il approuve mes feux ; Et je voudrois savoir qui peut être capable D’avoir pu rendre ainsi son esprit si traitable. […] Angélique quitte le lit de son époux pour aller à un rendez-vous amoureux. […] Voyons avec quel art il les ont ménagées, comme elles donnent du ressort, de l’action à une intrigue, tantôt en la détruisant, tantôt en la renouant ; comme on les rend intéressantes en les faisant naître dans le moment le plus critique ; comme elles ont le mérite si rare de l’à-propos.

37. (1824) Notices des œuvres de Molière (VIII) : Le Bourgeois gentilhomme ; Psyché ; Les Fourberies de Scapin pp. 186-466

Il ne se borne pas à emprunter pour ne jamais rendre, et à épuiser le coffre-fort d’un sot bourgeois, en se moquant de lui ; il fait semblant de s’entremettre pour favoriser les folles amours de M.  […] Lulli, justement décrié pour ses mœurs infâmes, ne méritait d’entrer dans aucune compagnie honorable ; et, suivant les idées du siècle, il venait peut-être de s’en rendre plus indigne encore, en montant comme farceur sur un théâtre. […] L’orgueil et la bassesse conspirant pour un même résultat, des respects dus à une prééminence sociale, avaient fini par être exigés et rendus comme des hommages à une supériorité naturelle. […] La Muse comique ne pouvait donc lancer ses traits que contre les manants qui se rendaient ridiculement malheureux en s’alliant à la gentilhommerie, ou les bourgeois qui se ruinaient follement par la fréquentation de la noblesse, et l’imitation de ses manières. […] « Ce génie mâle, dit Voltaire, que l’âge rendait sec et sévère, s’amollit pour plaire à Louis XIV.

38. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXV. » pp. 500-533

Messieurs, ma pauvre tête n’en peut plus ; & vous venez de me la rendre comme une pomme cuite. […] Monsieur, je vous rends grace, & je vous remercie ; Je n’ai pas à dessein répandu... […]  Pour faire une piece lyrique, Autrement dite un opéra nouveau,  Que faut-il pour le rendre beau ? […] Et l’Auteur qui la transporte sur son théâtre, n’est-il pas également un imitateur plus ou moins bon, selon qu’il la rend plus ou moins plaisamment, qu’il la place plus ou moins bien, & sur-tout d’une façon plus ou moins naturelle ? […] Nous rendrons cette différence sensible en faisant passer sous nos yeux les différentes imitations des plus fameux Comiques depuis Moliere jusqu’à nous.

39. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XII. M. COLLÉ. » pp. 354-380

Mariane & Desronais ne doutent plus que ce contrat ne soit celui qui doit les rendre heureux. […] Richard part pour se rendre chez son pere. […] Allons, allons : point de temps perdu ; qu’on se rende. […] Pour moi je n’ai cherché qu’à prouver l’innocence de celui que j’ai aimé & que j’ai rendu malheureux. […] Le mari exige qu’elle les lui rende.

40. (1705) La vie de M. de Molière pp. 1-314

On doit s’intéresser à la mémoire d’un homme qui s’est rendu si illustre dans son genre. […] Le père s’y rendit, et se détermina à l’envoyer au Collège des Jésuites. […] On avoua que Molière avait trouvé la belle Comédie : il la rendait divertissante et utile. […] Les Comédiens firent aussitôt éteindre les lumières ; et rendre l’argent à tout le monde. […] Mais j’ai de bons Garants de la vérité que j’ai rendue au Public à l’avantage de cet Auteur.

41. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE PREMIER. Du Choix d’un Sujet. » pp. 25-38

Car cet engagement mutuel de leur foi N’eut pour témoin, la nuit, que deux autres & moi ; Et l’on croit jusqu’ici la chaîne fort secrete, Qui rend de nos amants la flamme satisfaite. […] Eraste est encore dans le trouble le plus grand en croyant sa maîtresse infidelle, quand Marinette vient lui donner, de sa part, un rendez-vous pour le soir même. […] Ils se rendent mutuellement les présents qu’ils se sont faits, déchirent les lettres qu’ils se sont écrites, promettent de ne plus se voir, finissent par se raccommoder, par s’aimer davantage : & toutes les personnes qui ont eu le cœur tendre s’écrient, en voyant exécuter cette scene, ou en la lisant, voilà comme on aime ! […] Nos prédécesseurs ont rendu les sujets très rares à la vérité ; ils se sont emparés des plus saillants ; mais nous ne devons pas nous décourager, graces à la folie des hommes qui paroît de temps en temps sous des formes nouvelles. […] J’ai rapporté plusieurs petites tirades de cette piece, parcequ’elles m’ont servi, non seulement à rendre l’extrait de chaque scene plus rapide, mais encore parcequ’elles mettent le Lecteur à portée de juger de la versification de Moliere dans ses premieres pieces, de la comparer dans la suite avec celle de ses dernieres, & d’y remarquer à quel point l’Auteur avoit su châtier son style.

42. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE PREMIER. Part de la Morale dans la Comédie de Molière. » pp. 1-20

., elle ne se tient pas pour inutile : elle veut alors se rendre un compte exact de ces chefs-d’œuvre ; après les avoir reconnus inattaquables et s’être assurée qu’ils sont de tout point dignes d’admiration, elle prétend étudier en quoi et par quoi ils le sont : et elle n’est point satisfaite tant qu’elle n’a point démêlé les divers éléments dont se constitue ce tout rare et complexe, le beau. […] C’est là sa gloire ; mais c’est aussi ce qui rend ses œuvres peu instructives, et leur ôte le caractère d’exemples, qu’elles devraient avoir pour enseigner avec fruit la morale. […] Mais elle n’est ni le principe ni le but de tout ce que fait l’homme ; et l’on ne saurait trop insister sur la distinction à établir entre le peintre dramatique, qui représente les mœurs en tableaux plus ou moins fidèles, quelquefois fantastiques, pour égayer ou attendrir un spectateur, et le moraliste qui recherche et enseigne les règles des mœurs pour rendre les hommes meilleurs. […] XLIII, Du but moral : « Molière travaille à rendre les hommes plus agréables dans la société. — Molière instruit l’homme dans plusieurs arts, ou contribue du moins à leurs progrès. — Molière fait ses efforts pour rendre les hommes plus heureux. — Molière s’applique à rendre les hommes meilleurs. » — Laharpe, Cours de Littérature, IIe partie, liv. […] Il a voulu par cette liberté plaire au parterre, frapper les spectateurs les moins délicats, et rendre le ridicule plus sensible.

43. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIII. De la liaison des Scenes. » pp. 250-260

Ainsi, Monsieur, souffrez que je vous rende grace. […] Souffrez, Monsieur, que je vous rende graces d’une action si généreuse. […] Puisque l’idée de l’orchestre m’est venue, & que j’ai résolu de me rendre intelligible à toutes sortes de personnes, je prétends que l’orchestre peut très bien faire connoître les scenes qui ne sont pas enchaînées l’une à l’autre : en conséquence faisons la preuve de la preuve même, & revenons pour cet effet au double exemple que j’ai cité plus haut. […] Angélique & Lisette disent à leurs vieux adorateurs que le peintre & le jardinier leur ont demandé un rendez-vous ; qu’elles ont feint de vouloir s’y rendre.

44. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIX » pp. 319-329

Le rendez-vous du beau monde est le soir chez la maréchale d’Estrées88. » C’est ici, et toujours en 1672, que se place, par toutes les circonstances qu’elle renferme, une lettre, sans date, de madame Scarron à madame de Saint-Géran, lettre qui, jusqu’à présent, n’a été, que je sache, l’objet d’aucune remarque, et qui cependant en fait naître de singulières. […] Sa piété est douce, gaie, point fastueuse ; mais il veut une vie chrétienne et active ; c’est un homme admirable ; je vous l’enverrai, si vous souhaitez, à vous et à Guébriant, Il commence pars emparer des passions, il s’en rend maître, et il y substitue des mouvements contraires, il m’a ordonné de me rendre ennuyeuse en compagnie, pour modifier la passion qu’il a aperçue en moi, de plaire par mon esprit. […] Quand elle dit : il m’a ordonné de me rendre ennuyeuse ; mais quand je bâille et que je fais bailler les autres, je suis quelquefois prête à renoncer à la dévotion , il n’y a pas de doute qu’elle ne se moque de Gobelin, à qui elle rend directement un compte plaisant du succès de son entreprise avec madame d’Albret.

45. (1845) Œuvres de Molière, avec les notes de tous les commentateurs pp. -129

On doit s’intéresser à la mémoire d’un homme qui s’est rendu si illustre dans son genre. […] Les comédiens firent aussitôt éteindre les lumières, et rendre l’argent à tout le monde. […] Racine lui fit jouer le rôle d’Andromaque , qu’elle rendit supérieurement. […] P. de Molière, imprimé aux dépens de l’auteur (sic), et se rend à Paris chez J. […] Ce ne fut qu’en 1654 que Molière se rendit auprès du prince de Conti.

46. (1877) Molière et Bourdaloue pp. 2-269

Quant aux mœurs, je doute qu’en travaillant à les rendre plus hardies devant l’Église, plus souples devant le roi, il ait eu la naïveté de croire qu’il les rendrait plus pures. […] Le dirai-je, et me permettrez-vous de m’en rendre moi-même le témoignage ? […] Que je les rende dangereuses en les faisant monter sur le théâtre ? […] La politique des uns rendait le zèle des autres impuissant et inutile. […] En effet, Molière se rendit, Alceste chanta.

47. (1884) La Science du cœur humain, ou la Psychologie des sentiments et des passions, d’après les oeuvres de Molière pp. 5-136

Et, de même que dans le premier cas elle rend la morale intelligente et féconde, de même dans le second elle rend la folie intelligente et féconde aussi, plus apte par conséquent à parvenir à ses fins déplorables. […] La passion du bien le rend méchant et la passion de la justice le rend injuste. […] Cet effet, si fréquemment observé chez les fanatiques, a été parfaitement rendu par Molière. […] Mais cet étranger est fort mal payé du service qu’il voulait rendre. […] occupez-vous d’eux, donnez-leur de bons exemples, rendez-vous ainsi honorable et respectable.

48. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVIII. De la Décence & de l’Indécence. » pp. 314-341

Dans George Dandin, Angélique quitte le lit de son époux auprès duquel elle est couchée, pour voler au rendez-vous qu’elle a donné à son amant. […] Je voudrois bien savoir de quelle façon on pourroit l’ajuster pour le rendre plaisant, & si, quand on le berneroit sur le théâtre, il seroit assez heureux pour faire rire le monde. […] Elle m’a rendu misérable. […] Ils vous ont donc, les inhumains, Rendu léger de quelques grains ? […] Qu’est-ce qui le rend si craintif ?

49. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE II. Regnard imitateur de Moliere. » pp. 51-80

A-t-il espéré les mieux rendre ? […] Harpagon cede sa maîtresse, & couronne les amours de ses deux enfants, à condition qu’on lui rendra sa chere cassette qu’on lui a volée. […] Si tu ne me les rends, je vous ferai tous pendre. […] Consentez à ce mariage, je vous prie ; on vous rendra votre argent. […] Mais... qu’on me rende mon argent : je me sens assez d’humeur à consentir à ce que vous voulez.

50. (1746) Notices des pièces de Molière (1661-1665) [Histoire du théâtre français, tome IX] pp. -369

Comment se peut-il qu’Orphise lui ait donné un rendez-vous pour la nuit ? […] Enfin survient Apollon qui rend l’arrêt suivant. […] Pour ceux qui entendent l’espagnol, ils connaîtront aisément avec quel art il a rendu sublimes dans ces deux scènes les beautés manquées dans l’original. Molière nous enseigne dans tout le cours de cette pièce comment il faut se servir d’une fable étrangère, et de quelle manière on peut la rendre propre aux mœurs et à la langue de son pays. […] Ce qui a été mal rendu en français par l’expression du Festin de Pierre.

51. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE II. De l’Etat, de la Fortune, de l’Age, du Rang, du Nom des Personnages. » pp. 39-75

La critique paroît fondée ; & avec un peu d’humeur ou de mauvaise foi, on pourroit la rendre plus forte. […] La basse complaisance qui vous fera lire vos ouvrages à un ignorant titré, vous rendra l’ordonnateur de ses fêtes. […] Nous verrons en même temps ce que chacun d’eux signifie ; & pour être plus intelligibles, nous rendrons leur signification en latin & en françois. […] Mais qui vous a rendu si pauvre ? […] Mais qui vous a rendu si pauvre ?

52. (1819) Notices des œuvres de Molière (IV) : La Princesse d’Élide ; Le Festin de Pierre pp. 7-322

Mais les ordres d’un roi qui le comblait de faveurs, qui venait, pour ainsi dire, d’embrasser sa querelle au sujet de L’École des femmes, et dont le chef-d’œuvre déjà commencé du Tartuffe devait lui rendre un jour la protection si nécessaire, ne lui permirent pas d’écouter les répugnances de son talent et les craintes de son amour-propre. […] Il a versifié ce que Molière n’avait eu le temps que d’écrire en prose ; il a supprimé un des prétendants à la main de la princesse, et donné à l’autre un commencement d’amour pour Aglante, qui rend leur mariage au dénouement plus naturel et plus intéressant ; enfin, il a resserré en trois actes bien remplis la pièce divisée par Molière en cinq actes trop courts et pourtant quelquefois trop vides. […] Molière en était justement irrité ; et l’on peut croire que, lorsqu’il consentit à faire Le Festin de Pierre, le désir de tirer quelque vengeance de ses ennemis, rendit plus facile sa condescendance pour le vœu de ses camarades. […] Le Burlador, c’est-à-dire le trompeur, le fourbe de Séville, n’est qu’un scélérat vulgaire, sans profondeur et sans éclat, qu’un abusent de femmes, dont le stratagème ordinaire est de surprendre le secret d’un rendez-vous amoureux accordé à un autre, et de l’y remplacer à la faveur de la nuit et d’un déguisement. […] L’athéisme de dom Juan non seulement fait ressortir, mais encore motive et rend vraisemblable l’hypocrisie à laquelle il a recours à la fin pour masquer ses vices et protéger ses forfaits.

53. (1819) Introduction aux œuvres de Molière pp. -

Pour rendre cette distinction plus sensible, comparons un moment Molière et l’un de ses plus heureux successeurs, Regnard. […] Une bonne dot à la fille, un dédommagement à la mère, et des présents aux autres Béjart, rendirent cet arrangement facile. […] Recherché par beaucoup d’hommes de naissance ou de fortune, tous les repas qu’il recevait d’eux, il tenait à les leur rendre. […] Sa liaison avec Molière et son Voyageavec Bachaumont l’ont rendu célèbre. […] Un jour La Tourelle manqua au rendez-vous.

54. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVI. » pp. 294-322

Un instant après, Colombine agace le Docteur, qui se détermine à entrer chez elle, quand son éleve arrive, l’arrête, & lui rend les coups de bâton qu’il en a reçus. […] Il rend la bourse, & prie qu’on lui donne seulement une vingtaine de sols pour appaiser un peu sa faim. […] Il apprend que son Eleve a certain rendez-vous pour le soir même à minuit : il se rend au lieu indiqué, trouve une échelle appuyée au balcon de la jeune Demoiselle, & frémit d’horreur en songeant à la foiblesse des hommes, qui se laissent conduire dans un précipice par leurs passions effrénées. […] Ton cœur ne se rend point, Traître ? […] Don Diegue, mal instruit par ses espions, croit qu’elle s’est rendue chez quelque rival heureux.

55. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IV. Le théâtre des Gelosi » pp. 59-79

Cinthio et Oratio sont en rivalité auprès d’Isabelle ; Isabelle à son balcon demande à l’un et à l’autre quelles sont les qualités qui l’ont rendu amoureux. […] Mais il arriva que des affaires importantes obligèrent le capitaine de se rendre à Naples. […] Elle lui donne un rendez-vous et s’arme d’un poignard pour satisfaire sa vengeance ; mais le prétendu valet du capitan, qui a assisté à ces différentes scènes et qui s’est convaincu de l’injustice de ses soupçons, se démasque. […] Un faux marchand vient remercier tout haut le faux mendiant du service que celui-ci lui a rendu en lui donnant le secret d’avoir un héritier. Un autre vaurien, également d’accord avec Pedrolino, lui apporte de l’argent pour le récompenser de lui avoir rendu le même service.

56. (1910) Rousseau contre Molière

Il ne songe qu’à lui rendre des services et de vrais services. […] Dans Molière, Alceste ne rend aucun service à personne, et c’est Philinte qui en rend. […] La religion abêtit, déprave et rend cruel. […] Le théâtre rend la vertu plus aimable. […] Cette fois, je rends les armes.

57. (1843) Le monument de Molière précédé de l’Histoire du monument élevé à Molière par M. Aimé Martin pp. 5-33

Et en effet celui qui sut rendre sensible à une foule grossière, les traits les plus fins de l’esprit, les sentiments les plus délicats du cœur, qui lui fit comprendre, craindre et éviter le ridicule, connaître, aimer et rechercher les convenances ; celui qui épura son goût jusqu’au point de lui rendre familières les sublimes beautés du Tartufe et du Misanthrope, que fit-il autre chose que de former une nation : les délicatesses du goût sont les premiers éléments de la vertu. […] Regnier, s’avisa de remarquer dans une lettre adressée à M. de Rambuteau, préfet de Paris, que la fontaine, dont on venait de décider l’érection, se trouvait placée à la proximité du théâtre français et précisément en face de la maison où Molière avait rendu le dernier soupir. […] L’histoire des hommages rendus à Molière se partage en deux époques bien tranchées. […] Vous exprimez, à cette occasion, le désir de voir s’élever à Molière un monument que sa ville natale s’étonne de ne pas encore posséder, et vous pensez que l’on pourrait d’autant mieux profiter de la circonstance que c’est précisément en face de la fontaine projetée, dans la maison Hulot, que ce grand homme a rendu le dernier soupir. Je m’associe de vœu et d’intention à un pareil projet, et, autant que personne au monde, je me réjouirais de voir la ville de Paris rendre enfin à Molière le même hommage que d’autres villes de France ont déjà rendu à Montaigne et à Pascal, à Corneille et à Racine, à Bossuet et à Fénelon.

58. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXIII. » pp. 436-488

Il obtient ensuite sa grace en feignant d’être près de rendre l’ame. […] Les coups de bâton qu’on donne aux deux personnages enfermés dans le sac, achevent de rendre la ressemblance plus parfaite. […] Il se rend chez sa belle, portant avec lui du gibier & de beaux chapons, pour faire bonne chere. […] Est-ce l’amour qui vous a rendu criminel ? […] Dites-lui que vous avez été forcé malgré vous par la loi, & par la sentence qui a été rendue.

59. (1739) Vie de Molière

Il voulut jouer dans le tragique, mais il n’y réussit pas ; il avait une volubilité dans la voix, et une espèce de hoquet, qui ne pouvait convenir au genre sérieux, mais qui rendait son jeu comique plus plaisant. […] Jamais pièce française n’a été maniée par un de nos poëtes, quelque méchant qu’il fût, qu’elle n’ait été rendue meilleure. […] Mais si on ne reprocha rien à la conduite et au style, on se souleva un peu contre le sujet même de la pièce ; quelques personnes se révoltèrent contre une comédie, dans laquelle une femme mariée donne un rendez-vous à son amant. […] Ce ne fut que quelques années après, que Lulli et Quinault nous apprirent qu’on pouvait chanter toute une tragédie, comme on faisait en Italie, et qu’on la pouvait même rendre intéressante : perfection que l’Italie ne connaissait pas. […] Elle fut reçue d’abord assez froidement ; mais les connaisseurs rendirent bientôt à Molière les suffrages de la ville ; et un mot du roi, lui donna ceux de la cour.

60. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

Le style en est simple et noble ; les pensées en sont justes et pleines de raison ; les sentiments en sont vrais, élevés et profonds : on peut dans ces écrits rendre tout à la fois une idée juste de la portée et des directions de la marquise de Rambouillet, et des conversations qui avaient lieu dans son intimité. […] Ce caractère rend inviolable à des ennemis irrités, lie les mains à des traîtres. […] L’autorité de ce caractère survit à celle du pouvoir, elle se conserve dans les ruines de la puissance, elle rend affliction sainte et vénérable. […] Les grâces parurent encore sous les empereurs, mais elles parurent seules, car la majesté des paroles se perdit avec la liberté. » L’auteur rapporte les paroles de Cassius à Brutus avant les ides de mars : « Ces paroles, madame, sont les dernières que prononça la république avant de rendre l’âme… C’était le caractère de l’esprit de Rome, citait la langue naturelle de la majesté. » L’auteur finit par des observations sur les monuments qui restent de la conversation et des mœurs privées des Romains ; il exprime ses regrets sur leur rareté. […] Je crois, comme les censeurs de l’hôtel Rambouillet, que les entretiens et les correspondances rendaient la plupart du temps sur la valeur d’un mot ; mais elles ne m’en semblent pas plus méprisables.

61. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE III. Choix du lieu de la Scene. » pp. 76-93

On me vit témoigner une joie assez tendre,   Et rendre aux soins de votre amour Tout ce que de mon cœur vous aviez lieu d’attendre. […]  Je ne sais pas ; mais ce n’étoit pas moi, Et c’est un désespoir qui de tout rend capable. […] Dandin est fou ; il peut fort bien braver le qu’en dira-t-on, & vouloir juger au milieu de la rue : mais est-il raisonnable que Léandre, son fils, consente à rendre publique la folie de son pere, qu’il l’expose au mépris de la plus vile populace, & qu’il se couvre lui-même du plus grand ridicule ? […] Ils étoient jeunes, François, indiscrets par conséquent : Damon avoua qu’il venoit d’un rendez-vous amoureux : Clitandre lui rendit confidence pour confidence ; &, de confidence en confidence, ils passerent à l’éloge de leur maîtresse. […] Qu’on étudie la nature dans les représentations qu’on donne gratis à la populace : elle applaudit seulement aux endroits que l’Auteur & l’acteur rendent naturellement.

62. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXVI. De l’opposition des Caracteres. » pp. 398-416

Vous avez de l’esprit ; mais souvent il s’égare, Il vous rend d’une humeur inconstante, bizarre. […] Déja depuis long-temps, je l’avoue à regret, Mon cœur vous rend, Madame, un hommage secret. […] Je croyois vos deux cœurs plus braves que les autres : Mais dès le premier choc ils se rendent tous deux ! […] S’il ose se flatter de vous rendre fidelle. […] La comparaison, quoiqu’imparfaite, comme elles le sont toutes, rend, je crois, mon idée.

63. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIV. Des Monologues. » pp. 261-273

ne te rends point rebelle à mes travaux ; ne ferme point ton sein à mes besoins : je n’y cherche que des racines.... […] Non, métal enchanteur, non, funeste poison des vertus, tu m’as rendu trop malheureux pour me tenter encore ! […] Cette conversation qu’on feint d’achever avec quelqu’un du dedans les rend moins monotones, leur donne un air de vraisemblance, les raccourcit en quelque façon de tout ce que l’acteur est censé dire à un autre, & nous rend plus chaudement compte de ce qui se passe derriere la toile. […]  Quand viendra-t-il, par son retour charmant,   Rendre mon ame satisfaite ?

