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119. (1747) Notices des pièces de Molière (1666-1669) [Histoire du théâtre français, tome X] pp. -419

L’indulgent Philinte qui, sans aimer ni censurer les hommes, souffre leurs défauts, uniquement par la nécessité de vivre avec eux, et par l’impossibilité de les rendre meilleurs, forme un contraste heureux avec le sévère Alceste qui, ne voulant point le prêter à la faiblesse de ces mêmes hommes, les hait et les censure, parce qu’ils sont vicieux. […] Il ne faut point d’autres preuves, pour montrer qu’elle le soutient, que le refus qu’elle fait d’épouser le Misanthrope et d’aller vivre dans son désert. […] Ainsi, il se fit remarquer à la Cour pour un homme civil et honnête, ne se prévalant point de son mérite et de son crédit, s’accommodant à l’humeur de ceux avec qui il était obligé de vivre, ayant l’âme belle, libérale ; en un mot, possédant et exerçant toutes les belles qualités, d’un parfaitement honnête homme. […] Ils n’ont eu garde de s’attaquer par le côté qui les a blessés, ils sont trop politiques pour cela, et savent trop bien vivre pour découvrir le fond de leur âme. […] messieurs, leur dit-il, épargnez du moins un pauvre vieillard de soixante-quinze ans, qui n’a plus que quelques jours à vivre.

120. (1892) Vie de J.-B. P. Molière : Histoire de son théâtre et de sa troupe pp. 2-405

Il a vécu dans l’état social le plus favorable lorsque, les vieilles mœurs persistaient encore et conservaient aux traits de chaque individu un relief énergique, et lorsque en même temps le foyer central, Paris et la cour, formait à l’élégance et au bon goût l’élite de la nation. […] Si l’on trouve parfois dans le dialogue de Molière un peu de crudité et de verdeur, on n’en est pas surpris, en se reportant au temps où il vécut ; s’il y a lieu de s’étonner au contraire, c’est bien plutôt du progrès qu’il fit faire au style et aux mœurs de la comédie. […] Il vécut sans la dame, et vécut sans ennui, Comme la dame ailleurs se divertit sans lui : Heureux en son amour, si l’ardeur qui l’anime N’en conçoit les tourments que pour s’en plaindre en rime, Et si d’un si beau feu la céleste vigueur Peut enflammer ses vers sans échauffer son cœur ! […] Le roi assistait incognito à la comédie ; ce jeune prince, qui plus tard disait du vieux ministre : « S’il eût vécu plus longtemps, je ne sais ce que j’aurais fait »,s’appuyait au dossier de la chaise du cardinal ; de temps en temps il rentrait dans un grand cabinet qu’on voyait derrière. […] La mère vivait et avait un peu plus de soixante ans : elle consentit à se déclarer mère et à faire feu son mari père de l’enfant née en 164581.. »Ce raisonnement a séduit quelques bons esprits.

121. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIII. De la liaison des Scenes. » pp. 250-260

Il s’est peint dans cette épitaphe, qui n’est pas merveilleuse : J’ai vécu l’homme le moins fin Qui fût dans la machine ronde, Et je suis mort la dupe enfin De la dupe de tout le monde.

122. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIV. » pp. 279-289

Géronte l’accepte pour gendre : Sganarelle pardonne à sa femme les coups de bâton qu’il a reçus, en faveur de la dignité où elle l’a élevé ; mais il l’exhorte en même temps à vivre désormais dans un grand respect avec un homme de sa conséquence, parceque la colere d’un Médecin est plus à craindre qu’on ne peut croire.

123. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXIV. » pp. 489-499

Le monde va périr, si l’on me laisse vivre.

124. (1769) Idées sur Molière pp. 57-67

Ne cessons de le dire; le naturel est le charme le plus sûr et le plus durable; c’est lui qui fait vivre les ouvrages, parce que c’est lui qui les fait aimer; c’est le naturel qui rend les écrits des anciens si précieux, parce que maniant un idiome plus heureux que le nôtre, ils sentaient moins le besoin de l’esprit; c’est le naturel qui distingue le plus les grands écrivains, parce qu’un des caractères du génie est de produire sans effort; c’est le naturel qui a mis la Fontaine, qui n’inventa rien, à côté des génies inventeurs; enfin c’est le naturel qui fait que les lettres d’une mère à sa fille sont quelque chose et que celles de Balzac, de Voiture, et la déclamation et l’affectation en tout genre sont, comme dit Sosie, rien ou peu de chose.

125. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XII. Lo Ipocrito et Le Tartuffe » pp. 209-224

Messer Ipocrito entre en scène en se livrant à part lui à ces réflexions : Qui ne sait feindre ne sait vivre ; la dissimulation est un bouclier qui émousse toutes les armes ; c’est une arme qui brise n’importe quel bouclier.

126. (1886) Molière : nouvelles controverses sur sa vie et sa famille pp. -131

On peut faire bon marché des commérages de Tallemant des Réaux ; on peut faire à de la dénonciation de Montfleury et de la phrase perfide où Racine en a parlé : « Montfleury a écrit une requête contre Molière et l’a donnée au roi ; il l’accuse d’avoir épousé la fille et d’avoir aussi vécu avec la mère. »Tallemant est une caillette, Montfleury et Racine sont des adversaires. […] Au contraire, Joseph et Geneviève, le frère et la sœur de Madeleine, étaient loin de vivre dans l’opulence. […] Armande, commune en biens avec son mari, jouissait d’une trop grande aisance pour jouer le rôle d’une lionne pauvre, et Molière n’eût pas continué à vivre sous le même toit que sa femme si elle eût fait trafic de ses charmes. […] Nous le prions donc de nous laisser cette double croyance : que Molière, s’il a été Alceste, n’a pas été… Sganarelle, et qu’il n’a pas vécu, qu’il n’est pas mort excommunié — ce qui, d’ailleurs, importe assez peu à sa mémoire, et ne peut ni grandir ni diminuer la gloire immortelle de son nom. […] Un Charles de Molière, qui vivait encore en 1660, a dressé à Agde, en 1603, un inventaire des documents et papiers des archives de la maison commune de cette ville, et l’écriture de ce document est parfois étrangement semblable à celle du reçu fait à Pézenas21.

127. (1900) Molière pp. -283

Mais, lorsqu’il a vingt-trois ans, la fatalité s’abat sur lui sous la forme d’une passion de théâtre ; il s’éprend d’une comédienne, qui faisait alors assez de bruit dans Paris, et qui vivait avec M. de Modène, auquel elle était, dit-on, unie par un mariage secret ; on la nommait Madeleine Béjart. […] C’est Cathos, et c’est Madelon, qui sont des filles romanesques, des filles de la bourgeoisie que leur condition irrite, qui veulent vivre dans le grand et dans le fin ; comment Molière exprimera-t-il cet état d’esprit d’une sotte bourgeoise enragée de l’être, et qui a l’imagination dépravée par d’absurdes romans ? […] et, puisque tu m’es enlevé, j’ai perdu mon support, ma consolation, ma joie ; sans toi il m’est impossible de vivre. […] Ce qui frappe d’abord, c’est qu’en un endroit de la pièce il attaque encore la cabale dévote ; tout ce que la fureur déchaînée peut inventer d’imaginations froides et insultantes se trouve réuni dans cette scène où Dom Juan, à bout d’expédients, avoue et explique à Sganarelle qu’il se fait dévot pour vivre à sa fantaisie et en sûreté, absolument comme Tartuffe. […] ——— La gloire nous fait vivre pour toujours dans la postérité et l’amour pour un instant dans l’infini.

128. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXV. » pp. 500-533

La violence de sa passion le fait résoudre à demander en mariage l’adorable beauté sans laquelle il ne peut plus vivre ; & il en obtient d’elle la permission, par un billet qu’elle a l’adresse de lui faire tenir. […]   Apprenez-moi ma destinée :   Faut-il vivre ?

129. (1809) Cours de littérature dramatique, douzième leçon pp. 75-126

Alceste a mille fois raison contre cette charmante Célimène, son seul tort est sa faiblesse pour elle ; il a raison dans ses plaintes sur la corruption de la société ; personne ne lui conteste les choses de fait qu’il soutient : il a tort de mettre en avant ses opinions avec tant de violence et si peu d’à-propos, mais puisque enfin il ne peut pas prendre sur lui l’espèce de dissimulation nécessaire pour vivre en paix avec ceux qui l’entourent, il a parfaitement raison de préférer la solitude « à la vie du monde. […] L’habitude de vivre par la pensée dans une autre sphère que celle où l’on est, occasionne des erreurs qui se ressemblent toutes, et qui n’offrent entre elles aucune gradation ; aussi peuvent-elles amuser dans une petite pièce, sans mériter le grand appareil d’une comédie en cinq actes. […] Quant à Mélanie, cette pièce peut être bonne pour réveiller la conscience d’un père qui veut forcer sa fille à vivre dans un cloître ; mais en quoi les spectateurs ont-ils mérité un pareil tourment ?

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