64. (1898) Molière jugé par Stendhal pp. -134

Doit-on louer un avare passionné qui fait un commerce singulier, dans l’espérance qu’il lui rendra cent pour cent ? […] Cela rend le désabusement plus urgent. […] que vous m’avez donnée, Ne me la rendez pas, mon père, infortunée. […] Au premier abord ce second moyen semble rendre difficile la scène de la table, mais cela peut s’arranger. […] Va-t’en, et dis à M. le vicomte que j’aurai soin de rendre son billet.

65. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE II. La Débauche, l’Avarice et l’Imposture ; le Suicide et le Duel. » pp. 21-41

Que Molière ait su allier à ce caractère odieux une élégance chevaleresque, une audace juvénile42 qui empêchent que l’horreur ne nous prenne trop vile, et qui intéressent encore au héros, si méprisable qu’il soit ; qu’il ait agréablement mêlé à l’intrigue les traits et les situations les plus comiques, pour rester dans le domaine de la comédie, et ramener le rire chez le spectateur prêt à subir des émotions moins gaies, c’est une habileté d’auteur qu’on doit admirer, et qui ajoute grandement au mérite d’une pièce si difficile à rendre attrayante sans rendre le vice lui-même attrayant. […] Pour Molière, ces passions sont contraires à la raison, à la nature ; ce sont d’affreuses maladies de l’âme, qui la rendent méconnaissable ; et il n’admet pas le moyen d’émotion, tant exploité de nos jours, qu’on peut appeler le genre crime et le genre suicide 112. […]   Il est englouti : je cours me rendre hermite. […] Voilà ce qu’ils ont prétendu, exposant sur le théâtre, et à la risée publique, un hypocrite imaginaire, ou même, si vous voulez, un hypocrite réel, etc… Damnables inventions pour humilier les gens de bien, pour les rendre tous suspects, etc. » (Bourdaloue, Sermon cité plus haut. […] Un des meilleurs services qu’ait rendus le prince de Conti aux états de Montpellier, moins de deux ans avant l’époque de la représentation du Dépit amoureux à Béziers, était d’avoir obligé non sans peine la noblesse de Languedoc à souscrire la promesse d’observer les édits du roi contre les duels. » A.

66. (1862) Molière et ses contemporains dans Le Misanthrope (Revue trimestrielle) pp. 292-316

Il est vrai que cette curiosité si vivement excitée est l’hommage le plus éclatant qui puisse être rendu au génie du poëte. […] Si Jean-Jacques avait pu deviner ce mystère, il ne se serait pas mis en si grands frais de sophismes, pour nous prouver que Molière n’avait eu d’autre but, dans son Misanthrope, que de « rendre la vertu ridicule. » Et voilà comme on avilit le génie ! […] « Je rends au public ce qu’il m’a prêté, » dit l’auteur des Caractères... […] Mais, encore une fois, tous ces traits particuliers sont venus se fondre dans le tableau général de la société contemporaine, et la peinture de cette société elle-même a été subordonnée, dans le travail du poëte, à une conception plus grande, plus vaste, pour rendre son œuvre durable, et lui donner un caractère d’universalité. […] II nous semble entendre Molière, toujours plein de pardons, s’écrier comme Arnolphe dans L’École des femmes : « Je te pardonne et te rends ma tendresse. » 45.

67. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Coquelin semble avoir été formé à plaisir par la nature pour les rendre à merveille. […] Delaunay a très bien saisi et rendu cette nuance. […] Ces femmes sont des fâcheuses, puisqu’elles l’arrêtent et troublent son rendez-vous. […] Mais mon métier n’est pas de rendre l’ouïe aux sourds, ni la vue aux aveugles-nés. […] — Les plus prévenus même étaient bien forcés de se rendre.

68. (1800) De la comédie dans le siècle de Louis XIV (Lycée, t. II, chap. VI) pp. 204-293

et si la vérité est par elle-même triste et sévère, quel art charmant que celui qui la rend si agréable! […] Guillaume pour son apothicaire, il lui dit : «Ne me donnez plus de ces vilaines pilules, elles ont failli me faire rendre l’âme» et que M. […] je voudrais qu’elles t’eussent fait rendre mon drap.» […] Il ne prétendait à rien moins qu’à soulever toute la noblesse de France contre Molière, et à le rendre coupable du crime de lèse-majesté. […] L’amour même ne le rend pas libéral, et la flatterie la mieux adaptée à un vieillard amoureux n’en peut rien arracher.

69. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre V. Le théâtre des Gelosi (suite) » pp. 81-102

Tout en causant, la comédienne, qui s’appelait Vittoria, retira subtilement le portrait du médaillon et rendit le joyau au cavalier, puis elle mit fin à la visite. […] Flaminia, de sa fenêtre, appelle Arlequin et le prie de porter une lettre à un cavalier nommé Flavio qu’il rencontrera sur la place où se donnent rendez-vous les gentilshommes. […] Isabelle s’adoucit, mais elle déclare qu’Oratio n’obtiendra rien d’elle tant qu’il ne se sera pas fait rendre le portrait, et elle lui défend, en outre, d’aller lui-même traiter de la restitution. […] On amène Silvia qui apprend que son amant lui rend sa tendresse. […] Des honneurs publics furent rendus à l’il- lustre comédienne.

70. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XI. Il Convitato di pietra (le Convié de pierre) » pp. 191-208

Arlequin se mouche alors avec le mouchoir de Pantalon, qui le voit et donne des coups de poing à l’impudent valet ; celui-ci les rend avec usure. « Ottavio doit épouser bientôt Dona Anna, sa bien-aimée ; il doit se rendre auprès d’elle pendant la nuit. […] Il rend grâces à Neptune de l’avoir sauvé. […] Le valet rend grâces au ciel de cet heureux changement, lorsque Don Juan se lève, et, par un coup de pied adroitement placé, fait sa réponse ordinaire à la harangue du moraliste, et lui donne l’ordre de faire servir à l’instant le souper. […] Afin de le mettre en bonne humeur, il lui parle d’une veuve charmante, dont il est amoureux, et dit qu’il voudrait souper à l’instant pour aller au rendez-vous qu’elle vient de lui donner.

71. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXV. Des Caracteres généraux. » pp. 263-267

Le but de la comédie étant de plaire aux hommes & de les rendre meilleurs en leur présentant leurs défauts, il est bien plus flatteur de rendre ce double service non seulement à ses patriotes, mais encore aux étrangers. […] Je défie par exemple que, dans quelque pays que ce soit, l’on puisse peindre un Malade imaginaire & corriger ses pareils, si l’on ne le livre aux personnes qui, par ignorance ou par charlatanisme, l’entretiennent dans sa manie, & le rendent enfin victime de leur art.

72. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VI. Baron, imitateur, comparé à Moliere, à Cicognini, à Térence, &c. » pp. 219-261

Moncade, c’en est fait, je me rends ; & le sort, Malgré vous, malgré moi, se montre le plus fort. […] Tout-à-fait égale, avec la différence que Baron emploie six vers pour en rendre trois. […] Hé bien, répond Simon, je veux me rendre plus intelligible. […] Chrémès vient dire à Simon qu’il a changé d’avis, & qu’il craint de rendre sa fille malheureuse. […] Je suis surpris que Buron ayant rendu au troisieme acte sa Glycerie si attendrissante, si intéressante, il ne l’ait pas amenée sur la scene au dénouement.

73. (1861) Molière (Corneille, Racine et Molière) pp. 309-514

Je viens vous le rendre. […] Seuls les poètes souverains se rendent coupables de tels plagiats. […] Des amants que je fais me rendez-vous coupable ? […] Il la rend telle qu’elle s’empare de lui, vivante, admirable de mouvement, de trait et de relief. […] Adieu, reprends tes biens, rends-moi les miens, et donne-moi des femmes pour m’accompagner.

74. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « PRÉFACE. Du Genre & du Plan de cet Ouvrage. » pp. 1-24

Il exhorta l’Auteur à le rendre public. […] Saura-t-il distinguer & saisir les ressorts principaux d’un drame pour les rendre avec plus de force, & les faire sentir davantage, à mesure qu’ils sont plus nécessaires à l’intelligence, à la marche, au dénouement de la grande machine ? […] Je ne m’imposerai pas la même loi avec ceux qu’un âge mûr, des succès multipliés, une réputation bien établie doivent rendre moins chatouilleux ; ils savent que l’ouvrage le plus parfait a ses défauts. […] Cette connoissance est d’autant plus essentielle, non seulement pour les François, mais pour les étrangers, que Moliere, s’il m’est permis de m’expliquer ainsi, nous rend en gros ce qu’il a pris en détail chez toutes les nations. […] « Je rends moins de graces aux Dieux, lui écrivit-il, de me l’avoir donné, que de l’avoir fait naître pendant votre vie : je compte que, par vos conseils, il deviendra digne de vous & de moi ».

75. (1847) Le Don Juan de Molière au Théâtre-Français (Revue des deux mondes) pp. 557-567

Quelle a donc pu être la cause ou le prétexte de cet arrêt d’expropriation rendu contre un grand génie au profit d’un talent de second ou de troisième ordre ? […] Il a voulu rendre sensible à tous la loi de progression, en quelque sorte fatale, qui, de vice en vice, conduit un jeune cavalier de distinction au comble de la perversité. […] La Comédie-Française n’a rien négligé pour procurer au public la jouissance complète de ce chef-d’œuvre, et nous rendre, dans sa fraîcheur première, ce drame sur lequel ont pesé près de deux siècles de silence. […] On ne saurait mieux rendre qu’ils ne l’ont fait l’un et l’autre cette naïve pastorale du second acte, comparable aux plus charmantes églogues de l’antiquité. […] Leur production eût été un merveilleux service rendu aux lettres.

76. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXVIII. Les Caracteres des hommes n’ont pas plus changé que ceux des professions. » pp. 303-311

La raillerie échauffoit mes adversaires ; ils ramassoient leurs forces & pensoient me laisser sans réplique, en me disant « que si nos avares ressembloient intérieurement à Harpagon, ils lui étoient tout-à-fait opposés par l’extérieur, puisqu’ils cachoient leur avarice sous un faux air de magnificence, qui, contrastant toujours avec leur passion, pouvoit les rendre très plaisants, sur-tout si un Auteur avoit l’adresse de les mettre dans une situation où ils fussent contraints à faire beaucoup de dépense pour ne pas démentir leur masque ». […] Cléante, se mettant au-devant de Marianne, qui veut rendre le diamant. […] Cléante, empêchant toujours Marianne de rendre le diamant. […] Après avoir disposé de tous ses effets pour acquitter ses dettes, il ajoute : « Mais comme il pourroit se trouver quelques créanciers qui ne seroient point payés quand même on auroit réparti le tout ; dans ce cas ma volonté derniere est qu’on vende mon corps aux Chirurgiens le plus avantageusement qu’il sera possible, & que le produit en soit appliqué à la liquidation des dettes dont je suis comptable à la Société ; de sorte que si je n’ai pu me rendre utile pendant ma vie, je le sois au moins après ma mort ».

77. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

D’ailleurs, pourra-t-on se dispenser de rendre le même hommage à Corneille et à Racine ? […] Et quel service peut rendre un misanthrope et un capricieux comme moi ? […] Ici rendons-lui justice. […] Molière d’ailleurs ne lui donnait qu’un prêté pour un rendu. […] qu’une farce, Le Pied de Mouton de Martainville, rendit populaire près de deux siècles plus tard.

78. (1824) Notice sur le Tartuffe pp. 91-146

Le philosophe et l’auteur comique, l’honnête homme et le poète, voilà ce qu’on trouve dans l’auteur du Tartuffe : cet immortel ouvrage n’est pas seulement un monument pour les lettres, c’est un service rendu à l’humanité. […] Qu’on suppose maintenant que Molière n’ait pas su se rendre agréable à Louis XIV ; non seulement l’ouvrage, mais l’auteur lui-même étaient perdus pour la scène, et nous aurions plusieurs chefs-d’œuvre de moins. […] On sait que dans ce pays le personnage obligé de toute grande maison est l’abbé, qui n’a des ministres de l’Évangile que le costume, et qui a tellement l’art de se rendre nécessaire qu’il est bientôt l’intendant du logis, le directeur de la femme et l’ami du maître de la maison. […] Presque tous les commentateurs de Molière semblent avoir eu la prétention de prouver qu’ils savaient mieux le français que lui, comme s’ils avaient voulu se dédommager, par la critique de son style, de l’hommage qu’ils étaient forcés de rendre à son génie. […] Le chef-d’œuvre du Tartuffe est un service rendu à l’humanité par le génie.

79. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Il est complètement absent de ces lourdes satires politiques où l’on a parfois prétendu rendre au peuple le théâtre d’Athènes. […] Ce spirituel farceur, en se moquant de la fausse science, n’a pas rendu un assez humble hommage à la vraie. […] Dès ce moment l’inquiétude le rend fou. […] Pourquoi Legrand n’a-t-il pas gardé le sceptre qu’un tel critique lui avait rendu ? […] En effet le sage Alquif possède une bague fée qui a la propriété de rendre fou l’imprudent qui la met à son doigt.

80. (1706) Addition à la Vie de Monsieur de Molière pp. 1-67

Mais ce n’est pas là le sentiment de mon Censeur : Je suis donc obligé de lui dire que je n’ai point fait la Vie de-Molière, comme Comédien, mais comme Auteur : Et le mérite qu’il s’est acquis par ses Ouvrages exige de l’estime ; c’est à ce sentiment qu’il faut s’en tenir pour rendre ce que l’on doit à sa mémoire. […] À observer trop rigoureusement la pureté de la Grammaire, à s’en tenir aux expressions communes, à préférer toujours le propre au figuré, on rend bien souvent une lecture languissante ; on ne réveille point le Lecteur. […] J’ai cru que je pouvais sortir de cette circonspection servile, et qu’assuré par de longues observations, je pouvais placer quelques termes, et quelques expressions ; surtout dans une matière, où j’avais beaucoup de choses à ménager, pour n’en pas rendre la lecture désagréable. Les Caractères, les Conditions, les Matières ont leurs termes : Le Courtisan ne parle point, comme le Bourgeois ; l’homme d’esprit, comme l’homme commun ; on ne rend point une aventure avec le style du sérieux. […] Mais n’ayant rendu que les paroles de Molière en cette occasion, qu’il aille lui en faire ses plaintes en l’autre monde.

81. (1800) Des comiques d’un ordre inférieur dans le siècle de Louis XIV (Lycée, t. II, chap. VII) pp. 294-331

Un écrivain qui se faisait une justice si exacte sur le mérite qui lui manquait, et qu’on peut acquérir, est bien digne qu’on la lui rende pour le mérite qu’il eut et qu’on n’acquiert pas. […] Au bout de quelque temps, Achmet eut affaire à Constantinople ; il y mena ses deux esclaves, dont il rendit la captivité très rigoureuse jusqu’à ce que la famille de Regnard lui fit toucher une somme de douze mille livres, qui servit à payer sa rançon, celle de son valet de chambre et de la Provençale. […] Baba Hussan (c’est le nom du roi d’Alger) ne se fâche point du tout de la fuite de la belle captive; il finit même par lui rendre la liberté, comme il convient à un amant généreux. […] Peut-être la crainte de dégrader un philosophe célèbre a-t-elle empêché l’auteur de le rendre propre à la comédie; peut-être à toute force était-il possible d’en venir à bout; mais ce qui est certain, c’est que Regnard y a entièrement échoué. […] Il y a dans son dialogue de l’esprit qui n’exclut pas le naturel: il rend ses paysans agréables sans leur ôter la physionomie qui leur convient, et il saisit assez bien quelques-uns des ridicules de la bourgeoisie.

82. (1838) Du monument de Molière (Revue de Paris) pp. 120-

C’est à cet écrivain si peu connu, comme on voit, si peu rémunéré pendant sa vie et après sa mort, que MM. les comédiens ordinaires du roi ont voulu rendre l’honneur tardif d’un monument. […] Ils ont tout simplement ordonné la démolition de la maison placée en face de celle où Molière rendit le dernier soupir. […] Puisqu’on veut à toute force rendre Molière à la tendresse des affections privées, que ne nous montrait-on dans la même ville la maison où il naquit , sous les piliers des halles, et la maison où mourut, rue Richelieu ? […] Il avait déjà le paillasse de bronze de la place des Victoires; le bon Henri IV du Pont-Neuf ; très bon en effet de ne pas se jeter dans la Seine de douleur de se trouver si laid; et le Louis XIII de la Place-Royale dont le cheval évacue un arbre, pour me servir d’une expression qui ne rend pas mon idée.

83. (1818) Épître à Molière pp. 6-18

Si malgré tes efforts, tes succès, tes lauriers, Des vices dont gémit notre humaine faiblesse Tu ne corrigeas pas l’incorrigible espèce, Laissant sur nos défauts tomber tes traits railleurs, Dans l’emploi périlleux de nous rendre meilleurs Prêtant ton éloquence à la plus noble cause, J’aime que ton courage à le tenter s’expose : Mais de la vérité les dangereux accents Ont armé contre toi la horde des méchants. […] Du fanatisme, enfin, abjurant les excès, La France, te vengeant de tant de barbarie, T’a rendu, mais trop tard, ton ingrate patrie. […] L’auguste liberté, le plus noble des biens, Peut seule des Français resserrer les liens, Et, soutenant la voix des fils de l’harmonie, Rendre enfin le courage et l’essor au génie. […] De talents si divers on peut s’enorgueillir, Et prédire à la scène un nouvel avenir, Si de l’autorité la sage tolérance Rend au génie, un jour, sa fière indépendance. […] Je déclare que je n’ai point prétendu refaire les deux vers de Chénier, et que, s’ils avaient rendu mon idée, je les aurais substitués aux miens quand on m’asignalé cette réminiscence ; mais je suis loin d’admettre que Louis XIV, placé à la tête du grand siècle auquel il a donné une si belle direction pendant les trente premières années de son règne, ait emprunté son éclat de l’éclat des arts, et je me suis décidé à laisser mes deux vers tels qu’ils sont.

84. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXIII. Des Reconnoissances. » pp. 399-421

Il est si difficile de rendre une reconnoissance bien comique, que je ne puis citer pour exemple le pere de la bonne comédie, Moliere, cet Auteur inimitable en tout, excepté dans ses reconnoissances. […] Après dix ans d’esclavage, une heureuse fortune nous rendit notre liberté, & nous retournâmes dans Naples, où nous trouvâmes tout notre bien vendu, sans y pouvoir trouver des nouvelles de notre pere. […] Qu’on ne dise point, parceque Moliere n’a pu faire de reconnoissances comiques, que l’on doit y renoncer, & qu’il vaut encore mieux les rendre attendrissantes qu’insipides. […] Les Anciens, qui sentoient vraisemblablement combien il étoit difficile de rendre une reconnoissance plaisante, & qui ne croyoient pas qu’il fût beau, grand, sublime, de filer de longues scenes larmoyantes pour forcer le public à pleurer à force de plaisir, faisoient passer presque toutes leurs reconnoissances derriere la toile ; ensuite un acteur venoit en instruire le spectateur. […] Le jeu de l’acteur qui fera la narration, le ton qu’il prendra, la situation des personnages intéressés à l’écouter, tout pourra contribuer à rendre comique en récit ce qui seroit triste en action.

85. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE V. L’Éducation des Femmes. » pp. 83-102

Autrement, dans les romans comme au théâtre, la femme ne quitta point alors le fard de la mode, qui pouvait la rendre plus majestueuse ou plus spirituelle, mais qui glaçait sous la convention son charme principal, le naturel. […] Mais, sans doute, empêcher les femmes d’être coquettes et façonnières. n’était pas une moindre tâche que de rendre les médecins instruits, charitables et modestes ; car, pour elles comme pour eux, Molière se crut obligé de reprendre le même sujet de comédie jusqu’à la fin de sa vie287. […] Mais je ne lui veux point la passion choquante De se rendre savante afin d’être savante ; Et j’aime que souvent, aux questions qu’on fait, Elle sache ignorer les choses qu’elle sait. […] Gomme il s’est moqué des femmes à toilette dans les Précieuses ridicules 319 et dans la Comtesse d’Escarbagnas 320, et comme en même temps il a compris et apprécié le naturel féminin, qui aime à se parer innocemment et à se rendre gracieux ! […] Arnolphe a fait l’impossible pour accomplir l’abrutissement dans l’âme de celle qu’il se destine : Dans un petit couvent, loin de toute pratique, Je la fis élever selon ma politique, C’est-à-dire, ordonnant quels soins on emploieroit Pour la rendre idiote autant qu’il se pourroit.

86. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVIII. » pp. 357-396

) Rends-moi mon argent, coquin !... […] Valere a secrètement épousé la fille d’Harpagon : il croit qu’on a découvert son mariage, avoue son crime, dit que l’amour l’a rendu coupable. […] Rendons cette vérité encore plus sensible par des exemples. […] D’ailleurs, la pauvreté le rend le plus avare de tous les hommes. […] Pourquoi donc vouloir me rendre ridicule auprès de vous & de votre famille ?

87. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVII. De l’Art de prévenir les Critiques. » pp. 309-313

Pour me rendre plus intelligible, j’aurai recours à ma méthode ordinaire ; je citerai des exemples. […] Si Moliere n’eût rappellé cette grande vérité aux spectateurs avant que de rendre Tartufe dupe d’Elmire, ils auroient trouvé surprenant qu’un maître fourbe donnât tête baissée dans le piege. […] Enfin je vois qu’il faut se résoudre à céder, Qu’il faut que je consente à vous tout accorder, Et qu’à moins de cela je ne dois point prétendre Qu’on puisse être content & qu’on veuille se rendre.

88. (1892) Vie de J.-B. P. Molière : Histoire de son théâtre et de sa troupe pp. 2-405

La Révolution, malgré quelques hommages qu’elle lui rendit pendant la première période, ne fut pas favorable à Molière. […] D’autres remarques rendent ce voyage probable. […] Le cardinal-ministre avait rendu son nom redoutable et son joug pesant. […] » C’est tout le parterre qui probablement en jugea ainsi, et dont cette exclamation peut servir à rendre l’impression. […] « On signa le contrat et on se rendit à l’église », continue M.

89. (1852) Légendes françaises : Molière pp. 6-180

Au milieu de ses malheurs, il ne pensa aux autres hommes que pour les faire rire, les consoler, les rendre meilleurs. […] Cela ne rendait pas la place très enviable. […] S’il l’eût tenue dans l’abrutissement et l’esclavage, s’il eût cherché à la rendre idiote, à la bonne heure ! […] La vue des prairies, le chant des oiseaux, auquel il était très sensible, rendaient le calme à son âme. […] Enfin, il rendit l’esprit entre les bras de ces deux bonnes sœurs; le sang qui lui sortait par la bouche en abondance l’étouffa.

90. (1865) Les femmes dans la comédie de Molière : deux conférences pp. 5-58

Les habitudes de la vie publique qui éloignaient les hommes des femmes rendaient la coquetterie impossible. […] Les plus sages se plient à la destinée, et s’accommodent d’un mari de leur fortune et de leur rang ; mais celles-là mêmes rapportent de la pratique du monde des souvenirs qui les rendent malheureuses et des prétentions qui les rendent ridicules. […] En vain sa suivante Lisette lui représente que leur empressement l’honore et que chacun, voulant se rendre agréable, fait cet hommage à sa beauté. […] Sans se rendre familière aux domestiques, elle sait leur parler et elle en est obéie parce qu’elle s’en fait aimer. […] Malgré l’offense que Tartuffe lui a faite, elle n’en dirait rien, si l’indignation de Damis ne rendait sa réserve inutile.

91. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VII. De l’Exposition. » pp. 139-164

Il faut tant de choses pour la rendre bonne, que nous n’en avons qu’un petit nombre sur notre scene, même sur tous les théâtres connus. […] Instruit par son garçon, qui dans tout l’imitoit, Et de son indigence, & de ce qu’il étoit, Je lui faisois des dons ; mais, avec modestie, Il me vouloit toujours en rendre une partie. […] Ce qui rend une chose vicieuse ne peut pas servir à l’excuser. […] tâchons plutôt, par toutes sortes de voies, de lui rendre, dans son grand besoin, le plaisir qu’il m’a fait. […] vous avez la caboche un peu dure : Rendez-vous affermi dessus cette aventure.

92. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXIII. Examen de quelques Caracteres. » pp. 350-377

Je quitte tout, Madame, pour me rendre chez vous. […] Allez rendre ces dépêches... […] Je l’ai rendue, Monsieur, ce matin... […] J’entends la plupart de mes Lecteurs s’écrier « que ce que je dis pour persuader que le Défiant est très difficile à traiter, prouve tout le contraire, puisqu’on peut l’associer à une infinité de caracteres qui le rendront plus théâtral en redoublant ses forces ». […] En second lieu, le Défiant est plus difficile qu’on ne pense à mettre sur la scene, parcequ’on doit nécessairement le rendre la dupe de son caractere ; ce qui n’est pas aisé, puisqu’on ne sauroit le faire trahir par un de ses confidents, comme l’on a fait dans mille autres pieces.

93. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE IV. Brueys & Palaprat, imitateurs, comparés avec Térence, Blanchet, un Auteur Italien, & la nature. » pp. 100-132

Mais ici l’amour d’Henriette & de Valere ne rend-il pas l’action plus animée ? […] Ce sont des charges d’une succession qui regarde ma fille Henriette, & j’en dois rendre un compte en forme. […] Allons, puisqu’il n’est pas mort, rendez-moi ce contrat, que je le déchire. […] La Comtesse est au désespoir, elle veut ravoir Zaïde son éleve ; elle attend chez elle le Capitaine pour le prier de la lui rendre, elle n’est visible que pour lui. […] Il rend un compte fidele à son maître, & lui conserve par-là non seulement la faveur du Prince, mais la vie.

94. (1882) Molière (Études littéraires, extrait) pp. 384-490

Malgré ce rapport défavorable, Jupiter, par caprice, ordonne à Plutus de rendre à Timon son opulence perdue. […] Il se rendit avec Boileau chez le premier président, qui le reçut très courtoisement, mais demeura inébranlable. […] Dans ses autres pièces, il n’épargne point les laides figures ; mais il se contente de les rendre plaisantes, et nous égayé, sans nous indigner. […] Une verte mercuriale lui rend momentanément certaine force d’emprunt. […] Le Misanthrope du dix-septième siècle nous demande de nous corriger ; les autres rendent la société responsable de nos fautes.

95. (1885) Revue dramatique. Le répertoire à la Comédie-Française et à l’Odéon (Revue des deux mondes) pp. 933-944

Plus que Racine, autant que Molière, le grand homme du jour a gardé la faveur publique ; il est même, sinon plus estime ni plus aimé, du moins plus respecté que Molière ; il tient le dessus dans cette trinité, il est Dieu le père : allons voir quels honneurs ses cardinaux lui rendent ! […] Voilà, si l’on me pardonne cette comparaison, qui rend ma pensée avec outrance, l’image de la Comédie-Française : naïfs contribuables, nous croyons que c’est tout bœuf, et quel bœuf ! […] « La terre s’ouvre et l’abîme, » est-il écrit, au moment que le héros de Molière donne la main au Commandeur : ne le rendra-t-elle jamais ? […] Où donc apprendront-ils avec plus d’agrément à discerner et à rendre les nuances du sentiment et du style ? […] Aussi bien la Comédie-Française et l’Odéon possèdent l’une et l’autre un fonds assuré de spectateurs pour rendu aux lettres est une élégance, et qui entendent une tragédie ou une comédie d’autrefois au moins comme la grand’messe.

96. (1881) Molière et le Misanthrope pp. 1-83

Je n’oserais pas trop l’affirmer, car je ne me suis rendu qu’à contre cœur, et la considération qui m’a arrêté ne me semble pas très solide au fond. […] Il n’a pas la miraculeuse imagination de son rival ; mais cela même le sert et le rend plus profond dans son observation. […] Ils me sont chers, à moi, mes défauts ; ils me rendent heureux ; ils sont moi-même ; je vous laisse jouir, des vôtres, laissez-moi jouir des miens. […] Il y a de mauvais vers que le temps a rendu bons. […] — Parce que l’excès même de sa vertu puritaine ne tend à rien moins qu’à rendre la société impossible !

97. (1884) Tartuffe pp. 2-78

 »Molière cependant ne se rend pas. […] Qu’en un mot, la comédie était beaucoup plus forte, et que Molière qui, moins hardie, l’eût risquée ébauchée peut-être (comme la Princesse d’Élide) en fut rendu plus prudent. […] Ici, nous avons un guide : c’est la lettre sur l’Imposteur, qui débute par un précieux compte rendu de l’unique représentation de 1667. En suivant pas à pas ce compte rendu, on constate quelques différences avec notre Tartuffe définitif. […] Les contemporains ont noté avec quel soin Molière confiait ses rôles aux comédiens extérieurement les plus propres à en rendre l’esprit.

98. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE PREMIER. » pp. 5-19

Lélie est un amant vif, pétulant : il ne réfléchit point ; mais il a des graces, & ses incartades mêmes le rendent quelquefois intéressant, parceque la vivacité de son amour les occasionne. […] Philipin obtient un second rendez-vous pour son maître. […] Le lendemain au matin le drapier le fit appeller, lui disant qu’ayant songé la nuit au voyage qu’il vouloit entreprendre, il ne trouvoit pas à propos de paroître à Chartres qu’il ne fût habillé de deuil ; qu’il lui falloit du temps pour cela, & partant, qu’il l’engageoit de retourner à Chartres retrouver sa belle-sœur avec un mot de lettre qu’il lui donneroit, dans laquelle il mit la raison qui l’obligeoit de retarder encore deux ou trois jours, au bout desquels il ne manqueroit pas de se rendre, la consolant le mieux qu’il lui fut possible de l’affliction qui lui étoit arrivée. […] Il est sans doute plaisant qu’un homme à qui l’on persuade que son ami est mort, prenne ce même ami pour un revenant dès qu’il le voit, & lui promette des prieres ; mais le comique est bien plus renforcé dans l’entrevue de deux hommes qui se croient morts tous deux, se revoient en tremblant, & se rendent mutuellement la peur qu’ils se font : la situation est plus piquante du double. Moliere ne s’est pas contenté de s’approprier les étourderies & les fourberies qui sont chez l’Auteur Italien & chez Quinault ; il en a puisé par-tout, comme l’on voit : aussi en a-t-il plus réuni dans un seul acte que Quinault dans toute sa comédie, ce qui rend sa piece aussi vive, aussi rapide que l’autre est froide & languissante.

99. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE VI. Les Femmes. » pp. 103-120

  Amante, que la pudeur avant tout, et l’honneur, et l’abnégation soient les vertus qui l’élèvent et la rendent digne de devenir femme352. […] Quand le fils d’Orgon, outré de tant de scélératesse et emporté par la fougue de son âge, veut tout révéler au père, elle dit : Non, Damis ; il suffit qu’il se rende plus sage, Et tâche à mériter la grâce où je m’engage. […] Peu à peu, les petites intrigues se nouent391 ; le temps et le cœur s’usent à ménager les prétendants, et à tenir la balance égale entre tant de gens qui s’enhardissent pour la faire pencher de leur côté392 ; la vanité, l’audace grandit à mesure que le cœur s’amoindrit ; les vrais amis s’éloignent discrètement pour faire place aux faux amants ; on finit par se perdre soi-même au milieu de ses propres ruses, et par être impitoyablement humiliée par ceux-là dont on croyait s’être fait des esclaves en se compromettant393 ; et quand il n’en reste plus qu’un seul, celui qu’on a tourmenté sans pitié par tous les raffinements de la coquetterie, et qui pourrait seul rendre le bonheur avec l’honneur, celui-là, on n’est plus capable de l’aimer ; on le réduit au désespoir par une exigence indigne394 ; et l’on demeure perdue à l’amour qu’on n’a point connu, au monde qui met autant de froideur dans ses dédains qu’il apportait d’ardeur dans ses flatteries : heureuse encore si l’on n’est pas perdue au repentir, et si, dans l’âme desséchée, il reste encore de quoi aimer la vertu autrement que par nécessité : après cette jeunesse de Célimène, la triste chose \ de finir en Arsinoé ! […] Toutefois, en admirant celte puissance d’esprit, cette justesse de sens, cette délicatesse de cœur, cette hauteur de vue qui rendent immortelles les peintures de femmes faites par Molière, le moraliste mettra quelque restriction aux louanges que l’enthousiasme l’entraînerait à donner. […] Chez l’homme, les passions coupables sont quelquefois revêtues d’un vernis d’élégance, même de grandeur, qui les rend propres à intéresser : c’est un privilège des femmes que l’honneur leur soit si naturel et si nécessaire, qu’elles paraissent repoussantes sitôt qu’elles s’en séparent.

100. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Préface » pp. -

Mon assujettissement aux dates des faits, aux âges des personnes, à la nomenclature des ouvrages ; ma division en périodes, qui fait revenir souvent les mêmes noms sans autre motif que d’en présenter une revue à différentes époques, tout cela est très fastidieux ; et cependant comme mon but était de prouver que les notions généralement reçues confondaient des personnes, des choses sans relation, uniquement parce qu’on n’avait pas démêlé les temps de leur existence, j’ai voulu rendre aux amateurs d’histoire le service de remettre les choses en leur temps et les personnes à leur place. Si j’avais élevé plus liant mon ambition, j’aurais eu le malheur de me rendre ridicule ; j’ai donc évité le peccet in extremis ridendus .

101. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE V. Des Vers & de la Prose dans les Comédies. » pp. 103-117

Il ne rejoua l’Avare qu’un an après : le public, qui, à la longue, se rend toujours au bon, donna à cet ouvrage les applaudissements qu’il mérite. […] Lucile dans son ame Rend tout ce que je veux qu’elle rende à ma flamme. […] D’un autre côté, ceux qui ignorent l’art de rendre une piece comique par sa contexture, s’évertuent à prouver que les comédies doivent être versifiées ; c’est que les madrigaux, les jeux de mots, les pointes, les épigrammes dont ils veulent remplir leur ouvrage, n’ont pas le moindre sel en prose.

102. (1836) Une étude sur Molière. Alceste et Célimène (La Revue de Bordeaux et Gironde unies) pp. 65-76

Je suis né, répondit Molière, avec la dernière disposition à la tendresse, et, comme tous mes efforts n’ont pu vaincre les penchans que j’avais à l’amour, j’ai cherché à me rendre heureux, c’est-à-dire autant qu’on peut l’être avec un cœur sensible. […] On peut résumer ainsi les accusations de l’auteur d’Emile : 1° Le caractère du misantrope n’est pas assez soutenu ; 2° Molière a rendu la vertu ridicule dans la personne d’Alceste. […] Il l’est, en effet, à certains égards, et ce qui démontre que l’intention du poète est bien de le rendre tel, c’est celui de l’ami Philinte qu’il met en opposition avec le sien : ce Philinte est le sage de la pièce…»Sans doute l’auteur a rendu Alceste ridicule, et il le devait sous peine de n’en faire qu’une doublure de Philinte.

103. (1825) Notices des œuvres de Molière (IX) : La Comtesse d’Escarbagnas ; Les Femmes savantes ; Le Malade imaginaire pp. 53-492

Le défaut ou le mauvais état des routes et leur peu de sûreté, quelques autres circonstances encore, rendaient difficiles et rares les communications entre le centre du royaume et ses extrémités. […] Mais cette manie est telle, qu’habituellement leur esprit en est hébété et leur cœur endurci ; elle les a rendus crédules, opiniâtres, irascibles et surtout égoïstes. […] Molière ne l’a montré que de profil ; encore a-t-il eu soin de ne le placer qu’auprès d’un être dégradé par une manie qui le rend imbécile et insensible. […] Toutes deux ont leurs mystères qui les rendent redoutables, et leurs superstitions qui les dégradent. […] Angélique et Cléante ont été doués par Molière de tout ce qui peut les rendre intéressants.

104. (1809) Cours de littérature dramatique, douzième leçon pp. 75-126

Les Aristarques français, et l’opinion qu’ils ont rendue dominante, ne reconnaissent dans la comédie qu’un seul poète classique, Molière. […] Ce trait, du genre d’Aristophane, bien rendu par l’acteur, produit un grand effet, et nous pouvons juger par là de la force comique du poète grec. […] Le point où Alceste a raison et celui où il a tort seraient difficiles à fixer, et je crains que le poète lui-même ne s’en soit pas rendu un compte exact. […] Le talent qui aspire à l’immortalité, doit s’exercer sur des sujets que le temps ne puisse jamais rendre inintelligibles, et peindre la nature humaine plutôt que les mœurs de tel ou tel siècle. […] La société émousse tout ce qu’il y a d’anguleux dans les caractères, la poursuite des ridicules est son unique occupation, et par conséquent elle rend habile à se tenir en garde contre les observations des autres.

105. (1881) La philosophie de Molière (Revue des deux mondes) pp. 323-362

Molière ne pouvait en effet rendre don Juan plus coupable qu’en le faisant passer du vice au crime ; il faisait alors un drame et non une comédie ; et ce qu’il a voulu faire, c’est une comédie. […] Molière a dû rejeter ce moyen grossier de rendre don Juan odieux. […] N’est-il pas évident, au contraire, qu’il veut nous le rendre, sinon odieux, du moins antipathique, et n’y a-t-il pas réussi ? […] Mais il est certain aussi que celui qui se donnera ce rôle de défendre partout la justice et la vérité se rendra ridicule et bientôt odieux. […] C’est Philinte lui-même qui le dit : Et quand on est du monde, il faut bien que l’on rende...

106. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [17, p. 47-48] »

Enfin, il lui envoya le maître chez qui il l’avait mis en pension pendant les premières années de ses études, espérant que par l’autorité que son maître avait eue sur lui pendant ce temps là, il pourrait le ramener à son devoir ; mais bien loin que ce bonhomme lui persuadât de quitter sa profession, le jeune Molière lui persuada de l’embrasser lui-même, et d’être le docteur de la comédie ; lui ayant représenté que le peu de latin qu’il savait le rendrait capable d’en bien faire le personnage, et que la vie qu’ils mèneraient serait bien plus agréable que celle d’un homme qui tient des pensionnaires. […] Ce bon Père lui envoya ensuite le Maître chez qui il l’avait mis en pension pendant les premières années de ses Études, espérant que par l’autorité que ce Maître avait eue sur lui pendant ces temps-là, il pourrait le ramener à son devoir ; mais bien loin que le Maître lui persuadât de quitter la profession de Comédien, le jeune Molière lui persuada d’embrasser le même Profession, et d’être le Docteur de leur Comédie, lui ayant représenté que le peu de Latin qu’il savait le rendrait capable d’en bien faire le Personnage, et que la vie qu’ils mèneraient, serait bien plus agréable que celle d’un Homme qui tient des Pensionnaires.

107. (1725) Vie de l’auteur (Les Œuvres de Monsieur de Molière) [graphies originales] pp. 8-116

Le pere s’y rendit, & se détermina à l’envoyer au College des Jesuites. […] Un époux si extraordinaire auroit du lui donner des remords & la rendre sage. […] Sans cela, leur dit-il, je ne puis m’y trouver, & vous pourrez rendre l’argent. […] Baron ayant vû le sang qu’il venoit de rendre, s’écria avec frayeur. Ne vous épouvantez point, lui dit Moliere, vous m’en avez vû rendre bien davantage.

108. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE III. L’Honnête Homme. » pp. 42-64

Non : l’homme, être perfectible, n’est honnête homme qu’en s’appliquant de toutes ses forces à régler en soi les passions excessives, à se rendre meilleur de toutes façons, par le travail, par la science, par la charité, par les manières même et par la politesse, par l’esprit et par le corps, enfin à s’approcher autant que possible du type idéal de l’humanité ; en sorte qu’il réalise le vœu de Platon, qui demande que la vie du sage soit un effort pour se rendre semblable à Dieu 124, ou plutôt qu’il obéisse au commandement du Christ : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait 125. » Ce n’est pas seulement en gros et dans les circonstances importantes qu’il faut être vertueux : l’honnêteté consiste à se perfectionner en tout genre, à poursuivre le bien en toutes choses, à fuir, après les vices, les défauts, les travers, les ridicules même, et toutes les misères adhérentes à l’humanité, qui rendent quelquefois les petites vertus plus difficiles à pratiquer que les grandes. […] Molière semble n’avoir oublié aucun des points sur lesquels doit être parfait son honnête homme : il ne tolère ni l’extravagance de l’important-, qui dérange tout le monde, qui veut que tous S’occupent de lui, et qui tranche toutes lés questions avec une suffisance burlesque176 ; ni la politesse écervelée de ceux qui se rendent importuns à force de civilités, et s’obstinent à rendre service aux gens malgré eux177 ; ni la sotte vanité de rougir de Ses pères, de se faire appeler M. de la Souche au lieu d’Arnolphe 178, ou de vouloir, au risque de ruiner sa maison, devenir, de bourgeois, gentilhomme179 : ce travers, qui semblerait au premier abord excusable, peut aller pourtant, jusqu’à une réelle dégradation morale, aboutir à la perle des biens péniblement acquis, et au malheur des enfants ridiculement mariés180. […] C’est un honneur à Boileau et à Molière190 d’avoir voulu, d’avoir su rendre ce service à la France : service bien oublié aujourd’hui, et auquel pourtant elle doit une gloire plus solide que celle des victoires et même de l’industrie, la gloire de l’esprit français 191. […] C’en est assez ce me semble pour rendre Molière inexcusable. » Lettre à d’Alembert surles spectacles. — Voir Laharpe, Cours de littérature, partie II, liv.

109. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VI. Des Pieces à scenes détachées, dans lesquelles une Divinité préside. » pp. 61-74

Mercure se rend aux raisons de la Vérité, & lui promet d’aller apprendre aux Mortels qu’elle a banni sa rigueur, & qu’ils trouveront dans la douceur de ses conseils des moyens infaillibles pour devenir heureux. […]   Pour rendre ta perte complette,  Un beau matin Zéphyr10 s’envolera. […] J’ai cité de préférence cette piece, non qu’elle soit parfaite dans son espece, puisque malgré le champ vaste qui se présentoit à l’Auteur, ses acteurs n’y font que lire des titres ou des almanachs, ce qui rend les épigrammes très monotones, & ennuyeuses par conséquent, puisque la Divinité qui est censée être l’héroïne de la piece, & qui pourroit dire les choses les plus fines, les plus ingénieuses, n’y dit rien ; puisqu’enfin la partie morale, qui devroit être excellente dans un siecle où les choses les plus sérieuses sont du ressort de la frivolité, se réduit à sept à huit vers, excellents à la vérité, mais ridicules dans la bouche du Chevalier avec le caractere duquel ils jurent. […] Parodie de deux vers de la piece même, mais qui ne les vaut pas :  Ci gît, sans avoir rendu l’ame, Le Baron enterré vis-à-vis de sa femme.

110. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

Mais nous faisons une vie qui m’ôte toute espérance de pouvoir vous donner un rendez-vous sûr, car madame rie Montespan sort depuis le matin jusqu’au soir, et n’a gardé la chambre qu’un seul jour, et je n’en fus pas avertie. […] Il se rendit au-devant du roi, à huit lieues de Versailles, et parut devant lui. […] Elle était l’objet des secrètes et tendres sollicitations du roi et ne voulait pas y répondre ; et madame de Montespan était de nouveau rendue aux habitudes de ce prince, pour qui le plaisir était un besoin. […] C’est cette mélancolie qui lui rendait insupportables des empressements adressés à sa faveur apparente ; c’est cette sorte de tristesse que madame de Coulanges, femme spirituelle, mais légère et vaniteuse, prenait pour un refroidissement opéré par une fortune inespérée. […] Il lui prodigue l’argent, elle rend son habitation digne de le recevoir ; les amants sont réconciliés avant de se revoir.

111. (1840) Le foyer du Théâtre-Français : Molière, Dancourt, I pp. 3-112

Molière se rendit à cette invitation, et joua avec sa troupe le Dépit amoureux, sa seconde grande comédie. […] Rousseau prétend que Molière a dégradé, avili son héros, et l’a rendu ridicule. […] Combien le mari jaloux sût rendre avec vérité les emportements amoureux d’Alceste et qu’il dût souffrir. […] Il faut, pour le rendre exactement, une profonde étude de physionomie. […] Les rendez-vous se donnaient dans leurs discrets établissements.

112. (1820) Notices des œuvres de Molière (V) : L’Amour médecin ; Le Misanthrope ; Le Médecin malgré lui ; Mélicerte ; La Pastorale comique pp. 75-436

Rendons plus de justice à Montausier qu’il ne s’en rendit lui-même. […] Il est aujourd’hui démontré à tous les bons esprits que Rousseau, confondant très mal à propos, dans le personnage d’Alceste, la vertu qui le fait estimer, avec la morosité qui le rend insociable, a fort inutilement voulu venger l’une des traits qui n’étaient dirigés que contre l’autre et ne tombaient que sur elle. […] Il est insensé, car il préfère obstinément à une femme aimable et vertueuse qui l’aime et qui le rendrait heureux, une coquette perfide qui le tourmente, le bafoue et le trahit. […] Le naturel de l’auteur, c’est-à-dire le génie comique perce et se montre par intervalle à travers ce mélange de sentiments guindés et d’aventures romanesques ; mais ce sont des lueurs passagères qui ne servent, pour ainsi dire, qu’à éclairer et à rendre plus sensible la triste insipidité du reste. […] Amasis, que de longs remords avaient déjà dégoûté d’un pouvoir injustement acquis, rend le sceptre à Sésostris, et lui accorde la main de sa fille.

113. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE VII. De l’Amour. » pp. 121-144

C’est une œuvre essentiellement morale, de montrer que la passion qui tient le plus de place dans le monde, et dont les excès sont le plus funestes, est pleine de joie et de dignité, quand l’homme sait se garder assez pour n’y céder que dans le temps et les circonstances qui peuvent la rendre utile, noble, et faire d’elle le soutien et le charme de la vie. […] À travers les intrigues de ses comédies., Molière a peint l’amour naturel 432, instinct des cœurs honnêtes : c’est un service qu’il a rendu à ses semblables. […] Leur passion sera d’autant plus vive et plus belle, qu’ils seront plus parfaits ; car toute vertu, toute intelligence, toute grâce les rendront plus propres à éprouver et à inspirer l’amour. […] Célimène n’aime point, parce qu’elle est coquette : ce vice la rend incapable de comprendre la.seule passion vraie qu’elle ait inspirée dans toute la cour.de galants qui l’obsède465. […] Eprise d’un cadet, ivre d’un mousquetaire, Nous la verrons hanter les plus honteux brelans, Donner chez la Cornu rendez-vous aux galans, De Phèdre dédaignant la pudeur enfantine, Suivre à front découvert Z… et Messaline 472.

114. (1821) Notices des œuvres de Molière (VI) : Le Tartuffe ; Amphitryon pp. 191-366

Tous les mouvements, tous les traits saillants du dialogue sont indiqués avec justesse, le sens est rendu fidèlement, et le texte même est souvent cité avec une telle littéralité qu’il semblerait que l’auteur, quand il y a manqué, l’a fait plutôt à dessein qu’involontairement. […] Cette si parfaite exactitude d’un compte rendu d’après une seule représentation a été, pour plusieurs personnes, un motif de croire que la Lettre était l’ouvrage de Molière lui-même. […] J’accorderai, si l’on veut, que Molière ait pu jusque-là faire violence à sa modestie ordinaire ; mais, quelque désir qu’il ait eu de se déguiser, je ne concevrai jamais qu’il ait eu le pouvoir de rendre son style méconnaissable au point où il le serait dans l’écrit qu’on lui veut attribuer. […] Peut-être croyaient-ils se le rendre propice en lui rappelant le souvenir d’une des plus agréables aventures que lui eussent procurées ses amoureux déguisements. […] Les Sosies sont une espèce de traduction de l’Amphitryon latin ; mais l’auteur a eu le goût d’en écarter les plus mauvaises plaisanteries de l’original, et le talent d’y ajouter quelques plaisanteries excellentes dont Molière s’est emparé pour les rendre meilleures encore.

115. (1775) Anecdotes dramatiques [extraits sur Molière]

Ce n’est point par habitude qu’il parle mais avec dessein, et selon qu’il lui est utile, et jamais quand il servirait qu’à le rendre très-ridicule. […] Rien de ce qui pouvait rendre l’imitation plus vraie et plus sensible, n’échappait à son attention. […] Alors Armand, continuant avec ce sang-froid qui le rendait si plaisant : « Là, là, consolez-vous, leur dit-il ; ne pleurez pas ; mon Gentilhomme en fut quitte pour la peur. […] Il ne se releva qu’à l’endroit où la nature et la vérité lui permettaient de le faire ; et le Public fut persuadé qu’il était tombé exprès, pour mieux rendre son jeu. […] Devenu précepteur, il se rendit en Angleterre où il rencontra John Colet dont il suivit les cours de théologie et se lia d’amitié avec Thomas More.

116.

Kaniz a dit Clitandre d’une manière remarquablement nette et spirituelle ; chacun a contribué à rendre la soirée parfaite. […] Par son talent et par son orgueil impérieux, il s’en était rendu le maître. […] Va, va rendre réponse à ta bonne maîtresse…. […] Alberdingk Thym a largement mérité par l’éminent service qu’il vient de rendre au théâtre hollandais. […] Clitandre rencontre Trissotin dans le Palais, où nous avons déjà vu ce même Trissotin donner rendez-vous à Vadius.

117. (1879) Les comédiennes de Molière pp. 1-179

Rendez-vous donc, ô divine Amarante ! […] je sais bien qu’en dire, Quoique je n’en dise rien, Je crois bien la rendre tendre, En aimant ses doux attraits, Mais lors on a beau se rendre, Elle ne se rend jamais ! […] Sans penser à la défendre, Moi qui la chérissais tant, Je ne pensai qu’à me rendre : Un autre en eût fait autant. […] Une telle différence de mœurs le rend, on le comprend, odieux à tout le monde. […] Faut-il que vos beaux yeux, à qui je rends les armes, Veuillent se divertir de mes tristes soupirs ?

118. (1747) Notices des pièces de Molière (1666-1669) [Histoire du théâtre français, tome X] pp. -419

C’est enfin par elles que Molière a rendu en France la scène comique supérieure à celle des Grecs et des Romains. […] Rien de ce qui pouvait rendre l’imitation plus vraie et plus sensible n’échappait à son attention. […] Les différentes troupes de comédiens de Paris ne furent pas des derniers à signaler leur joie, et Robinet en rend le compte suivant. […] Le désir de conserver son bien, en dépensant le moins qu’il peut, est égal au désir insatiable d’en amasser davantage ; cette avidité le rend usurier. […] Le public, qui à la longue se rend toujours au bon, donna à cet ouvrage les applaudissements qu’il mérite.

119. (1865) Les femmes dans Molière pp. 3-20

On comprend dès lors ce langage de Clitandre : … Les femmes docteurs ne sont pas de mon goût, Je consens qu’une femme ait des clartés de tout ; Mais je ne lui veux point la passion choquante De se rendre savante afin d’être savante ; Et j’aime que souvent aux questions qu’on fait Elle sache ignorer les choses qu’elle sait : De son étude enfin je veux qu’elle se cache, Et qu’elle ait du savoir sans vouloir qu’on le sache, Sans citer les auteurs, sans dire de grands mots, Et clouer de l’esprit à ses moindres propos. […] Cette complète ignorance dans laquelle Arnolphe a pris à tâche de retenir sa pupille, cet excès de simplicité et d’innocence sur lequel il a tant compté, a précisément des résultats tout contraires à ceux qu’il en attendait ; et peu s’en est fallu qu’ainsi qu’elle le lui raconte naïvement, elle ne poussât jusqu’au bout la guérison du cœur d’Horace, que, sans le savoir, elle avait blessé, et à qui sa douce présence pouvait seule rendre la vie comme le lui avait dit la messagère du blessé. […] Elmire enfin, la belle et froide Elmire était tout à fait la femme qu’il fallait pour rendre possible cette admirable scène v du quatrième acte, où Orgon est sous la table, et pour sauver tout ce qu’elle a de périlleux ; c’est, en un mot, une de ces femmes qu’on estime, qu’on admire même ; mais qui n’excitent pas de bien vives sympathies. […] Et combien cette étrange situation est rendue plus piquante encore par le contraste, des scènes si comiques entre Cléanthis et Mercure sous la forme de Sosie, puis Sosie lui-même, cette prude et grondeuse Cléanthis à qui Mercure dit : La douceur d’une femme est tout ce qui me charme, Et ta vertu fait un vacarme Qui ne cesse de m’assommer. […] Avec quelle fine ironie elle répond aux questions d’Orgon, qui, à son retour de la campagne, et au compte qu’elle lui rend de la santé de sa femme, ne trouve rien de mieux que de lui demander à tout moment : et Tartuffe ?

120. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VI. Des Prologues. » pp. 118-138

te voilà : je te trouve admirable ; tu m’as donné rendez-vous ici pour voir une piece nouvelle, & on me vient dire que c’est le Joueur. […] Nos Romanciers remplissent ordinairement un premier volume de la vie du pere & de la mere de leurs héros : les Dramatiques Chinois ont le même défaut ; ils mettent en action, dans un prologue, l’histoire du pere & de la mere de leur premier personnage : tel est celui qui précede Tchao-chi cou ell, ou le petit Orphelin de la Maison de Tchao, piece que M. de Voltaire a rendu fameuse en y puisant le sujet de son Orphelin de la Chine. […] Nos charges nous ont rendu ennemis : j’ai toujours eu envie de perdre Tchao, mais je ne pouvois en venir à bout. […] Au reste, les Modernes se flattent d’avoir introduit le dialogue dans leurs prologues, & de les avoir par là rendus moins ennuyeux. […] Le prologue est une espece d’enfant perdu qu’on envoie reconnoître l’ennemi, & qui souvent en essuie le premier feu ; ou, pour parler plus clairement, c’est un petit ouvrage que l’on fait précéder la comédie, dans lequel un Auteur cherche à se rendre favorable le parterre.

121. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIX & dernier. Des causes de la décadence du Théâtre, & des moyens de le faire refleurir. » pp. 480-499

Enfin vous obtenez les honneurs de la représentation : mais l’un des Acteurs est mécontent de son rôle, ou peut-être ne le sent-il point ; en conséquence il le rend mal, n’y fait aucune sensation ; la piece déplaît, & le public vous attribue votre chûte. […] Ce ne sera pas certainement un public toujours avide de nouveautés, ni les Auteurs qui n’ont plus rien à espérer sans cet heureux changement ; encore moins MM. les Gentilshommes de la Chambre, puisqu’un théâtre de plus leur fournit un double moyen de faire des heureux, de placer des gens à talent, de s’assurer l’immortalité en protégeant les Muses qui la donnent, & leur facilite des ressources pour varier les fêtes de la Cour, ou pour les rendre plus brillantes, soit en y appellant les deux troupes séparément, soit en réunissant l’élite de l’une & de l’autre61. […] Le pigmée reste, accoutume peu à peu le public à ses défauts, agence quelques rôles à sa taille, à sa voix, à sa poitrine, à son tempérament, à ses petites manieres, devient Acteur en chef, rend à ceux qui veulent le doubler ce qu’on a fait à son début : ses successeurs l’imitent ; leurs doubles essuient les mêmes traitements, & les rendent. […] Pourquoi ne rendent-ils pas leurs réglements aussi publics ?

122. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVII. Conclusion » pp. 339-351

Mais ce n’est pas, à notre avis, dans cette sorte de caput mortuum qu’il faut découvrir et signaler le service le plus important que les Italiens rendirent au chef de l’école française. […] Les importuns qui se jettent à la traverse d’Éraste allant à un rendez-vous amoureux, et dont Molière a fait la galerie satirique des Fâcheux, sortent aussi de la commedia dell’arte. […] Elles apprennent encore à ne point désespérer d’une époque parce qu’elle n’enfante point des œuvres artistiques ou littéraires de premier ordre : elle les ébauche, elle les rend possibles, elle les prépare peut-être.

123. (1769) Éloge de Molière pp. 1-35

Heureux s’il conçoit quels services il peut rendre. […] tes vertus te rendent plus cher à ceux qui t’admirent ; mais c’est ton génie qui intéresse l’humanité, et c’est lui surtout que j’ai dû peindre. […] du moins, s’il eut pressenti quelle justice on devait lui rendre ! […] C’est le propre du génie de rendre digne des beaux-Arts la nature commune. […] Rendons-nous plus de justice, augurons mieux de nos travers, et ne désespérons pas de pouvoir rire un jour à nos dépens.

124. (1852) Molière, élève de Gassendi (Revue du Lyonnais) pp. 370-382

Je soutiens qu’il faut dire la figure d’un chapeau et non pas la forme. » Par cette risible déclamation de Pancrace contre les magistrats qui tolèrent un pareil scandale, Molière, avant l’arrêt burlesque de Boileau et de Bernier, retenait par le ridicule les théologiens et les péripatéticiens qui sollicitaient, et les magistrats qui étaient tout prêts à rendre un arrêt contre les opinions nouvelles en philosophie. […] Recommander d’être sage avec sobriété et de s’accoutumer aux vices des hommes, n’est-ce pas mettre en pratique la morale de Gassendi, qui n’a pas d’autre but que de rendre la vie heureuse, et qui fait de la prudence la mère de toutes les vertus ? […] Séparez donc l’étude des lettres de celle de la philosophie et de son histoire, et, entr’autres résultats, vous aurez celui de rendre en partie inintelligibles les chefs-d’œuvre de la littérature française. […] Pour donner plus de goût à sa traduction, Molière avait rendu en prose toutes les matières philosophiques, et il avait mis en vers les belles descriptions de Lucrèce. » (Mémoires sur la vie de Molière, en tête de l’édition d’Aimé Martin).

125. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XX. Des Pieces intriguées par le hasard. » pp. 223-240

Cette sœur, appellée Marcella, voit Lisardo, apprend qu’il va très souvent à la Cour, l’attend sur le chemin, lui fait une déclaration amoureuse, lui donne rendez-vous pour un autre jour, & lui défend toujours de l’accompagner jusqu’à sa rue, parcequ’elle veut cacher sa demeure. […] Silvia, suivante de Marcella, annonce qu’elle a trouvé l’amant, qu’il accepte le rendez-vous avec transport, & qu’il marche sur ses pas. […] Lisardo, content de savoir qu’il n’ont pas la même maîtresse, l’entraîne hors du théâtre pour lui apprendre qu’il a un rendez-vous. […] On apporte de la lumiere : Dom Félix & Laura s’accablent de reproches ; Dom Félix se récrie surtout sur le rendez-vous qu’on a donné à Lisardo : Laura avoue, pour s’excuser, qu’elle étoit dans l’appartement de Marcella.

126. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XLI. Des Episodes. Maniere de les lier aux Caracteres principaux, & de placer les Caracteres accessoires. Embonpoint d’une Piece. » pp. 475-492

Puisqu’aujourd’hui votre humeur pétulante Vous rend l’ame aux leçons un peu récalcitrante, Je reviendrai demain pour la seconde fois. […] Ma ruine ne peut me rendre plus sage ; & même dans ce moment je voudrois jouer. […] Je me rends aux miens. […] Mes Lecteurs auroient certainement de la peine à me croire, & je me garderois bien de rendre des tels propos, crainte de passer pour un imposteur, si la plupart de nos pieces modernes ne prouvoient qu’elles ont été faites d’après ce systême.

127. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « [Introduction] » pp. 1-4

Nous rendrons cette différence sensible en faisant passer sous nos yeux les différentes imitations des plus fameux Comiques depuis Moliere jusqu’à nous. […] Nous avons encore établi dans le Livre précédent, comme une vérité incontestable, que tout l’art de l’imitateur consiste à bien saisir, à bien rendre la nature.

128. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

À l’entrée de la ville capitale, est une place, nommée Cajolerie, ouverte de trois côtés, et qu’on a rendue spacieuse par la ruine du temple de la pudeur. […] Cette disposition était plus commode que celle qui a lieu de nos jours, laquelle ne rend le lit accessible que d’un côté, et rend très difficile le service des malades. […] Toute la famille du cardinal, le prince de Conti et sa femme plus que tout autre, étaient intéressés à rendre ridicule la galanterie sentimentale. […] La diphtongue oi rend sonores, ennoblit les monosyllabes. […] On lit dans les Mémoires de mademoiselle de Montpensier, qu’étant rentrée à la cour après la Fronde, et s’étant raccommodée avec le cardinal Mazarin qui lui rendait toute sorte de respects, elle voulut aller le voir chez lui.

129. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE PREMIER. Regnard imitateur comparé avec la Bruyere, Plaute, & la nature. » pp. 5-50

Le valet arrive, à qui il demande fiérement d’où il vient : il lui répond qu’il vient de l’endroit où il l’a envoyé, & lui rend un fidele compte de sa commission. […] Il revient une fois de la campagne, ses laquais en livrée entreprennent de le voler, & y réussissent : ils descendent de son carrosse, ils lui portent un bout de flambeau sous la gorge, lui demandent la bourse, & il la rend. […] Votre rivale ne servira qu’à rendre votre triomphe plus parfait. […] L’Oncle, que l’Auteur nous peint comme un homme raisonnable, n’aspire qu’à rendre heureux un neveu qui n’est pas digne de l’être, & qui ne pouvoit faire qu’un personnage très vicieux. […] Il se promet bien de ne la pas rendre, quand il rencontre le parasite de son frere : celui-ci, très piqué qu’on ait dîné chez la courtisanne sans lui, a découvert à la femme de Menechme perdu le vol de la robe, & l’usage auquel elle étoit destinée.

130. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VIII. M. DE SAINT-FOIX. » pp. 288-296

Pardi, si vous ne voulez pas me délier entiérement, du moins rendez-moi un bras. […] La brune m’invita d’aller à sa campagne, je m’y rendis après avoir pris congé de la blonde pour quelques jours. […] Jamais on n’a été dans un état plus violent ; Tantale ne souffre pas tant que je souffris ; mes yeux, mon imagination s’accordoient pour me tourmenter & rendre mon supplice cruel.

131. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IV » pp. 38-47

Luynes ayant succédé au maréchal d’Ancre, se rend aussi odieux que lui. […] Et enfin, il n’est pas déraisonnable de penser que l’état d’humiliation où la première jeunesse du roi fut tenue par sa déraisonnable mère, lui rendait impossible cette confiance en lui-même et dans les autres, qui est le premier véhicule de l’amour ; qu’il ne voyait dans Anne d’Autriche qu’une femme attachée à lui par le devoir ; qu’il avait besoin d’être relevé de cette dépression par la tendresse de personnes désintéressées. Me reconnaît-on pas un sentiment : de faiblesse dans ces hommages inquiets et timides qu’il rend à ses maîtresses, et qui semblent moins solliciter leur affection que leur appui ?

132. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XI » pp. 89-99

En 1648, il se rendit avec madame de Montausier dans son gouvernement de l’Angoumois pour contenir les habitants dans l’obéissance ; il y réussit35. […] « Souvenez-vous, dit-il, de ces cabinets qu’on regarde encore avec tant de vénération, où la vertu était révérée sous le nom de l’incomparable Arthénice, où se rendaient tant de personnes de qualité et de mérite, qui composaient une cour choisie, nombreuse, sans confusion, modeste sans contrainte, savante sans orgueil, polie sans affectation. » La causticité du duc de Saint-Simon ne l’a pas empêché de rendre justice à la maison de Rambouillet. « L’hôtel de Rambouillet », dit-il dans une note sur Dangeau (10 mai 1690), « était dans Paris une espèce d’académie de beaux esprits, de galanterie (galanterie est là pour élégance), de vertu et de science, car toutes ces choses s’accordaient alors merveilleusement et le rendez-vous de tout ce qui était le plus distingué en condition et en mérite, un tribunal avec qui fallait compter et dont sa décision avait un grand poids dans le monde, sur la conduite et sur la réputation des personnes de la cour et du grand monde, au tant pour le moins que sur les ouvrages qui s’y portaient à l’examen37. » 35.

133. (1885) La femme de Molière : Armande Béjart (Revue des deux mondes) pp. 873-908

Elle avait sans doute pour lui cette affection que les enfans rendent aisément à ceux dont ils se sentent aimés ; ce sentiment n’aurait pas de peine à se changer en amour conjugal. […] Molière eut soin d’y mêler un peu de coquetterie, qui, loin d’en altérer le caractère, le rendait encore plus vrai, et aussi le rapprochait davantage des moyens d’Armande. […] Cependant, a examiner d’un peu près les faits qu’on lui reproche, il n’en résulte clairement qu’une seule chose, c’est qu’elle rendit Molière très malheureux. […] Possédée contre Armande d’une haine féroce, haine de femme et de comédienne, elle n’a qu’un but qui est de la rendre odieuse ; ce qu’elle sait des actions de son ennemie, elle le dénature, ou, tout au moins, l’exagère ; ce qu’elle ne sait pas, elle l’invente. […] Seul, un autre amour peut les rendre supportables, en attendant que l’on revienne au premier.

134. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Voilà pourquoi notre lyre rend un plus beau son que celle des anciens. […] Créon, le nouveau roi, ordonne que les derniers honneurs soient rendus à Étéocle, mort en combattant pour la patrie. […] Ce pauvre homme qui s’arrache les cheveux, crie et pleure sur la scène, croit-on qu’il soit bien difficile de le rendre risible ? […] Pourquoi donc la rendre plus sérieuse qu’elle n’est, en les faisant intervenir, comme si leur présence était nécessaire ? […] Mais la puissance naissante du nouvel ordre de choses précipite Gœtz dans l’injustice, et rend sa perte inévitable.

135. (1882) L’Arnolphe de Molière pp. 1-98

Votre simplicité qui semble sans pareille, Demande si l’on fait les enfants par l’oreille, Et vous savez donner des rendez-vous la nuit ! […] La pauvre enfant a grand peur tout d’abord ; mais elle sent son droit, cela la rend forte, et elle tient bravement tête. […] Mais il a perdu le sens, il se ravale à lui reprocher l’argent qu’il a dépensé pour elle : Horace vous rendra tout, fait-elle. […] Il avait conquis son public, il faisait de l’argent, il venait d’épouser la femme qu’il aimait, elle allait le rendre père, le roi le protégeait, lui livrait sa cour, il avait pour lui le champ… et le soleil. […] S’il penchait d’un côté dans son interprétation du rôle, c’était plutôt du côté de la charge ; et principalement dans cette scène du cinquième acte, où il se sauvait ainsi d’un double danger : celui de faire plaindre Arnolphe, ce qu’il ne voulait pas ; et celui de le rendre trop odieux, ce qui n’est pas, non plus, de l’essence de la comédie.

136. (1885) Études sur la vie et les œuvres de Molière pp. -461

Le Châtelet ne veut pas rendre si tôt une si belle proie. […] Il la leur rendit avec ses pièces. […] Ce qui devait la faire à jamais disparaître sert à la rendre immortelle ! […] reprit M. de la Feuillade, je te les donne, et rends-moi mon billet. […] Chaque fois que j’emprunte, ce que je rends vaut mieux que ce qu’on me prête ; je suis dupe.

137. (1788) Molière (Dictionnaire encyclopédique) « article » pp. 588-589

On sait que Molière fut frappé à mort sur le théâtre, en contrefaisant le mort dans le Malade imaginaire, circonstance qui a fourni des épigrammes, tandis que l’événement devait arracher des larmes ; on sait qu’il mourut dans les bras de la piété, et qu’il s’en était rendu digne par sa charité ; il donnait l’hospitalité à deux de ces pauvres religieuses qui viennent quêter à Paris pendant le carême ; elles lui prodiguèrent par devoir et par reconnaissance, les consolations et les soins dans ses derniers moments ; on sait jusqu’à quel point la rigueur de nos usages (qu’il ne s’agit pas ici de juger) fut adoucie en sa faveur à la prière de Louis XIV. […] juste, mais tardif témoignage que la vanité plus que la douleur de cette femme rendait à un grand homme dont elle avait trahi la tendresse et empoisonné la vie.

138. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVIII. Des Pieces intriguées par des noms. » pp. 204-215

Je prétends qu’aujourd’hui cet argent soit rendu. […] Crois-moi, de peur d’être étranglé, Rends-moi ce que ta femme & toi m’avez volé. […] Enfin la gourgandine est un riche corset, Entr’ouvert pardevant à l’aide d’un lacet : Et comme il rend la taille & moins belle & moins fine, On a cru lui devoir le nom de gourgandine.

139. (1911) L’Étourdi de Molière et Le Parasite de Tristan L’Hermite (De Jodelle à Molière) pp. 292-302

Bernardin, se contente d’écrire1 ‌ : « L’enlèvement par les corsaires ne semblait pas comme aujourd’hui une intrigue démodée, empruntée à la comédie antique ; en se servant de ce procédé commode pour dénouer le Parasite et l’Avare, Tristan et Molière employaient un moyen dramatique qui était encore de leur temps fondé sur la réalité des choses ; écoutons plutôt Mascarille dans l’Étourdi (IV, 1) : C’est qu’en fait d’aventure il est très ordinaire De voir gens pris sur mer par quelque Turc corsaire, Puis être à leur famille à point nommé rendus, Après quinze ou vingt ans qu’on les a crus perdus ; Pour moi, j’ai déjà vu cent contes de la sorte. […] On voit combien Alcidor, pris sur mer par quelque Turc corsaire, est à point nommé rendu à sa famille après vingt ans qu’on l’a cru perdu. […] Il est vrai encore que Lélie ne se donne pas pour le fils de Trufaldin, comme Lisandre pour celui de Manille : mais il y avait intérêt, pour rendre la situation de Lélie plus embarrassante et plus piquante près de Célie, à n’en faire qu’un marchand, qui avait vu ce fils à la fin de son esclavage ; et nous venons de voir qu’un marchand de ce genre était mentionné dans le Parasite.

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